• FROMM, MARCUSE ET LES DECROISSANTS.
     


    Nombre de « décroissants » mettent surtout l'accent sur la dimension individuelle et même psychologique de la décroissance. Nombreux sont les "non religieux" de la décroissance qui ne sont pas pour autant des adeptes de la croissance "à tout prix" et qui notemment pensent qu'un certain type de production marchande doit décroître fortement alors que parallèlement certaines productions utiles doivent nécessairement perdurer et même augmenter notamment dans les pays du Sud et même au Nord (comme le logement par exemple) notamment en passant dans un cadre non marchand et non capitaliste. Mais je n'entre pas ici dans ces problèmes abordés ailleurs.

    Disons que quoique l'on pense de la décroissance il n'est pas sans intérêt d'examiner "les obstacles psychologiques à la décroissance". Mais d'emblée on entre sur un pente dangereuse. Celle qui fait état d'un certain nombre de traits de personnalité que l'on trouve quasiment chez chacun de nous, de nous vivant dans les "sociétés de marchés". Ces traits ne sont donc pas présents chez tous les êtres humains à travers les siècles et dans toutes les contrées ou alors avec des modalités ou des formes très différentes. Ce qui devrait inciter à porter le regard du côté des facteurs sociaux ou systèmiques productifs de ces traits de personnalité. Mais si l'on maintien le regard du côté de l'individu, ce qui importe alors c'est l'importance de ces traits, autrement dit l'intensité ou la fréquence d'emploi de ces mécanismes jugés "nuisibles" .Il est temps que je les cite : "la compensation, la possessivité, l'attachement à l'avoir, l'attachement narcissique au look... " On voit ou mène la pente individualisante et psychologisante : elle stigmatise et culpabilise. Or l'altermondialisme n'a pas vocation à culpabiliser les individus "croissants" et encore moins à redresser les comportements nuisibles. On pourrait répondre que ce sont les excès qui sont à la fois inadaptés psychologiquement, non vertueux moralement et socialement contraires à la décroissance. Ainsi, un narcissisme modéré prenant appui sur des activités réalisées ne serait pas en cause. Mais ou se situe la limite pour le décroissant militant.

    La question articulant l'individuel et le social pourrait être : qu'est ce qui pousse les individus contemporains à ces abus. On trouvera pour y répondre mais sans cependant se dégager d'une approche par trop psychologisante et individualiste une alliance de FROMM et de MARCUSE, le second accusant plus les mécanismes sociaux que le premier. Mais le retour contemporain de MARCUSE est réduit à la critique de la publicité aliénante. FROMM quant à lui, psychanalyste, est analyste de la personnalité narcissique notamment dans "Le coeur de l'homme" mais aussi dans "Avoir ou être", critique de la personnalité possessive et captative. FROMM se réclame de Freud, Spinoza et Marx mais chez FROMM la perspective de transformation collective des structures économico-sociales n'est guère abordée.

    De ce fait on retient de lui l'usage de catégorie de pensée qui sont très générale et non dialectique ce qui conduit certains décroissants à parler de « l'attachement à l'avoir plutôt qu'à l'être, à l'argent plutôt qu'au temps libre". Ce qui les conduit aussi a des remarques de portée réduite sur : " l'attachement à la consommation (sic) et la difficulté d'apprendre à se détacher, à posséder, à se sécuriser". La réhabilitation d'Epicure ( vu à tort comme un hédoniste) dans diverses revues dont Philosophies participe aussi de cette tendance à l'éducation la vie monacale.

