• POUR UNE ALTERDEMOCRATIE ,

    BESOIN D'UN ETAT ECO-SOCIALISTE !

     

    Une version de base a été publiée sur Bellaciao sous le titre:

    POUR UN AUTRE ETAT AU SERVICE DU SALARIAT
    http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58605


    Le trajet vers l'alterdémocratie est long, plus long que le pense certains camarades. En tout cas, ce n'est pas de l'existant rabiboché. Surtout "l'autre démocratie" n'est pas compatible avec l'Etat capitaliste même en voyant en lui des contradictions sur lesquelles les citoyens producteurs pourraient prendre appui. Il n'est pas fait pour une démocratie radicalement différente.

    Cf. « autre démocratie / alterdémocratie : du trajet au but »
    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58009

    IL FAUT ALLER PLUS LOIN

    Pas plus que les "mesures de ruptures" du Manifeste d'ATTAC la théorie de la souveraineté-commission ne suffisent à montrer clairement l'importance de ce qui est nécessaire notamment pour une démocratie qui se déploie aussi dans le champ économique dans et hors l'entreprise (plan).

    « La souveraineté-commission, une théorie transitoire vers l'alterdémocratie ? »
    http://www.france.attac.org/spip.php?article7308

    POINT PREALABLE : La mise à l'écart des analyses de Mandel et Samary sur la transition au socialisme( )
     
    Parler d'Etat socialiste c'est faire l'impasse sur les analyses d'un courant marxiste qui a pourtant beaucoup enrichi la problématique à une certaine époque. Il ne s'agit donc pas de dire qu'elles sont fausses. Il n'est pas certain qu'elles doivent absolument se vérifier pour l'avenir. Mais au lieu et place d'Etat socialiste ou éco-socialiste nous pourrions dire "en altermondialiste", "un autre Etat - non capitaliste/postcapitaliste - adapté à l'alterdémocratie" . Catherine SAMARY insiste sur un principe fort : "Si l'avenir socialiste n'est pas présent dans la société immédiatement post-capitaliste, il n'y aura aucun avenir socialiste". Je m'en tiens là.
     
    - Une période entre capitalisme et socialisme.
    D'après Ernest MANDEL, la société post-capitaliste issue de la rupture avec l'Etat bourgeois ne peut pas être ‘socialiste' dans un seul pays . En conséquence il s'agit simplement une société de transition entre le capitalisme et le socialisme. Le concept de "transition au socialisme" ( introduit après la révolution d'Octobre) différe de la notion de socialisme comme ‘transition au communisme' que l'on peut trouver chez Marx.
     
    - Les implications théoriques de la notion de transition

    - S'agissant de la SOCIETE : La transition au socialisme implique une réalité ‘ni capitaliste ni socialiste'. La principale caractéristique que Mandel mettait en avant pour illustrer le caractère non-socialiste des sociétés de transition au-delà du déni absolu de tout pouvoir de décision des travailleurs, était la persistance de l'argent et des catégories marchandes. Symétriquement, il voyait la preuve du caractère non-capitaliste de ces sociétés dans les limites mêmes de la domination de la loi de la valeur et dans la substance non marchande de la planification soviétique. <?xml:namespace prefix = o />
    - S'agissant de l'ETAT : L'État en transition' a un contenu de classe contradictoire. Le seul fait ‘certain' est que la bourgeoisie n'est plus dominante, car si elle l'était, ou si elle le redevenait, la société ne serait plus ‘en transition'. Mais des ‘aspects bourgeois' de l'État de transition existent bien. Relèvent d'un État ‘bourgeois' selon Trotsky l'existence-même d'un appareil d'État séparé, et le droit égalitaire ‘formel'. En outre, dans la transition, l'État devra protéger certaines formes de propriété privée, etc..
    Catherine SAMARY : Les Conceptions d'Ernest Mandel sur la Question de la Transition au Socialisme



    L'ETAT ECO-SOCIALISTE comme Etat non capitaliste/post-capitaliste adapté à l'alterdémocratie

    Il ne s'agit pas d''un changement de forme de l'Etat ou de régime du type passer de l'Etat capitaliste social (Etat providence) à l'Etat policier . Il ne s'agit pas de réformes (à mener durant la phase prérévolutionnaire) mais d'un changement de nature de l'Etat. On l'a dit l'alterdémocratie ne va pas s'épanouir avec l'Etat démocratico-libéral actuel (1) que l'on connaît mais avec un autre appareil d'Etat est néanmoins nécessaire, largement transformé par l'introduction des syndicats et des associations de consommateurs. La richesse et même accrue de la vie syndicale et associative est un gage contre le totalitarisme.

    I - UN « ALTER ETAT » COMME OUTIL D'UNE ALTERDEMOCRATIE

    Avant le dépérissement final de l'Etat un autre Etat doit advenir : un Etat prolétarien ou un Etat populaire à dominante salariale. Car ainsi que l'indique B Friot, le salariat exploité, dominé, opprimé a vocation à s'ériger en classe universelle et avec lui les autres couches sociales dominées. Ce faisant, au fur et à mesure de la disparition de la bourgeoisie du moins du capital comme rapport social, le salariat libéré modifie les institutions, les institutions politiques et administratives. Une certaine division du travail subsistera mais fort différente de celle appliquée ici et maintenant.

    Cela suppose de multiples dépassements sectoriels donc des conquêtes partielles avec effets cliquets ici et là mais aussi au terme d'une période longue de l'établissement de l'hégémonie salariale une rupture révolutionnaire opérant le basculement dans l'autre société et la constitution d'un Etat éco-socialiste articulant la « centrité » (J Bidet) pour la planification éco-socialiste et l'autogestion à la base, les « soviets » dans l'entreprise, les « conseils » dans les quartiers, les assemblées régionales de la planification démocratie des choix de production durables. Car il y aura besoin d'une croissance minimale (alter croissance car productrice de valeur d'usage et non de valeur d'échange liée à une décroissance de la production des armes lourdes) pour assurer le développement des écoles, des transports publics, des logements dignes et spacieux pour tous, des hôpitaux,

    Pour cela il faut se battre sans discontinuer pour l'appropriation publique et sociale, pour la démarchandisation de la société sous de multiples aspects. Il faut aussi engager en même temps que la répartition des richesses une force réduction hebdomadaire du temps de travail pour laisser place aux activités citoyennes de construction d'un « autre monde »



    II - UN « ALTER ETAT » QUI RECONNAIT LA CONFLICTUALITE DE LA SOCIETE CIVILE

    Un Etat laïc éco-socialiste respectera la société civile et sera contre le totalitarisme.



    A) Le gage de la reconnaissance de la diversité de la société civile : sans sexisme ni racisme

    Dans les dictatures réactionnaires les femmes et les étrangers voient leurs droits réduits. Le sexisme et le racisme se répandent aisément. La laïcité ne sera pas confondue avec la guerre aux religions qui pourront toujours se pratiquer mais en respectant le cadre laïc. On ne peut guère se lancer en conjecture sur le point de savoir si les croyants vont on non s'inscrire dans la dynamique d'émancipation en créant une théologie de la libération. Reste que les éléments réactionnaires faisant le jeu du capital déchu seront contestés comme tous les autres.

