• "Et après" : En tout amant, il y a un ami qui sommeille.

    C Delarue

    dimanche 4 janvier 2009 sur amitie-entre-les-peuples.org

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article541
     
     

    Il s'agit là d'une phrase du livre de Jacqueline KELEN "Aimer d'amitié" (Lafond) qui a écrit de bons développements sur l'amitié après la rupture sentimentale (Chapître intitulé "... et après" p 149). " Garder relation et amitié avec l'autre, après séparation ou divorce, c'est aussi une fidélité à soi-même, c'est ne pas se renier, c'est garder l'estime, toute l'estime pour celui qu'on a aimé, désiré et que maintenant - la faute à personne - on aime moins ou plus de cette façon.(p 166). L'amitié permet se surcroit d'éviter un risque dit J Kelen : "Une rupture court toujours le risque de la laideur, de la vulgarité, de la mesquinerie". Passer de l'amour amoureux à l'amour-amitié c'est conserver l'estime et l'admiration que vous portiez à l'autre au-delà des effets du désir sexuel (avec un petit "d"), des effets du partage d'une forte intimité sexuelle.

    Lire ici Amour et Désir (et non désir)

    "Aimer d'amitié" précise que l'amour véritable commence avec l'amitié. C'est d'ailleurs le sous-titre de l'ouvrage qui dit tout le mal qu'il y a dire sur l'amour non amical. Comment définir d'ailleurs l'amour non amical ? Amour passion ? pas nécessairement. Amour amoureux ? Pas toujours. Alors disons que l'amour non amical serait l'amour qui inclut le rapport charnel et sexuel. Mais si l'amour véritable est celui que l'on porte à ses amis il peut alors paraître inquiétant de passer tant de temps de notre vie en "mauvais amour" avec une compagne ou un compagnon avec qui nous avons des relations sexuelles (en réalité ou "en réserve"). Non dit J Kelen car "l'amitié peut entrer dans le couple". Tout son chapître 5 porte sur l'amitié dans le couple. Mais dire cela bouscule la distinction précédente. A moins de penser que quand l'amitié entre dans le couple, c'est la sexualité qui s'en va. Soit elle s'éteint soit elle s'en va chercher ailleurs satisfaction. Si la sexualité s'éteint, la question est tranchée. Il ne peut y avoir que de l'amitié tant que le désir est mort. Le couple ne se transforme pas nécessairement en couples simplement cohabitants qui partagent sans affection ni tendresse les tâches quotidiennes mais cela peut survenir. C'est même loin d'être rare ! Des personnes vivent alors côte à côte plutôt qu'ensemble. Et lorsqu'elles se touchent ou s'embrassent c'est de façon conventionnelle et sans affection. On appelle cela les couples "as if" (comme si) . Et lorsque le désir revient, ce n'est alors pas nécessairement le compagnon "officiel" qui en est l'objet d'attention. Rien d'étonnant ici.

    J Kelen ajoute d'autres éléments qui bougent la distinction entre amour-amitié et amour-autre. Ainsi l'amitié n'est pas asexuée. Elle ne nie pas le corps de l'autre. Va-t-on caresser son ami(e), l'embrasser ? Oui répond J Kelen. Mais alors ce n'est plus de l'amitié ! On ne voit guère les amis se dire des mots doux ou avoir des gestes tendres . Cela arrive mais c'est rare . Si le désir sexuel est absent : on a alors une amitié un peu charnelle mais qui évite le désir et la relation sexuelle . On trouve cette configuration chez les couples "officiels" (mariés ou non) âgés ou la sexualité n'est plus mais ou la tendresse est restée. Mais dans le cadre des rapports d'amitié ordinaire il s'agira le plus souvent d'amitié-amoureuse, celle qui met en présence des amis qui font l'amour de temps en temps . On voit que les frontières sont floues, incertaines dit J Kelen. Autre élément qui montre encore que la stricte séparation entre amour-amitié et amour non amical est à relativiser c'est l'idée défendue par J Kelen que l'on peut passer de l'amour-amoureux à l'amour- amitié après la rupture.