    Jean-Marie BROHM
    semble plus pertinent puisqu'il s'est attaqué lui, en prolongeant MARCUSE, au culte du quantitatif et de la mesure de tout en critiquant la logique de performance tant dans l'entreprise que dans le sport. Il s'est employé avec d'autres à étudier "la psychologie de masse du facisme " et donc les "phénomènes sociaux de masse: les rapports entre la sexualité (fantasmes) et la politique (domination), le destin des pulsions (Éros et Thanatos) et les formations idéologiques (mécanismes de défense), les manifestations de foule et les investissements de la libido; l'élaboration des mythologies politiques ou des visions du monde et l'économie désirante, les diverses techniques de manipulation des émotions de masse par la propagande, mais aussi les formes conscientes ou inconscientes des identifications collectives à des figures charismatiques autoritaires (Duce, Führer, Caudillo... ), les préjugés réactionnaires (racistes) et les mentalités autoritaires ainsi que les processus pervers d'érotisation du pouvoir. Ce vaste champ de la psychosociologie psychanalytique a été particulièrement investi par deux courants majeurs des sciences sociales, tous deux plus ou moins liés au mouvement ouvrier européen et à la lutte antifasciste internationale: le freudo‑marxisme1 et l'École de Francfort2.

    Pareille analyse pousse déjà plus en effet à examiner les déterminants politiques et sociaux-economiques pour les transformer. Il est crucial de lever le voile sur les effets de structures qui pèsent lourdement sur les comportements, d'autant que ne sont pas toujours distingués (sous le terme d'individu) les politiques, les entrepreneurs et les consommateurs et les logiques marchandes et capitalistes qui sont à laracine des contradictions sociales..

    Christian DELARUE

    J M BROHM Sur la psychologie de masse du fascisme


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    L'écosocialisme, ATTAC, les syndicats et l'écologie

    L'écosocialisme, ATTAC, les syndicats et l'écologie

    Il y a une erreur dans le titre, car si les syndicats ont pu parler du socialisme il y a encore une dizaine d'annèes ils ne le font plus. Tout au plus évoquent-t-ils la transformation sociale ; mais ils le font désormais en y inscrivant de plus en plus les objectifs du développement duarable (DD) . Quand à ATTAC, il articule certes plus aisément le social, l'économie et l'environnement mais il parle plus d'alterdéveloppement ou, de façon moins ambitieuse, d'altercroissance mais pas d'écosocialisme. En tout cas quand le terme est évoqué, il n'est pas défini . Pourtant l'alternative systèmique semble être dénommée par l'écosocialisme que pas l'alterdéveloppement.

    1. - LA CONVERGENCE DES ACTEURS...

    ATTAC et les syndicats de salariés s'opposent traditionnellement aux attaques du patronat et du gouvernement qui frappent les salarié(e)s, tant dans le travail que dans le hors travail . Ce mouvement altermondialiste dans sa diversité porte des revendications défensives mais aussi offensives et qui dessinent ici ou là des alternatives et parfois, par convergence pratique et théorique, une réelle alternative globale montrant qu'un autre monde est possible .

    Ce qui est nouveau, dans le syndicalisme des ouvriers, employés et techniciens tant public que privé, c'est que de plus en plus la dimension écologique est prise en compte, et ce via la problèmatique du développement durable (2) . La dégradation de la nature a engendré cette évolution . C'est un fait majeur qui répond aux impasses du passé . Une prise de conscience se généralise : Le capital ne s'attaque pas frontalement qu'aux conditions de travail du prolétariat . Il aggrave aussi "la pollution, l'effet de serre, la dégradation de la biodiversité et l'épuisement à brève échéance des ressources de la planète après avoir été accaparées notamment par les multinationales qui misent maintenant sur l'appropriation du vivant et des connaissances"(1). Et cela n'est pas sans rapport avec ce qui se fait dans l'entreprise et avec ce qui pourrait ce faire dans les services publics fonctionnant sous logique de service publique donc en opposition à la logique marchande.

    Le capitalisme ignore tout ce qui n'est pas susceptible de rapporter profit - voire tire son profit de ces dégradations . Et c'est par contrepoint nécéssaire que le mouvement altermondialiste et ses diverses composantes s'attèle à remette en cause le modèle de développement dominant et à promouvoir un alterdéveloppement répondant aux besoins sociaux , aux besoins de l'immense majorité de la population mondiale . La question de la bioshère qui planait au-dessus des classes sociales et des rapports sociaux s'y voit insérée par cette convergence netre le secteur associatif écologiste et le mouvement "ouvrier" ouvert à l'alterdéveloppement.