    Revenons à la société civile : Voici la définition de K MARX : « La société civile embrasse l'ensemble des rapports matériels des individus à l'intérieur d'un stade de développement déterminé des forces productives. Elle embrasse l'ensemble de la vie commerciale et industrielle, d'une étape et déborde par là même l'Etat et la nation, bien qu'elle doive par ailleurs s'affirmer à l'extérieur comme nationalité et s'organiser à l'intérieur comme Etat » in L'idéologie allemande (p 104)

    La société civile est clivée par de multiples rapports sociaux dont le plus central est le rapport capital / travail. Les dictatures ont pour point commun de détruire ou « couper les ongles » des organisations de défenses et promotion du salariat. Ecraser la société civile revient en fait à interdire les syndicats et les partis de gauche pour laisser place aux grands patrons influents, aux religions et à leur « dignitaires » à la famille. L'Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, la Grèce des colonels, l'Italie mussolinienne, la France de Pétain ont procédé ainsi avec des variations qui tiennent à leurs histoires spécifiques.

    B) Contre le totalitarisme

    L'Etat éco-socialiste ne reproduira pas le modèle stalinien au sens de l'Etat parti totalitaire.

    Il ne s'agira pas de l'Etat d'un parti ni d'un homme. Des mesures seront prises pour contrecarrer la concentration des pouvoirs au sommet de l'Etat. La durée des mandats et leur renouvellement limité après élection (ex : 3 x 3 ans maxi) ne sont qu'une des garanties. Même la Haute Noblesse d'Etat (cf Bourdieu) perdra ses privilèges bureaucratiques.

    Il n'y aura pas d'idélologie d'Etat officielle même si une idéologie dominante aura probablement supplanté la « pensée unique » néolibérale. Il n'y aura pas de presse d'Etat unique.

    Il s'agira d'un Etat politique qui laissera place au droit (2), un Etat politique expression de la démocratie et instrument de celle-ci ne recouvrira pas la société civile d'une volonté disciplinaire (y compris contre les anarchistes). Il y aura certes des enjeux de pouvoir autour des médias, autour des polices privées du capital « finissant » comme de la police d'Etat. En fait l'Etat socialiste se construira sur une voie à la fois pacifique (solidarité accrue, plus d'égalité, beaucoup moins d'oppression, répartition des richesses) et conflictuelle. Mais il s'agira d'une conflictualité qui bridera les couches dominantes victimes du partage des richesses.

    C) De quelques distinctions

    Philippe DUJARDIN in « 1946, le droit mis en scène » distingue (p114) l'Etat total ou totalitaire de l'Etat tutélaire et de l'Etat totalitariste. Son propos concerne les Etats capitalistes.

    Tutélaire est l'Etat qui s'érige en négation des corps intermédiaires traditionnels tout autant que des classes sociales et de leurs organisations. Cet Etat instaure entre le sujet individuel et lui une vacuité qui se donnera pour la garantie de la sûreté personnelle, qui sera, en fait, le lieu où s'abîmeront sûreté, liberté individuelle et collective « sitôt que le souverain le demande » (JJ Rousseau)

    Totalitariste : se dit d'une forme caractéristique de l'Etat capitaliste, ou l'on prétend faire pièce à la « frammentarieta » de l'Etat libéral et du syndicalisme libre (Gentile) ou faire retour à l'unité supposé des temps « prépluralistes » (C Schmitt) en abolissant la distinction société civile/ Etat.

    Christian DELARUE
    Commission « démocratie » d'ATTAC France

    Notes :
    1) David MANDEL : UNE CRITIQUE DE L'ETAT DEMOCRATIQUE
    http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=55814

    2) Lire « L'Etat de droit en question » in « L'Etat de droit » : Travaux de la mission sur la modernisation de l'Etat publié sous la direction de Dominique COLAS - PUF nov 1987 Notamment :
    De l'Etat de droit à l'Etat politique par Dominique ROUSSEAU
    Le retour de l'Etat de droit. Le débat en France par Michel MIALLE

    Complément:

    pour continuer :

    QUE FAIRE DE LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE ?

    I - La Noblesse d'Etat avatar d'une société qui reproduit les inégalités

    On doit à Bourdieu des études très fouillées sur la Noblesse d'Etat. La Révolution française n'aurait-elle pas terminé son « travail » ? Oui et non ! La différence entre la noblesse d'hier et celle d'État est que la première était héréditaire alors que la seconde se recrute par concours. Un pas immense est franchi. Un tel saut qualitatif représente bien un changement radical de société que l'on ne saurait oublier car un retour en arrière est toujours possible. La Révolution bourgeoise a bien alors terminé son travail mais (2) en bloquant brutalement sa dynamique interne profonde qui n'entendait nullement laisser le Tiers-état dans la même situation sous un autre nom : peuple puis classe ouvrière, puis salariat.

    Ce qui légitime la constitution d'une « élite » d'une Noblesse d'Etat (qui n'est pas nécessairement la bourgeoisie) c'est le discours sur l'égalité des chances. L'égalité des chances est bien la mystification qui sert de paravent à l'acceptation des inégalités. Tony Andréani et Marc Féray l'ont démontré dans un ouvrage marquant (1). « L'opposition entre l'égalité des chances et l'égalité des conditions, évoquée par Minc, se rattache directement à l'opposition classique entre égalité formelle et égalité réelle ». Car les libéraux ont une vision statique de l'individu. D'ailleurs, la réprésentation-modèle de l'égalité des chances c'est la ligne de départ d'une course ou tous et toutes sont alignés à égalité. Le modèle étant un peu cru (quoique conforme à son idéologie) alors certains ont cherché une « juste égalité des chances » qui compensent plus les handicaps génétiques que les handicaps sociaux. En fait, « plus la structure sociale sera égalitaire et moins le travail de compensation des handicaps de naissance sera ardu » Le véritable combat est là.

    II - Autonomie relative des « sommets de l'Etat » ?

    La la Haute fonction publique – HFP- est composée des membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes, de l'inspection des Finances, de la Préfectorale, de la Diplomatie, de l'Administration centrale et d'autres « Grands Corps de l'Etat » ainsi qu'il est coutume de dire.

    Le communisme comme mouvement réel visant à la destruction de l'ordre inégal se doit de savoir ce qu'il fait de la Haute fonction publique.
    Est-elle une couche sociale instable majoritairement perméable aux revendications du reste salariat dominé, les employés, ouvriers, cadres moyens et même pour parti la couche des cadres supérieurs (les A+ de la FP sont à la fois dominés et dominants mais de façon variable : un inspecteur principal – IP - sera plus « dominé » que « dominant ») ?
    Est-elle le relais de la bourgeoisie à force d'une part de proximité (privée) voire de symbiose et d'autre part de « pantouflage » (professionnel) entre le public et le privé ?