    Un des intérêt de cette lecture c'est le rapprochement opéré sur certains points car J Kelen et moi-même ne partons pas du même postulat . Pour J Kelen c'est le sentiment amical qui est valorisé d'emblée et elle y introduit le charnel et le désir à petites doses. Alors que pour ma part je pense à partir de l'inverse : j'accepte pleinement sans le dénigrer le fait du "tomber amoureux" ( 1), et le bonheur de se jeter avec passion dans les bras de l'autre (2). Valérie Daoust a valorisé, elle aussi, l'authenticité de la passion (3). C'est donc là une divergence de départ et une opposition pour partie à J Kelen comme d'ailleurs à Eric Fromm de l'Art d'aimer. Mais cette opposition circonscrite au rigorisme frommien (issu de la philosophie de Spinoza que partage aussi mais dans une orientation et une tonalité différente proche de celle de Robert MISRAHI) ne doit pas masquer ce que je dois au Maître de la philosophie culturaliste . Au-delà de la violence du désir et des fantasmes partagés un "travail amoureux" (Max Pagès) construit des sentiments mixtes pour ne pas dire ambivalents ; "travail" qui produit parfois (pas toujours) de la durée et à tout le moins de l'estime et du respect pour l'ex et pour les proches de l'ex. Le bel amour qui a dépassé sa phase amoureuse sans tomber dans la froide amitié passe du captatif réciproque à l'oblatif sans sacrifice ; il entretient l'un et l'autre dans le passage des émotions fortes aux sentiments surs et durables.

    Christian DELARUE

    1) Le "tomber amoureux", de la chute à l'élévation. C Delarue
     Le "tomber amoureux", une chute et un point de départ.


    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php ?article540

    2) "CARTE DU TENDRE" ET CHOIX DU PARTENAIRE

    http://bellaciao.org/fr/article.php3 ?id_article=58628

    3) S'engager pleinement, sans retenue...

    http://bellaciao.org/fr/spip.php ?article52684

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article541


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  • Le "tomber amoureux"

    Une "chute" certes mais qui peut être, plus qu'une aventure, le point de départ d'une élévation, d'un amour véritable, sublime.

    10/07/1998


    Contre la solitude, solitude réelle ou " solitude dans le couple " (ou la famille), certains ou certaines cherchent un(e) partenaire. D'autres non . Ils ou elles préfèrent la surprise de la rencontre amoureuse et donc le " vivre en solo ". Mais peu importe ici. Mon propos est le "tomber amoureux" (et secondairement sa transformation en amour durable).

    Voir le positif

    Je vais l'aborder positivement car le " tomber amoureux " a été critiqué notamment par E Fromm au nom du concept spinozien de la passivité. Il est des individus, hommes ou femmes, hétéro ou homo, jeunes ou vieux, qui ne sont jamais vraiment " tombés amoureux " conjointement, ensemble . Il n'ont donc jamais connu cette expérience partagée de transcendance, cette surabondance de joie et de bonheur, ce surcroît de vie autant que de " plus-jouir " (Lacan) . Et celles et ceux qui l'ont connu n'ont pas toujours pu ou su le faire vivre, ce qui est autre chose. L'amour n'est pas un long fleuve tranquille.

    Freud et non à Misrahi

    Cela va peut-être étonner mais c'est à Freud et non à Misrahi (mail précédent) que je recours pour expliquer cette avantageuse émotion fusionnelle qui, si elle perdure, va se métamorphoser en amour . En effet la référence à la tendresse est présente dans toute l'œuvre freudienne. Mais la tendresse n'est qu'un élément de la " love map " (ou " sexual-maps " selon Money) traduit en " carte du tendre " par Jean-Didier Vincent. Un texte de Freud, en 1912, " Deuxième contribution à la psychologie de la vie amoureuse. " distingue à ce propos nettement deux courants dans la psycho-sexualité, le courant tendre et le courant sensuel et érotique . Si l'amour ne se réduit pas à la sensualité, il ne peut pas non plus totalement l'éliminer. On ne peut tout sublimer.