    2. - ... ET UNE REPONSE A UNE IMPASSE THEORIQUE

    D'aucuns estiment que les syndicats sont toujours en retard dans la prise en compte du DD . Et quand ils le font les préconisations sont modérées . Ce "retard' se comble en même temps que se règle la réponse à une impasse théorique avec " le débat qui est apparu pour savoir si la transformation sociale ne devait pas céder le pas à la transformation du rapport à la nature. En d'autres termes, le paradigme de l'émancipation sociale porté depuis deux siècles par le mouvement ouvrier n'aurait-il pas épuisé sa dynamique et ne devrait-il pas s'effacer devant un nouveau paradigme prenant en compte avant tout l'avenir de la planète ?"

    Jean-Marie HARRIBEY et d'autres ont chercher "à montrer que la transformation des rapports sociaux doit inclure la modification du rapport à la nature mais que l'établissement d'une hiérarchie qui placerait au sommet le respect de la nature indépendamment de ses conditions sociales d'utilisation conduirait dans une impasse théorique (la naturalisation des conditions de la production des moyens d'existence) et dans une impasse politique (l'impossibilité de faire se rejoindre les multiples fronts de lutte contre le capitalisme néo-libéral)".

    Le prolétariat est toujours là ! Rien ne permet d'accréditer l'idée que, sociologiquement, le prolétariat (c'est-à-dire les salariés vendeurs de leur force de travail) soit en régression à l'échelle mondiale. C'est une thèse avancée depuis pratiquement la naissance du prolétariat par la sociologie bien-pensante et qui est démentie par les statistiques mais surtout par l'homogénisation des conditions d'exploitation et de domination des deux fractions numériquement les plus importantes du salariat, à savoir les ouvriers et les employés, représentant 60% de la population active d'un pays comme la France qui fait partie des pays développés dans lesquels il est souvent dit que les anciens clivages de classes ont disparu. Le fait que les représentations (autrefois, on disait la « conscience de classe »...) se soient brouillées ne suffit pas à dissoudre la réalité matérielle. Si l'on regarde le monde entier, le salariat s'étend en même temps que le capitalisme. Il paraît alors difficile de théoriser la substitution d' « un mouvement non classiste » à un mouvement de classe. L'enracinement des luttes d'émancipation ne se situe toujours dans les rapports sociaux de production .Qu'il y ait un salariat "productiviste" ne saurait être un argument pertinent pour effacer les rapports de classe et le système capitaliste au profit d'un écologisme "humain" ou "social-libéral".

    Réintroduire le "productivisme" dans le capitalisme : Le capitalisme ne peut être réduit à du productivisme . Il n'y a pas de compréhension possible de l'accumulation financière sans théorie de la plus-value, pas de compréhension de la mondialisation sans théorie de la marchandise, et, au final pour notre projet, pas de nouvelle conception de la richesse ni d'extension de la sphère non marchande sans théorie mettant en relation travail et valeur. Le productivisme, c'est produire pour le profit sans fin d'une classe, la bourgeoisie privée qui accumule du capital, ou bien, comme en URSS, pour celui d'une classe bureaucratique qui concentre le pouvoir.

    Richesse et biens naturels : Les biens naturels sont de la richesse et n'ont pourtant pas de valeur économique intrinsèque, contrairement à ce qu'affirment les économistes néo-classiques. Ce point découle de la même distinction précédente. La nature fournit de la richesse et est improductive en elle-même de valeur pour le capital ; lorsqu'elle est appropriée, elle peut être exploitée par le biais d'un travail productif de valeur.