    III – L'analyse d'Yves ROUCAUTE

    Elle concerne le seul PCF car bien implanté dans la société civile française et parfois dans l'appareil d'Etat (mais tout « communiste » au sens de participant au mouvement conscient d'abolition du capital a intérêt à s'approprier les leçons de cette histoire). Dans son ouvrage « Le PCF et les sommets de l'Etat » Y ROUCAUTE montre que l'analyse et l'attitude historique du PCF a varié en fonction de sa proximité avec le Pouvoir d'Etat. L'ouvrage écrit en 1981 ne dit rien des conceptions de la HFP des membres du PCF nommés par la suite ministre ou secrétaire d'Etat, ni quels rapports ils ont entretenu avec la Haute Fonction publique entre 1981 et aujourd'hui.

    IV – Que faire ?

    Il faut « modifier la composition de la haute fonction publique, son mode de recrutement fondé sur la seule excellence scolaire, de façon à rompre sa proximité avec les classes aisées » dit Yves SALESSE Haut fonctionnaire, coprésident de la Fondation Copernic (3).

    Ne pas oublier d'abolir les privilèges du « train de vie » de ces hauts fonctionnaires : appartements luxueux sous payés pour certains, voitures « de fonction » hors mission.

    La féminisation de la HFP et son ouverture aux couches populaires sont nécessaires.

    Mais le problème majeur reste de donner contenu aux missions de service public, à celles qui n'en ont plus (accueil des migrants par exemple) et en donner d'autres à celles qui sont dévoyées (Police par exemple). Une telle réorientation bouscule ce qui est possible pour l'Etat capitaliste.

    Christian DELARUE

    Notes :

    1) « Discours sur l'égalité parmi les hommes : Penser l'alternative » .L'Harmattan 1993.

    2) Daniel Bensaid dans « Moi la Révolution » montre bien cette dynamique qui perdure.

    3) Yves Salesse, Réformes & Révolution, Propositions pour une gauche de gauche, Agone, 2001

     


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  • Stéphanie TREILLET et Jean-Marie HARRIBEY deux économistes critiques d'ATTAC 

    LE TRAVAIL PRODUCTIF DANS LES SERVICES NON MARCHANDS ET L'IMPOT [1]

    Jean-Marie Harribey

    http://www.france.attac.org/spip.php?article7995

    La manière dont s'est conclu le « Grenelle de l'environnement » doit être prise comme un indice supplémentaire d'un commencement de changement de stratégie des classes dominantes dans le monde à l'égard de la dégradation de l'environnement et du changement climatique. Comme le capitalisme se heurte à la barrière de l'énergie et de la nature en général, il va bien lui falloir réagir. Le principe qui se dessine peut être résumé ainsi : il faudra en passer par payer le prix de la raréfaction des ressources et de la dégradation générale, et donc, mettre tôt ou tard en place une fiscalité écologique, à côté d'éventuelles autres mesures. Mais, pour ne pas heurter de plein fouet l'un des dogmes néolibéraux qui s'est imposé depuis trente ans, cette fiscalité spécifique ne devra pas alourdir la fiscalité globale. Au nom de la « neutralité fiscale », elle devra être conçue en remplacement d'autres impôts. On le devine aisément, ce qui est visé, c'est, une fois de plus, la cotisation sociale, considérée comme un coût, une charge. Fiscalité écologique, oui puisque nous y sommes obligés ! Mais en baissant le « coût du travail » ! [2]

    Le mouvement social et en particulier le mouvement altermondialiste – on verra pourquoi plus loin pour celui-ci – se trouvent donc confrontés à un redoutable problème. Comment donner une légitimité nouvelle à l'impôt, à la cotisation, en bref aux mal nommés « prélèvements obligatoires », à une époque où ils sont considérés comme autant de freins au dynamisme économique, à la « réforme » et bien sûr à la compétitivité dans la concurrence mondiale ? Comment disposer des ressources nécessaires pour assurer l'accès universel aux biens communs de l'humanité ainsi qu'à la protection sociale, et non pas l'un à la place de l'autre ? Et cela, d'autant plus que ces besoins, tant sociaux qu'en matière de préservation de l'environnement iront croissant.

    La réponse à ces questions oblige à réexaminer la nature de l'impôt et, au-delà, celle de tout prélèvement. Les interprétations que l'on en donne traditionnellement, à gauche s'entend, ne sont peut-être pas à la hauteur des enjeux. Il s'agit donc d'une réouverture d'une question d'économie politique. Et pas n'importe laquelle : économie politique critique, à vrai dire « critique de l'économie politique ».

    Le premier mot d'ordre du mouvement altermondialiste fut, il y a dix ans : « le monde n'est pas une marchandise », sous-entendu « il ne doit pas l'être ». Comment contrer la délégitimation dont sont l'objet tous les services non marchands, notamment l'éducation publique et l'accès universel aux soins, depuis que le capitalisme a entrepris d'en réduire le champ pour élargir par là même celui de l'accumulation privée ?

    L'enjeu théorique et politique est d'importance au moment où l'altermondialisme s'interroge sur les moyens que les travailleurs et les peuples pourraient mettre en œuvre pour battre en brèche la logique de la rentabilité du capital et de la marchandisation.

    Au sein de la théorie économique libérale, règne la thèse du caractère parasitaire de l'activité publique non marchande financée par prélèvement sur l'activité marchande des agents privés qui, de ce fait, se voit limitée (par l'effet d'éviction et la montée des taux d'intérêt). La conséquence normative de cette approche est de verrouiller la politique monétaire, notamment en interdisant la monétisation des déficits publics, obligeant les États à emprunter sur les marchés financiers.

    Le marxisme traditionnel peut-il aider à dépasser l'aporie précédente ? Malheureusement, il existe un trou noir en son sein. Certes, l'analyse de la marchandise ouverte par Marx au début du Capital donne les outils conceptuels pour critiquer le processus de marchandisation du monde. Mais le marxisme a laissé en jachère ce qui pourrait en constituer le rempart : il n'existe pas d'économie politique critique dont l'objet serait de théoriser une sphère non marchande ayant pour vocation de s'étendre au fur et à mesure que les rapports de forces tourneraient à l'avantage du travail face au capital.

    Au sein de la théorie marxiste, la conviction du caractère improductif des travailleurs fournissant les services non marchands – quand ce n'est pas des services tout court – est solidement enracinée : ils sont financés par prélèvement sur la plus-value capitaliste. Penser dans ces conditions la démarchandisation est impossible puisque la non marchandise dépendrait de l'existence de la marchandise. Quant à l'alliance de classes entre les travailleurs des deux sphères, elle est donc hautement improbable.

    L'objectif est ici de contribuer à construire une économie politique de la démarchandisation de la société en examinant brièvement deux points : comment établir le caractère productif du travail effectué dans les services non marchands ? quels éléments sont controversés ?