    De l'émotion aux sentiments / du passif à l'actif.

    Le temps opère passage de la passivité du "tomber amoureux" à l'amour actif ("se tenir dans l'amour" selon Fromm). Si l'émotion relève de formes explosives de l'affectivité , les sentiments participent eux de phénomènes affectifs plus tempérés, plus stables (J Maisonneuve) . Mais les premiers états affectifs perdurent, et la passion s'inscrit alors dans la durée . L'émoi initial est entretenu, par des rites notamment (Neuburger), portant sur les deux désirs amoureux (R Barthes) le pothos, désir de l'amant absent et l'himeros désir plus ardent pour l'amant présent.

    La magie des deux " cartes du tendre "

    Revenons alors à l'émoi initial . "Par quels indices ténus, subliminaux, les deux partenaires sentent-ils la correspondance ?" La magique rencontre amoureuse se traduit par la rencontre de deux " cartes du tendre ". C Chiliand précise que " la sexualité de chacun a des particularités idiosyncrasiques, que nous appelons " cartes du tendre " . Elles incluent les particularités de l'excitation sexuelle, de sa montée et de sa résolution finale, le choix du partenaire et la formation du couple " La rencontre amoureuse opère l'ajustement, si difficile bien souvent, des deux ordres de la psycho-sexualité de chacun(e), homo ou hétéro, celui du désir érotique et celui de la tendresse. Car, comme l'écrit Pasini "pour certains la tendresse est la "rampe de lancement de l'érotisme" pour d'autres elle ressemble à un doux somnifère. Elle entre alors en conflit avec l'érotisme qui implique non seulement jeu et communication, mais aussi surprise et transgression".

    La fusion réconcilatrice

    La rencontre amoureuse favorise donc au travers du plaisir sexuel "une synthèse du corps et de l'esprit" (R Misrahi) d'une part par une confluence paradoxale tendresse/animalité et d'autre part par fusion réconciliatrice ou même parfois régénératrice . Une confluence paradoxale car la sensualité ne peut se manifester qu'à l'égard de personnes rabaissées dit Freud et les cliniciens qui le suivirent . Ainsi tel homme est puissant avec des prostituées et impuissant avec des femmes estimées . Fusion réconciliatrice de "la mère et de la putain", de l'estime et de la vulgarité et même relativement régénératrice car les problèmes " sexuels " éventuels liés à la dissociation de la tendresse et de la sensualité peuvent disparaître.

    Alors rédemption de la rencontre amoureuse ?

    Si "la passion amoureuse implique un investissement corporel et fantasmatique total dans un sensualité libéré de la peur, de la possessivité, des scrupules perfectionnistes et de la volonté de dominer" alors il ne faut pas attendre de la rencontre amoureuse un miracle. Mais G Tordjman met-il peut-être la barre un peu haut ? Reste que la rencontre amoureuse n'efface pas tout le passé et ne peint pas nécessairement "en rose" l'avenir . Ce que les psychanalystes entendent trop souvent, notamment P Babin, c'est la blessure "de femmes bafouées, de femmes violées, de violences sexuelles faite par les hommes sur les femmes" Mais il ne s'agit plus là d'amour, mais d'invitation au combat féministe pour l'émancipation et pour l'égalité des sexes.

    Christian DELARUE

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    Erich Fromm "L'art d'aimer"

    Colette Chiliand "Le sexe mène le monde" Calman Lévy

    Robert Neuburger "Nouveaux couples" O Jacob

    Robert Misrahi "Qui est l'autre ?" A Colin

    Docteur Gilbert Tordjman "Le couple: réalités et problèmes" Hachette

    "Eloge de l'intimité" Willy Pasini Payot

    "La fabrique du sexe" Pierre Babin Textuel

     


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