    Richesse et services publics : L'avenir des services publics est de fonctionner hors logique marchande, pour la production de valeur d'usage qui ne soit pas valeur d'échange. La perspective écosocialiste est là, dans la sortie de la soumission au capital . Car les services non marchands sont de la richesse sans valeur pour le capital. Donc le travail qui en est à l'origine est productif de richesses mais improductif de valeur pour le capital. Insupportable pour lui ! Exemple : Les travaux domestiques sont productifs de richesse sans valeur marchande ni monétaire. La reproduction de la force de travail n'est pas, dans le cadre domestique, productrice en elle-même de valeur pour le capital.

    Et parler d'économie, de rapports sociaux, pire, de rapports sociaux de production, ne condamne pas à rester dans l'univers utilitariste ou économiciste. Cest ce que démontre Jean-Marie HARRIBEY dans l'article ci-dessous dont j'ai tiré les idées essentielles.

    Christian DELARUE ATTAC Rennes

    1- citations de Jean-Marie HARRIBEY in "Rapports sociaux et écologie : hiérarchie ou dialectique?"

    http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/m4harriecolo.htm

    2 - voir sur Bellaciao récemment "DEVELOPPEMENT DURABLE (DD) : GOUVERNANCE OU CONVERGENCE DES ACTEURS SYNDICAUX ET ASSOCIATIFS " Intervention de fin de stage universitaires/syndicalistes - ISSTO Rennes Nov. 2005 par Christian DELARUE snadgi-cgt35 et ATTAC


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  • Une autre économie orientée vers le développement humain


     

     

    Une autre économie orientèe vers le développement humain et non vers l'accumulation des profits, sources d'enrichissement sans cause (en dormant ), devrait trouver ses fondations sur l'appropriation sociale des principaux moyens de production et d'échange en lien avec une véritable politique industrielle, un service public de la statistique ouvert sur l'information des usagers et des citoyens, un pôle public national bancaire d'investissement ainsi que sur la planification démocratique .

    Cette planification pourrait être mise en oeuvre à un échelon territorial intermédiaire qui serait la région . Entre le Gosplan hypercentralisé et l'exemple yougoslave très localiste il convient de choisir un champ intermédiaire . Aucune société ne peut fonctionner sur une base purement localiste sans se fractionner . La planification suppose un processus de va-et-vient entre le local et le général .

    Christian DELARUE

    A titre de contribution au débat j'ai reproduit les sept premières thèses sur les "21 thèses sur la planification" publiée en revue en 1991 par Maxime DURAND.

    1 - Entre les besoins sociaux et ce qui est finalement produit, le capitalisme intercale un filtre : celui de la rentabilité . La planification a pour fonction de retirer ce filtre, afin d'orienter l'économie en fonction des besoins . Il s'agit donc d'un autre mode de fonctionnement de l'économie. 2 - Le capitalisme ne fait évidemment pas abstraction des besoins, simplement il n'accorde pas le même intérêt à tous, et il en est même qu'il refuse de prendre en considération . Un salarié qui se fait soigner représente un coût pour l'économie capitaliste ; le même qui achète un magnétoscope relance cette économie en lui offrant un débouché rentable . La seule différence entre ces deux actes de consommation réside dans la rentabilité potentielle que l'on peut trouver à satisfaire l'un plutôt que l'autre .

    3 - Les deux critères (profits et besoins) coexistent dans le capitalisme : de nombreux besoins, généralement collectifs, échappent plus ou moins à la logique de rentabilité . En ce sens il y a du plan dans l'économie de marché : le capitalisme est tempéré, mais il n'en reste pas moins que c'est sa logique de la rentabilité qui imprime sa marque à la dynamique de l'accumulation . On parle de réduire les dépenses de santé, pas les achats de voitures .

    4- Il n'y a pas de bons ou de mauvais besoins : la critique anticapitaliste ne repose pas sur une approche morale, et n'implique pas que l'on dispose d'une échelle de valeurs des besoins . La constatation essentielles, et suffisante, est que le capitalisme décide des ordres de priorité et sélectionne à partir de ses propres critères les besoins qu'il entend satisfaire .