    1. Le caractère productif du travail dans les services non marchands

    La définition du travail productif n'a de sens que relativement aux rapports sociaux dominants. Ainsi, la distinction de Marx entre procès de travail en général et procès de travail capitaliste garde toute sa pertinence pour différencier le travail productif de valeurs d'usage et le travail productif de valeur et de plus-value pour le capital. Il est crucial également de rejeter la matérialité ou l'immatérialité du produit comme critère de définition du travail productif. Marx explique : « Le fait, pour le travail, d'être productif n'a absolument rien à voir avec le contenu déterminé du travail, son utilité particulière ou la valeur d'usage particulière dans laquelle il se matérialise. » [Marx, 1968-c, p. 393]. Seuls doivent entrer en ligne de compte la nature du rapport social qui est noué à l'occasion de la production des biens et des services et le caractère ou non de marchandise de ces biens et services. S'il s'agit d'un travail salarié produisant des marchandises, il est productif de capital (et, dans le même temps bien sûr, de valeur et de revenu correspondant). S'il s'agit d'un travail salarié produisant des services non marchands, il ne produit pas de capital. Produit-il le revenu qu'il perçoit ? Non, répondent à l'unisson le libéralisme, le marxisme traditionnel, de même que certains théoriciens du capitalisme cognitif [3] : tous laissent en suspens la question de savoir sur quelle base non réalisée serait prélevé le revenu versé. Nous proposons de montrer que, lorsque les besoins collectifs sont anticipés, le travail qui y est consacré produit les valeurs d'usage désirées, il produit aussi leur valeur monétaire non marchande et le revenu distribué correspondant.

    Au sein du mode de production capitaliste, la plupart des valeurs d'usage se présentent sous la forme monétaire, mais certaines sont marchandes et les autres ne le sont pas. Schématisons une économie de la manière suivante. Les forces productives sont partagées entre un secteur marchand capitaliste produisant des biens de production et des biens de consommation et un secteur non marchand produisant des services collectifs. La présentation habituelle selon laquelle, en termes libéraux, l'État prélève une part du fruit de l'activité privée pour financer ensuite les dépenses collectives, ou, en termes marxistes orthodoxes, il prélève une part de la plus-value produite par les travailleurs salariés du secteur capitaliste, est-elle recevable ou aboutit-elle à une impasse logique ?

    L'anticipation des besoins collectifs

    Il y a dans toute formation sociale dominée par le capitalisme deux catégories d'agents producteurs : les entreprises privées et la collectivité publique. Comme l'expliqua Keynes, les premières décident de produire quand elles anticipent des débouchés – la demande dite effective qui assure un certain niveau d'emploi – pour leurs marchandises qui répondent à des besoins solvables. Elles réalisent alors des investissements et mettent en circulation des salaires. La vente sur le marché valide cette anticipation, la mévente la sanctionnerait. Quant aux administrations publiques, anticipant l'existence de besoins collectifs, elles réalisent des investissements publics et embauchent aussi. Dans ce second cas, la validation est effectuée ex ante par une décision collective et se confond avec l'anticipation. Dans les deux cas, l'injection de monnaie sous forme de salaires et investissements privés et publics lance la machine économique et elle engendre la production de biens privés marchands et de biens publics non marchands. De la même façon que les salaires versés vont ensuite être dépensés pour acheter les biens marchands, le paiement de l'impôt vient, après que les services collectifs sont produits, exprimer l'accord de la population pour que soient assurées de façon pérenne l'éducation, la sécurité, la justice et les tâches d'administration publique. L'anticipation de services non marchands et leur production par les administrations publiques précèdent donc logiquement leur « paiement » de type collectif par les usagers que l'on peut assimiler à un prix socialisé. En termes post-keynésiens, on dirait que de la monnaie reflue à son point de départ.

    Pour appuyer ce raisonnement, effectuons un raisonnement du type « passage à la limite » : imaginons que, dans cette économie, la propriété privée des moyens de production tende à disparaître et où, en conséquence, la proportion de la propriété publique tende vers un. La place des travailleurs productifs de valeur pour le capital se réduit alors jusqu'à disparaître. Ne subsistent que des travailleurs improductifs de capital. Dira-t-on que le travail de ces derniers est échangé contre du revenu prélevé sur la plus-value extorquée aux travailleurs productifs de capital... qui ont disparu ? Ce serait absurde. A cette contradiction logique, il faut donc trouver une solution logique : reconnaître que le travail peut être improductif de capital tout en étant productif de produit et de revenu nouveaux.

    Cependant, il faut encore distinguer, dans ce cas où la production est totalement publique, la part marchande et celle non marchande, cette dernière pouvant être considérée, selon la norme habituelle, comme financée par les surplus prélevés sur la première, l'État accumulant ainsi du capital dont une fraction serait destinée à cet emploi. Le raisonnement à la limite doit être alors appliqué à l'évolution relative des productions marchande et non marchande. Si la collectivité décide de socialiser progressivement le financement de toute la production pour lui donner le caractère non marchand, la production marchande de plus en plus réduite ne peut être tenue pour la source de celle qui n'est pas marchande. Par ailleurs, si la distinction entre production matérielle et production immatérielle était envisagée pour faire de la première la source de la seconde, dans la mesure où l'une tend à décliner relativement à l'autre, cette considération se heurterait à la même objection que précédemment. Aussi, de manière générale, l'idée selon laquelle une part croissante de l'activité de production de valeurs d'usage est financée par une autre activité en régression relative continue est insoutenable.
    Prenons l'hypothèse inverse où l'éducation serait privatisée et soumise à l'exigence de rentabilité du capital. La production pour le capital augmenterait alors que production tout court et revenu seraient inchangés, voire, dans une perspective dynamique, diminueraient à terme si les classes pauvres dont la propension marginale à consommer est plus forte se voyaient privés d'accès aux services éducatifs devenus marchands.

    Une critique radicale des dits « prélèvements obligatoires » devient dès lors possible, non point pour délégitimer les services collectifs à l'instar de la doctrine libérale, mais pour critiquer celle-ci dans la mesure où l'idée même d'un prélèvement préalable à la production des services collectifs non marchands est une aporie, et du même coup critiquer la vision marxiste la plus couramment rencontrée.

    Le bouclage macro-économique


    A l'aporie dénoncée ci-dessus s'ajoute une autre difficulté non surmontée par la présentation habituelle : celle du bouclage macro-économique que seule une vision marxienne-kaleckienne-keynésienne permet de résoudre. Admettons pour un instant la présentation habituelle : en termes libéraux, l'État prélève une part du fruit de l'activité privée pour financer ensuite les dépenses collectives ; en termes marxistes orthodoxes, il prélève une part de la plus-value produite par les travailleurs salariés du secteur capitaliste. Pour qu'une part de la plus-value soit prélevée, il faut au préalable que la plus-value dans son ensemble ait été réalisée, c'est-à-dire qu'elle ait déjà revêtu la forme du profit monétaire.