    5 - Il y a aussi du plan dans les grandes entreprises, mais il s'agit de plans individuels, qui s'opposent à ceux des concurrents . La rationalité qui s'en dégage existe, mais sa portée est restreinte : Michelin planifie sa production, pourtant cela ne l'a pas empêché de perdre de l'argent à cause de la concurrence . L'opposition n'est pas fondamentalement entre plan et marché comme forme de gestion, mais plutôt entre profit et besoins comme critères de cette gestion.

    6 - La différence essentielle entre les deux logiques (profits et besoins) n'apparaît réellement que dans le fonctionnement dynamique de l'économie . C'est la manière dont la société alloue son surplus, dont elle investit, qui détermine son mode de croissance . La question est donc de savoir dans quels domaines une société met le paquet et consacre l'effort maximum . Va-t-on par exemple investir dans le logement ou dans l'industrie électronique ?

    7 - Autant on peut admettre que le consommateur muni de son revenu, est souverain sur le marché, en ce sens qu'il peut dépenser son argent comme il l'entends, autant il pèse peu sur l'affectation du surplus social . Cette différence se retrouve lorsque l'on compare le temps considérable que le citoyen moyen consacre à la consommation, et les rares moments qu'il a l'occasion de consacrer à l'activité consistant à définir les priorités de la société dans laquelle il vit.



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  • Altercroissance/alterdéveloppement : de la critique du mal-développement aux pistes alternatives.


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    "Décroissance, nécessité de sortir de l'impasse économique". Conférence-débat Muzillac du 25 sept 2005 avec Jean AUBIN et Christian DELARUE

    Contribution de Christian DELARUE

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    L'intervenant précédent a décrit l'état des ressources natuelles et explicité des notions comme l'empreinte écologique, le pic de Hubert, etc . Comme l'a fait remarquer l'animateur du débat, Samuel FERET, ni l'un ni l'autre n'avons utilisé la notion de développement durable . Pour ma part, c'était simplement pour faire l'économie d'un débat supplémentaire déjà compliqué. Le présent texte réintroduit cette notion . J'observe aussi que ni l'exposé ni le livre de Jean AUBIN ne distingue valeurs d'usage et valeurs d'échange ; or cette distinction me semble essentielle pour la promotion d'un alterdéveloppement. Pour un alterdéveloppement : de la critique du mal-développement aux pistes alternatives.

    Pour « l'autre monde » nécessaire . Il ne s'agit pas seulement de critiquer le "productivisme", "l'économisme", le PIB (produit intérieur brut). Critique développée précédemment par Jean AUBIN. Cette critique a son importance lorsque l'on veut concevoir, dans le cadre d'un "autre monde" possible une organisation sociale qui aille à l'opposé de l'exploitation de l'homme et de la nature, donc un système postcapitaliste civilisé et solidaire.

    Croissance, développement , décroissance :

    La croissance économique est mesurée à l'augmentation du PIB (produit intérieur brut). Le productivisme se satisfait de cette croissance quantitative. Le développement veut lui intégrer de multiples dimensions (avec ou sans l'aide d'indice ou d'indicateur de développement humain). Son échec, comme modèle ou comme stratégie, a suscité la critique (la priorité au « tout industriel » par exemple) et a généré l'idée de décroissance.

    Décroissance / décroisssances :

    L'idée de décroissance infinie employée au singulier me semble tout aussi peu acceptable que l'idée de croissance infinie. Elle ne peut être un objectif en soi . L'idée de décroissance "économique" sans plus de précision ne me semble pas plus pertinente. Le Club de Rome a certes préconisé en 1970 la « croissance zéro » . En fait , on peut évoquer des décroissances dans des secteurs précis et de la croissance dans d'autres secteurs .

    Production, consommation, utilité/nuisible, durable/obsolescence :

    Si la production est principalement située au nord, donc au sein de la Triade et surtout aux USA il faut effectivement ajouter que la consommation de biens marchands se situe aussi au nord . Cependant toute consommation n'est pas nuisible. Il y a des consommations utiles et nécessaires pour le développement humain, dont certaines coûtent très chers (achat de logement). On peut critiquer que la logique du système organise sciemment l' obsolescence de certains biens au fin de reproduction de ce dernier.

    Consommation, justice, partage :

    De la distinction entre les types de production/consommation possibles il faut tirer une conclusion : toute augmentation des salaires ne va pas nécessairement vers une consommation néfaste. Tout dépends des politiques menées. Dés lors reste à ce niveau du débat à ne pas oublier la fameuse formule : "il y a du sud dans le nord comme il y a du nord dans le sud ". La demande solvable sur le marché est bien différente selon que l'on est travailleur salarié ou capitaliste.

    Pour une vision dynamique et non misérabiliste du partage : En France, dans le partage de la plus-value les salaires sont décroissants depuis 20 ans mais pas les profits . Il y a aujourd'hui des personnes énormément riches, plus que plusieurs pays . C'est la toute l'importance d'une fiscalité globale qui soit autrement redistributive. La "décroissance" pour s'appliquer justement devrait être exigée d'abord des plus riches, des trés riches . Pour le peuple - pris ici au sens de ceux qui ne décident pas (salariés, paysans, artisans) - la question posée serait ou « l'altercroissance » ou mieux l'alterdéveloppement.

    Mon exposé s'appuit sur le livre d'ATTAC intitulé "Le développement a-t-il un avenir ? Pour une société économe et solidaire" et sur des 4 pages et 8 pages consacrés à ces questions. Un colloque dont les contributions sont consultables sur le site de Jean-Marie HARRIBEY a permi un enrichissement de cette problématique.

    Exposé en deux parties, la première en critique du mal-développement, la seconde portant sur la convergence des alternatives nécessaires pour un alterdéveloppement.

    I - DE LA CRITIQUE DU MAL DEVELOPPEMENT...

    Pour l'heure, ce qu'il importe de critiquer c'est le mode socialement existant, donc le mode de développement historiquement lié à l'accumulation capitaliste ; accumulation faite au profit d'une classe minoritaire.

    A) CRITIQUE DE QUELQUES NOTIONS TROMPEUSES

    "L'économie" ne doit pas être réifiée et naturalisée comme le font les libéraux car elle est le produit d'une organisation sociale ; une organisation sociale clivée par des rapports sociaux. L'expression "sortir de l'impasse économique" me semble se rattacher à cette conception libérale d'une "économie" indépendante du social et de l'environnemental .

    Deux mots sur "l'économisme" à partir de la mondialisation du capitalisme.

    Son déploiement en l'espace de 20 ans passe par la surmultiplication des FMN (firmes multinationales), donc par l'expansion du capital productif, en fusion avec le capital financier qui est aujourd'hui le plus globalisé et le plus liquide. Le capital étant un rapport social on comprends déjà qu'il ne s'agit pas seulement d'économie désincarnée. Evoquer cette montée en puissance des STN (sociétés transnationales) aboutit au constat d'un double mouvement :
    - celui qui va des campagnes vers les villes, et souvent la périphérie des villes qui dans le Sud se nomme bidonvilles.
    - celui qui transforme le paysan appauvri en salarié pauvre .

    Ces mutations n'ont pas que des répercutions sociales, l'exploitation des ressources naturelles est également affectée. Pour autant s'en tenir là sans voir le rôle d'institutions comme le FMI, la BM ou l'OMC ou la politique des USA relève de l'économisme. Le niveau politique a son importance, ce qui ne doit pas conduire à négliger le rôle des FMN, moteur de la mondialisation capitaliste.