    Or, on sait que le profit monétaire n'est pas possible macroéconomiquement sur la seule base des avances monétaires des capitalistes. Cette contradiction n'est résolue que par l'existence d'un système bancaire qui, grâce à la création monétaire, fait l'avance du profit au système productif capitaliste permettant la réalisation de la plus-value sur le plan macroéconomique et, ainsi, l'accumulation du capital. [4] On retrouve dans ce qui précède une idée commune à Marx [1968], Luxemburg [1972], Kalecki [1966, 1971], Keynes [1969] et Schumpeter [1934]. On peut montrer en effet que la reproduction élargie de période en période a lieu si la création de monnaie de banque centrale est supérieure à la thésaurisation des ménages. Dans le cas où il n'y aurait pas de création de monnaie centrale, pour qu'il y ait tout de même accumulation et reproduction élargie, les ménages devraient déthésauriser, ce qui équivaudrait à une réintroduction de monnaie dans le circuit, monnaie qui en avait été soustraite. Alain Barrère [1990, p. 28, souligné par l'auteur] énonçait ainsi ce qu'il appelait une règle du circuit : « Le circuit est un processus circulatoire de flux de liquidités monétaires itératifs, qui peuvent se muer en d'autre formes monétaires mais ne peuvent engendrer de nouvelles richesses liquides. (...) Ce qui signifie qu'en fin de circuit on ne peut trouver plus de richesse qu'il n'en a été introduit en un point quelconque de l'itinéraire. On ne peut donc découvrir, au terme du circuit, un profit monétaire, dont le montant n'aurait pas été intégré, sous une autre forme-monnaie, en un point quelconque du processus circulatoire. » Il y a un corollaire à cette règle que je formule ainsi : aucune forme de monnaie, à prix fixés, ne peut être introduite en un point quelconque du circuit si elle ne correspond pas à une production réalisée ou anticipée, c'est-à-dire à une valeur ou à une valeur pré-validée, ou encore à du travail social déjà reconnu utile ou dont la reconnaissance est anticipée.

    Dès lors, le système bancaire, voire les rentiers potentiels, anticipant la production et la réalisation de la plus-value anticiperaient du même coup la part qui pourrait être prélevée par l'État. Cependant, cette solution, qui permettrait simultanément le profit et la reproduction élargie du système capitaliste, ne résout pas la contradiction propre aux « prélèvements ».

    En effet, dans la problématique du prélèvement de quelque chose existant préalablement, la valeur ajoutée nette (ou produit net) est la même qu'il n'y ait pas d'État ou qu'il y en ait un puisqu'il y a un simple transfert de valeur de la sphère capitaliste considérée comme seule productive vers la sphère non marchande considérée comme improductive. Ainsi, l'intervention de l'État n'aurait aucune action sur le produit net. On est bien en pleine problématique libérale que le multiplicateur keynésien et théorème d'Haavelmo visaient à contredire. Plus récemment, les théoriciens de la croissance endogène ont mis en évidence l'existence d'externalités positives engendrées par l'État. Cependant, l'éducation et la diffusion des connaissances dans lesquelles s'implique l'État sont vues comme créatrices de richesses par les externalités positives qu'elles engendrent mais non par leur apport direct indépendamment de leurs effets externes.

    Anticipation, financement et paiement, trois stades de la dynamique de reproduction


    L'expression « les impôts financent les dépenses publiques » est trompeuse. L'ambiguïté provient de la confusion entre financement et paiement. La production capitaliste est financée par les avances de capital en investissements et salaires, avances dont la croissance sur le plan macro-économique est permise par la création monétaire, et les consommateurs paient. Quel rôle joue l'impôt vis-à-vis de la production non marchande ? Il en est le paiement socialisé. Le contribuable ne « finance » pas plus l'école ou l'hôpital que l'acheteur d'automobile ne « finance » les chaînes de montage d'automobiles. Car le financement est préalable à la production, que celle-ci soit marchande ou non marchande. Et le paiement, privé ou socialisé, lui est postérieur. De plus, l'activité productive supplémentaire engendre un revenu supplémentaire et donc une épargne supplémentaire qui reflue et vient s'ajuster à l'investissement supplémentaire déclencheur, tant privé que public. La confusion entre financement préalable et paiement est du même ordre que celle que critique Franck Van de Velde [2005, p. 99] : « La notion de "fonds prêtables" elle-même procède d'une confusion entre le préfinancement bancaire de la production de biens d'équipement et le financement définitif de l'investissement par l'épargne. »

    On pourrait objecter que les impôts d'une année servent à payer les dépenses publiques de l'année suivante et ainsi de suite. Mais cet argument déplace la discussion du plan logique au plan historique et la recherche d'une chronologie débouche sur une impasse. Il convient donc d'apporter une réponse logique à un problème d'ordre logique : l'économie capitaliste étant une économie monétaire, pourrait-on effectuer des prélèvements sur une base qui n'aurait pas encore été produite et, pis, qui devrait résulter de ces prélèvements ? Puisque c'est logiquement impossible, le retournement s'impose : la production non marchande et les revenus monétaires qui y correspondent précèdent les prélèvements.

    Certes, le paiement de l'impôt permet – tout comme les achats privés des consommateurs – au cycle productif de se reproduire de période en période. Mais il y a deux impensés dans l'idéologie libérale. Premièrement, il faut rappeler que ce sont les travailleurs du secteur capitaliste – et non pas les consommateurs – qui créent la valeur monétaire dont une partie sera accaparée par les capitalistes, et ce sont les travailleurs du secteur non marchand – et non pas les contribuables – qui créent la valeur monétaire, quoique non marchande, des services non marchands. Deuxièmement, au sens propre, le financement désigne l'impulsion monétaire nécessaire à la production capitaliste et à la production non marchande et l'impulsion monétaire doit être donc distinguée du paiement.

    Contrairement à l'opinion dominante, les services publics ne sont donc pas fournis à partir d'un prélèvement sur quelque chose de pré-existant. Leur valeur monétaire, mais non marchande, n'est pas ponctionnée et détournée ; elle est produite. Dès lors, dire que l'investissement public évince l'investissement privé n'a pas plus de sens que dire que l'investissement de Renault évince celui de Peugeot-S.A. ou d'Aventis. Dire que les salaires des fonctionnaires sont payés grâce à une ponction sur les revenus tirés de la seule activité privée n'a pas plus de portée que si l'on affirmait que les salaires du secteur privé sont payés grâce à une ponction sur les consommateurs, car ce serait ignorer que l'économie capitaliste est un circuit dont les deux actes fondateurs sont la décision privée d'investir pour produire des biens et services marchands et la décision publique d'investir pour produire des services non marchands. L'impôt n'est donc pas un prélèvement sur de la richesse déjà existante, c'est le prix socialisé d'une richesse supplémentaire.

    En d'autres termes, les prélèvements obligatoires sont des suppléments obligatoires consentis socialement et leur paiement permet qu'ils soient renouvelés de période en période. Mais la pérennité de la production de services collectifs se heurte à une contradiction que seul le débat démocratique peut aider à dépasser : la demande de services collectifs par la société n'est qu'implicite car il existe un écart entre le consentement collectif à leur existence et les réticences individuelles au paiement de l'impôt qui sont nourries à la fois par les profondes inégalités devant celui-ci et par la croyance, entretenue par l'idéologie libérale, que le paiement de l'impôt est contre-productif et spoliateur.

    En rendant explicite la demande implicite de services collectifs et de protection sociale, l'Etat en fait un principe d'action dont la logique avait été posée par Keynes. Pour en asseoir la théorie, il suffit d'élargir son concept d'anticipation aux décisions de dépenses publiques : celles-ci sont prises au nom du principe que nous appelons principe de la demande implicite anticipée des services collectifs.

    A ce stade, il faut sortir d'une analyse purement économique pour intégrer les rapports sociaux au cœur de la compréhension du fonctionnement du circuit capitaliste. Les riches veulent être moins imposés parce qu'ils ne veulent pas payer pour les pauvres. Mais pourquoi la politique monétaire est-elle verrouillée par <?xml:namespace prefix = st1 /><st1:PersonName productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:PersonName> centrale européenne et le projet de traité constitutionnel européen interdisait-il aux Etats d'emprunter auprès d'elle ? Le projet de traité constitutionnel consacrait – et le nouveau « traité modificatif » conforte – l'interdiction faite aux Etats d'emprunter auprès de <st1:PersonName productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:PersonName> centrale européenne, non pas pour payer les dépenses publiques mais pour les financer, c'est-à-dire en faire l'avance. L'idéologie libérale est hostile à ce que la création monétaire finance une production qui ne rapporterait pas un profit. Sauf si l'Etat comble ses déficits en empruntant auprès des détenteurs de capitaux qui, en outre, bénéficient de facilités de crédit bancaire pour prêter ensuite. C'est ainsi que l'équivalent de plus de 80% de l'impôt sur le revenu en France part en intérêts aux créanciers.

    .../...

    Le travail de Jean-Marie HARRIBEY se poursuit ici en réponse à trois objections de Jacques BIDET ainsi que par des remarques à un texte de Bernard FRIOT sociologue et économiste spécialiste des retraites, et défenseur du salaire socialisé.

    http://www.france.attac.org/spip.php?article7995

    .../ ...

    Quelle convergence ?

    Le fond de cette affaire est bien dans le type des rapports sociaux qui préside à la production de valeur et à sa validation. L'articulation entre production et validation me paraît résider dans le fait monétaire. La monnaie considérée comme l'institution sociale sans laquelle, premièrement, la vente sur le marché de la marchandise ne pourrait avoir lieu, c'est-à-dire la valeur ne serait pas validée en même temps que l'anticipation capitaliste, et sans laquelle, deuxièmement, l'anticipation et la validation conjointes des besoins collectifs ne pourraient être inaugurées. La monnaie est un opérateur social d'homogénéisation.
    La question de la validation est une question-clé. Aussi bien pour ce qui concerne la marchandise que pour les services non marchands. Pour la première, la validation procurée par la réalisation de la valeur (théorisée par Marx) est une conséquence attendue mais hypothétique de l'anticipation (théorisée par Keynes) ; elle n'obéit qu'à la loi du marché. Parce qu'elle trouve acquéreur pour sa valeur d'usage, la marchandise est validée en tant que valeur. Marx disait que la valeur d'usage était une « porte-valeur ». Pour les services non marchands, l'adéquation entre l'anticipation et la validation pose évidemment les problèmes de la pertinence sociale du choix et de son caractère démocratique, mais ce n'est pas l'objet de la théorie esquissée ici. La question abordée est celle du travail immédiatement social, c'est-à-dire validé ex ante. Le fait que les économistes néo-classiques ne pensent pas la monnaie devrait nous rendre méfiants et nous aider à reprendre un programme de critique de l'économie politique sur la question du non marchand.

    Conclusion : en quoi l'altermondialisme peut-il trouver dans cette discussion une armature théorique ?

    Une économie politique mettant en évidence le caractère productif du travail dans les services non marchands peut contribuer aux clarifications nécessaires parce qu'elle vise à légitimer l'existence et le développement d'une sphère non marchande. On sait à quel point les représentations collectives jouent un rôle dans la transformation des sociétés lorsqu'elles « deviennent des forces matérielles ».
    La défense des services publics et bien davantage encore de ceux fournis sur base non marchande, ne possède pas jusqu'ici de justification autre qu'éthique. La préservation de l'environnement est trop souvent présenté sur un plan moralisateur, au risque d'en dépolitiser l'enjeu. Or on ne construit pas une politique sur une base seulement morale. D'ailleurs, l'argumentaire libéral se garde bien de se placer sur ce terrain. Il entend porter le fer au niveau de la raison en fustigeant le soi-disant caractère parasitaire, contre-productif, ou tout simplement improductif de l'activité humaine sur laquelle le capital n'a pas de prise. C'est donc à ce niveau de discussion qu'il faut nous situer. Et, sur ce plan-là, seule une théorie de la valeur et du travail productif, à partir d'un réexamen des catégories utilisées traditionnellement par le marxisme, est en mesure de proposer une économie politique de la démarchandisation. A condition d'effectuer un retour à Marx pour distinguer le cadre abstrait du modèle capitaliste pur où il n'y a de valeur que pour le capital et l'analyse d'un capitalisme réellement existant, il est possible de fonder une théorie de la socialisation de la richesse. La théorie libérale confond richesse et valeur. La théorie marxiste ne doit pas rester obnubilée par le fait que le capitalisme tend à réduire toute valeur à celle destinée au capital. Ce que nous avons appelé « valeur » des services non marchands représente « ce qui existe aussi, mais sous un autre aspect, dans toutes les autres formes sociales historiques, à savoir le caractère social du travail, pour autant que le travail existe comme dépense de force de travail "sociale" » selon les termes mêmes de Marx [1968, p. 1550]. L'altermondialisme ne pourrait-il trouver là la théorie qui lui manque pour faire des services non marchands un pan essentiel des biens communs à préserver de la convoitise du capital ?

    Notes

    [1] . Ce texte est un extrait de deux articles plus complets [2004-a et 2006] que l'on pourra trouver à : http://harribey.u-bordeaux4.fr et http://harribey.u-bordeaux4.fr.

    Bidet J. [2002], « L'activité non marchande produit de la richesse, non du revenu, Note à propos d'une thèse de Jean-Marie Harribey »,

    http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/debat-bidet.pdf.

    [2003], « Objections adressées à Jean-Marie Harribey au sujet de sa théorie des services publics », Débat avec J.M. Harribey, séminaire « Hétérodoxies » du MATISSE, 24 septembre, http://perso.wanadoo.fr/jacques.bidet.
    [2004], Explication et reconstruction du Capital, Paris, PUF, Actuel Marx Confrontation.

    Bidet J., Duménil G. [2007], Altermarxisme, Un autre marxisme pour un autre monde, Paris, PUF.

    voir bibliographie sur ATTAC France


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  • BALI 2007 : CLIMAT ET COMBATS ALTERMONDIALISTES

    sur Bellaciao sous le titre :

    BALI 2007 : DU MAUVAIS CLIMAT A UNE AUTRE PRODUCTION ?