    L'idéologie du progrès : Il s'agit du détournement positif de la notion conçue essentiellement comme croissance de la technique et de la technoscience . La rationalité technicienne et bureaucratique est fétichisée - élevée comme un dieu devant lequel il convient de s'agenouiller - et conçue comme la solution de tous les problèmes. L'informatique au travail a rénové la vielle répétition de taches simples et ennuyeuses. L'informatique chez soi peut être utile et enrichissante, mais elle est utilisée pour informatiser le service à la clientèle (secteur marchand) ou aux usagers des services publics
     croissance des biens marchands et apologie du marché . Tout doit être approprié (privativement) et tout doit ensuite se vendre et s'acheter.

    B) EN FINIR AVEC LE DEVELOPPEMENT CAPITALISTE.

    Il n'y a pas de développement harmonieux sous le capitalisme Le développement est largement rabattu sur la croissance économique, les autres aspects étant secondaires. Les dégats de la croissance, tant écologiques que sociaux, sont à rattacher au mode de production capitaliste . Les modalités de la croissance : ce type de développement qu'il prenne la forme commerciale (l'échange international de marchandises) ou productive (la délocalisation d'usine de production) se déploie territorialement et socialement de façon inégalitaire. Le fossé s'accroît. Les objectifs de la croissance ne sont peu ou pas débattus : qualitative, en valeur d'usage ou quantitative, en valeur d'échange ; riche ou pauvre en emploi stable ; etc... L'impérialisme en version guerrière et "pacifique" Les guerres impériales fortement destructrice sous toutes formes sont liées à l'extension nécessaire du commerce. La production comme le commerce des armes classiques et nucléaires sont à combattre. Cela va dans l'intérêt général des peuples qui doivent pouvoir vivre "en amitié" Le sous-développement a lui aussi été conçu comme un marché à conquérir pour l'impérialisme. Il ne s'agit pas pour les FMN de satisfaire les besoins nutritionnels, de santé et d'emploi mais de créer les conditions d'installation d'usines avec une main d'oeuvre rentable ou de s'intéresser aux ressources naturelles du pays afin de les piller.

    II ...AUX ALTERNATIVES A FAIRE CONVERGER.

    A) CADRE GLOBAL :

    Ces alternatives se conçoivent pour les pays du sud dans une relative deconnexion avec le marché mondial et avec des institutions comme l'OMC et le FMI . En Europe, il s'agit rein moins que de s'engager vers une double rupture vers la haut à l'égard de la domination américaine et vers le bas avec de nouveaux rapports entre l'UE et les pays ACP. L'ensemble ces propositions suppose d'autres mécanismes d'investissement et d'allocation financière, dont la taxe sur les transaction financière est un élément. Cela suppose aussi une généralisation de la démocratie, des choix démocratiques. Cela passe aussi par une redistribution des richesses mais celle pensée au plan mondial doit s'articuler à celle exigée au plan des pays. Une phase de transition est à penser tant coté fiscalité que coté rémunération salariale. La critique de la consommation populaire ne tarira pas la critique du mauvais partage de la valeur ajoutée. La revendication de l'annulation de la dette, qui enrichi les riches, se pose tant au sud qu'au nord.

    B) LES CONVERGENCES POSSIBLES POUR UN AUTRE DEVELOPPEMENT :

    a) Développement durable ou alterdéveloppement ?

    Le concept de développement durable, né d'une contestation de la croissance capitaliste productiviste, est aujourd'hui récupérée par la droite comme par les firmes multinationales les plus pollueuses et prédatrices. Rappelons qu'il désigne " le choix d'un modèle de production, de consommation et de répartition qui permette à tous les êtres humains de vivre décemment, tout en respectant l'environnement et les écosystèmes dont, directement ou indirectement, dépend l'humanité, et ce sans compromettre la satisfaction des besoins de générations à venir" Pour nous « alterdéveloppement » reprend cette définition et précise en outre que ce dernier se voit fondé en principe sur une logique non marchande et d'appropriation publique et sociale. Il est construit à partir des alterdéveloppements sectoriels tant au nord qu'au sud : agriculture paysanne non intensive, élevage hors sol, production d'énergies autres (que le pétrole, le nucléaire, etc..), alternative à la pêche industrielle, mise en service public de l'eau privatisée et marchandisèe par les STN, service de diffusion de médicaments, etc.