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58456


    La question climatique a été posée une nouvelle fois à Bali ce mois de décembre 2007. A-t-on repéré l'origine de la production des émissions de gaz à effet de serre au-delà de sa localisation géographique? Non. "On aura même remarqué que, à Bali, et pour la première fois, la Conférence s'adresse aussi bien aux pays développés qu'à tous les autres". Or tous les Etats ne portent pas la même responsabilité. Celle des USA est très importante. Et derrière l'Etat c'est surtout le capital transnational nord-américain qu'il importe de viser comme responsable premier de la dégradation écologique. Or actuellement la pente idéologique et médiatique va à la stigmatisation des individus-consommateurs (qui ont certes leur part de responsabilité au "Nord") et la convocation indistincte de tous les Etats et, bien que ce ne soit pas dit explicitement, de tous les peuples comme responsables des dégâts écologiques du capitalisme débridé.

    La solution, quelque soit les moyens techniques préconisés (cf doc attac 1), ne peut être que sociale et écologique, autrement dit de blocage de l'exploitation salariale avant renversement de tendance comme de la prise en compte d'un alterdéveloppement économe et solidaire (2 ). Une étude de Michel HUSSON (à paraitre prochainement) montre qu'à l'échelle de la planète que capital poursuit l'augmentation des son profit et corrélativement la baisse de la part salariale. C'est là une "injustice" que l'on pourrait qualifier de "structurelle" ou de "systèmique", en tout cas de "première" (car il y en a d'autres). Et la France ne fait pas exception. La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises n'est que de 65,8 % en 2006 alors qu'elle était de 74, 2 % en 1982, soit un recul de 8,4 points.

    Inverser partout et ensemble cette tendance lourde et mondiale est une nécessité. Il convient aussi d'orienter autrement le mode de production de biens et service. Ce qui revient à introduire de nouveaux critères (3) fort différents que ceux de la rentabilité et l'obsolescence des biens dès la fabrication. Des critères plus compatibles avec la logique de service public (4).

    Christian DELARUE Membre du CA d'ATTAC France

    1) CONFÉRENCE DE BALI SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, IL Y A LOIN DE LA COUPE AUX LÈVRES

    http://www.france.attac.org/spip.php?article7984

    2) « Altercroissance/alterdéveloppement : de la critique du mal-développement aux pistes alternatives » Conférence-débat Muzillac du 25 sept 2005 avec Jean AUBIN et Christian DELARUE

    http://rennes-info.org/Altercroissance-alterdeveloppement.html

    3) critères d'une autre production : Cf. « Une autre économie orientée vers le développement humain »

    http://rennes-info.org/Une-autre-economie-orientee-vers.html

    et : « Pour une pleine intégration de la dimension écologique dans l'orientation d'ATTAC »

    http://rennes-info.org/Pour-une-pleine-integration-de-la.html

    4) Réorienter les services publics pour satisfaire les besoins popûlaires dans les quartiers délaissés

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=57185


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  • DEUX CRITIQUES DE LA "SOCIETE DE MARCHE"

    Avec le temps les terminologies qui caractérisent les sociétés et les économies changent : On n'oppose plus guère capitalisme (son mode de production) et socialisme . De même « l'économie mixte » (combinant secteur privé marchand et secteur public étatique) a laissé place à « l'économie plurielle » (qui a ajouté un "troisième secteur" dit « économie solidaire » à "l'économie mixte"). Plus récemment les socio-libéraux et les socio-démocrates ont distingué « économie de marché » et « société de marché ».

    Ils le font pour défendre l'économie de marché mais pas la société de marché. Ils le font aussi par un double souci tactique de positionnement d'une part contre la droite accusée de défendre la société de marché et d'autre part contre le reste de la gauche qui critique le capitalisme. Mais laissons ces aspects pour s'intéresser au fond. Car le fond pose le problème d'aller jusqu'au bout de la démarche et de ne pas se satisfaire de critiques sur les marges qui in fine laisse advenir la société de marche. C'est sans doute la raison qui a fait dire à Isabelle RICHET (1) : "Contrairement au slogan concocté en son temps par Lionel JOSPIN, économie de marché et société de marché sont bien indissociables"

    I - ALTERMONDIALISATION OU LA CRITIQUE QUI LAISSE PLACE A UNE ECONOMIE DE MARCHE ENVAHISSANTE


    Partons de la distinction de Bernard PERRET (2) : "D'un côté, le marché – c'est à dire l'initiative économique privée, la concurrence et le droit à l'enrichissement personnel – est reconnu comme le mécanisme de base d'une économie dynamique susceptible d'assurer l'accroissement continu de la richesse économique. D'un autre côté, il est affirmé tout aussi nettement que le marché ne doit pas englober la vie sociale dans sa totalité, et que tous les aspects du développement social ne se réduisent pas à l'accroissement de la richesse monétaire".

    Cet auteur propose "de valoriser l'échange social non monétarisé (économie familiale et de voisinage, activités philanthropiques, sportives ou artistiques exercées à titre amateur, etc.) pour ne pas sombre dans la société de marché". C'est bien maigre ! Il ajoute : "Les politiques et interventions publiques que l'on associe spontanément à l'endiguement du marché font référence à des objectifs plus traditionnels de régulation économique (encadrement juridique de la concurrence et des activités financières, stabilisation des fluctuations économiques), de lutte contre la pauvreté, l'exclusion et les inégalités ou encore de protection des libertés individuelles dans le travail, sans oublier, bien sûr, la protection de l'environnement. Objectifs essentiels, cela va sans dire, mais la question de la monétarisation de la vie sociale n'est pas posée en tant que telle". Non cet objectif est loin de suffire. Sa faiblesse témoigne de l'évolution de la société française et notamment de la pente idéologique et programmatique du principal parti qui a assumé le pouvoir en France depuis 1981.

    Finalement, ou se situe la différence ? Bernard PERRET (qui défend une position restrictive de « l'économie solidaire ») dit in fine : "Concrètement, cette orientation pourrait se traduire par l'encouragement et le soutien de ce que l'on appelle parfois " l'économie solidaire ", à savoir les modes de production des services collectifs qui reposent sur l'entraide sociale, les solidarités communautaires et l'initiative citoyenne". Le coopérativisme sous ses diverses variantes, lui-même parti prenante de l'économie de marché, viendrait donc circonscrire le marché des firmes. C'est de l'altermondialisation pas de l'altermondialisme!(3) Avec cette logique, nous n'allons pas vers un autre monde, nous aménageons ce monde aux marges! Le capital règne, l'économie de marché règne, mais une place aux marges est laissé à "l'économie solidaire"


    II - ALTERMONDIALISME OU LA CRITIQUE QUI CIRCONSCRIT LE MARCHE ENVAHISSANT ET DOMINANT


    - SUR LE MARCHE DES BIENS ET SERVICES :

    Si l'on accepte l'économie de marché mais pas la société de marché cela semble signifier non seulement une "critique de l'argent" mais un refus de la généralisation de la marchandisation donc de l'échange marchand . L'échange de valeur marchande passe par la monnaie mais l'échange de valeur d'usage aussi. Dans un cas il s'agira de prix (de marché), de clientèles (solvables voire fortunées), dans l'autre il s'agira de services publics ou des entreprises publiques avec des tarifs (réglementés) et d'usagers qui peuvent aussi être des citoyens. Pour ne pas en rester à des banalités il faut dire clairement que l'économie de marché a sa place mais pas toute la place . Autrement dit elle doit laisser place à une autre logique que la sienne sans chercher à la dominer ou la subvertir. Pour être plus précis encore, la logique de service public fondée sur d'autres critères que la logique marchande peut elle aussi trouver sa place dans une "société mixte" non marchandisée ni privatisée à outrance. C'est que défendaient le PS de Mitterrand avant 1986 . De même les entreprises nationalisées peuvent le rester. L'appropriation privée de tous les grands moyens de production n'est pas un dogme libéral à suivre.