    b) Promouvoir ensemble service public et économie de marché locale en fonction de la dimension des biens à produire

    ** L'alterdéveloppement suppose de généraliser les services publics tant au nord qu'au sud, tant nationalement que mondialement . Ce qui met en cause non seulement la mise en concurrence par le marché et le non subventionnement . Les vrais services publics sont :

    - pourvoyeurs de valeurs d'usage et non de valeur marchande (d'échange).

    - fonctionnant selon des tarifs et non des prix, la gratuité étant possible

    - satisfaisant des besoins sociaux non sélectionnés et manipulés par le marché et non une demande solvable devant satisfaire un profit.

    - fondé politiquement et démocratiquement et non en fonction de la "main invisible" du marché

    - repoussant la triple logique actuelle : logique financière, marchande et d'appropriation privée de la production...

    ** Promouvoir les service publics et l'appropriation publique ne signifie pas absence de place pour la propriété privée et le marché. Il ne s'agit pas de promouvoir une économie administrée. Les sociétés coopératives doivent être renforcées face aux sociétés anonymes faisant appel à l'épargne. La promotion de l'économie de marché locale pour organiser des circuits courts que ne connaissent pas les FMN et les échanges internationaux est un vecteur contre le gaspillage et la surexploitation des humains et de la nature . Mais elle ne doit pas laissée entendre un retour mythique à une totale production artisanale mais à un rééquilibrage des productions face à l'industrialisation de toute production . En fait le local peut prendre une dimenssion trés restreinte - notion de pays ou de métropole - mais aussi plus large comme la région, la nation . il faut aussi lutter promouvoir d'autres rapports sociaux tant dans l'entreprise (le statut du travail salarié lié à la baisse de l'intensification du travail et à la RTT, ce qui aboutirait à réduire la dictature patronale dans les entreprises - y ajouter le "travailler autrement" contre la parcellisation des tâches ou la polyvalence excessive) qu'à l'extérieur (exemple : le logement). Le productivisme c'est aussi toujours plus d'exploitation de la force de travail.

    Pour conclure,

    Disons que la tâche est immense et urgente et qu'il ne peut s'agir de se replier sur soi . "Vivre autrement" passe sans doute par divers changements dans les pratiques individuelles lesquelles ne sont pas répertoriées dans un programme abouti et absolu . Vivre autrement passe aussi par le débat - suivi d'actions collectives - sur des propositions alternatives telles qu'esquissées ci-dessus . Un combat politique à plusieurs niveaux est à mener sans tarder contre la mondialisation capitaliste productiviste et pour instauration d'une autre société fondée sur la diffusion massive des valeurs d'usages et la réappropriation publique/sociale.

    par Christian DELARUE - ATTAC Rennes

    Bibliographie succincte

    Indicateurs de bien-être et de développement par B BOIDIN

    Pour une société de décroissance Serge LATOUCHE

     « Vive l'impôt » Livre d'ATTAC

    Note du CERC sur la modération salariale Pierre CONCIALDI

    Le partage de la plus-value Michel HUSSON

    La croissance , pour quoi faire ? G SAINTENY

    En quoi la mondialisation remet-elle en question le concept de développement ? Eric ROUGIER

    Six milliards sur la planète : sommes nous de trop ? Michel HUSSON Textuel

    Les nouveaux fondements théoriques du protectionnisme dans le circuit keynésien J V ACCOCE

    Le développement durable éclairé par le principe de précaution Geneviève AZAM

    Faut-il refuser le progrès ? Michel BARILLON

    Echec de la stratégie de développement Stéphanie TREILLET

    Sport et décroissance C HOMS


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