    - SUR LE MARCHE DE LA FORCE DE TRAVAIL :

    Défendre l'économie de marché et la concurrence sans généralisation donc sans passer à la "société de marché" devrait permettre de ne pas soumettre les humains, la force de travail salariée à la marchandisation ce qui suppose l'existence d'un code du travail digne de ce nom pour les salariés du privé et un statut de la fonction public non démantelé et calé sur les principes du privé et de la marchandisation totale et absolue. Dans ce cas c'est l'économique qui domine les humains agenouillés devant un Dieu Economie avec son bréviaire : concurrence, flexibilité, se valoriser, se vendre, travailler plus, se soumettre. Les marxiste nomme de double processus contradictoire le fétichisme. Le travailleur perd sa majuscule d'humain (chute, perte, agenouillement) devant les fétiches qui gagne une majuscule en surplombant les humain : Entreprise, Economie, Rentabilité, Retour sur investissement, Concurrence des marchés, Contrôle hiérarchique, Technologie, Compétence (et non qualification) etc.

    Derrière "l'économie plurielle" (comme auparavant derrière "l'économie mixte") se cache la domination de l'économie capitaliste, une économie  historiquement fondé sur l'exploitation du salariat et sur le profit et en phase néolibérale sur l'extension mondiale de la finance.

    Christian DELARUE
    Membre du CA d'ATTAC France

    1) Isabelle RICHET in Les dégâts du libéralisme - Etats-Unis: une société de marché Textuel

    2) Bernard PERRET in Refuser la société de marché, qu'est-ce à dire?
    http://pagesperso-orange.fr/bernard.perret/ONU.htm

    3) L'altermondialisme souligne les amiguités de l'économie sociale et solidaire :

    A titre d'exemple je reprends ici le propos de Gabriel MAISSIN (*): L'économie sociale et solidaire est marquée par une sorte d'ambiguïté que l'on retrouvera dans toutes ses composantes. Il n'est pas simple d'échapper aux logiques du système au sein duquel on agit. Que ce soit la logique de l'instrumentalisation par les pouvoirs publics (qu'ils soient locaux, nationaux ou européens...), celle de la mise en concurrence avec les firmes privées ou celle de la logique financière du capital.

    * dans son commentaire du livre de Thomas COUTROT "Démocratie contre capitalisme"
    http://politique.eu.org/archives/2006/02/12.html

     

    4) Critiques de "l'économie plurielle"

    L'altermondialisme n'est pas soluble dans le néosolidarisme.
    http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=27288

     

    Vous critiquez l'Economie sociale et solidaire mais n'osez pas vous dire écosocialiste !
    http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=23958

     

     


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  • Christian DELARUE, Pierre KHALFA et Bénédicte VEILHAN (AG ATTAC Rennes in Libération juin 2006)

    <o:p> </o:p>PCF, LCR, PT : UN, DEUX, TROIS « BEZIERS »

    La section de Béziers du Parti Communiste Français, la section locale de la Ligue Communiste Révolutionnaire et la section de Béziers du Parti des Travailleurs, se sont rencontrées dans le cadre de la préparation des élections municipales.

    http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58176

    Combien de chômeurs, de salariés, de retraités ont rêvé de l'unité des « 3 B » : Buffet, Besancenot, Bové ! Cela a capoté. Il y a eu beaucoup de déceptions et de rancoeurs. Nous – la gauche « sociale » (associative : ATTAC, FONDATION COPERNIC, etc..) et la gauche « politique » (partis : PCF, LCR, LO, PT , autres ) – avons une lourde tâche à convaincre du rassemblement nécessaire à gauche. L'espoir viendra du rassemblement des partis et des sans-partis pour le changement.

    Tous ne voient pas pareillement le changement. Mais le débat se mène mieux en luttant et se mène mieux dans l'unité.

    CLARIFICATION OUI MAIS "AU COUDE A COUDE" !

    <o:p> </o:p>

    Les hasards de la circulation des textes militants m'a fait lire les nécessités d'une nouvelle révision du programme stratégique de la gauche du fait des cycles qui s'achèvent : celui de la capitulation du PS, celui du schisme entre réformisme et révolution, celui de la tradition colbertiste en France.
    <o:p> </o:p>

    Entre crispation dogmatique sur les grandes références historiques et volonté de tout « brader » pour une autogestion aléatoire il y a place pour une élaboration alternative et plurielle.
    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    I - REVISION OU REFONDATION : LES CYCLES QUI S'ACHEVENT...

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    Voici pour ne citer que les principales questions en vue d'une révision. Bien sûr, il y a des résistances (dogmatique ?) à ces révisions : Par exemple :
    <o:p> </o:p>

    1) <st1:PersonName productid="LA CAPITULATION DU" w:st="on"><st1:PersonName productid="LA CAPITULATION" w:st="on">LA CAPITULATION</st1:PersonName> DU</st1:PersonName> PS n'est pas nouvelle, c'est un approfondissement, Son passé ne semble plus porteur d'avenir pour un changement radical de société. Toutes les alliances durables avec le PS (qu'elles proviennent du PCF ou des organisation trotskystes) entérinent donc une renonciation au changement social.
    <o:p> </o:p>

    2) LE CYCLE DU SCHISME ENTRE REFORMISME ET REVOLUTION distinguait les projets participatifs sur des valeurs (mais bien souvent hors vision d'un but altermondialiste) d'un projet authentiquement socialiste qui fait encore la place à l'appropriation sociale des moyens de production via l'étatisation mais avec une réelle volonté de démocratisation qui l'éloigne des aberrations étatiste du système stalinien. L'ampleur des débats appropriation sociale / démarchandisation / démocratisation montre que l'on ne se situe plus dans le bureaucratisme pour sortir du capitalisme. Ces débats ne sont pas terminés. Pas avant longtemps !
    <o:p> </o:p>

    3) LE CYCLE DE <st1:PersonName productid="LA TRADITION COLBERTISTE" w:st="on"><st1:PersonName productid="LA TRADITION" w:st="on">LA TRADITION</st1:PersonName> COLBERTISTE</st1:PersonName> garantissait via les services publics l'égalité sur tout le territoire. Ce n'est pas rien ! On peut changer d'échelle territoriale : préférer la région à au territoire national pour enclencher la dynamique d'intervention des citoyens sur des grands choix de productions de biens et services participant au développement durable celui non soumis à la logique de profit, celui qui distribue des valeurs d'usage et non des valeurs d'échange.

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    II – NI REVISIONNISME, NI DOGMATISME

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    Surtout ce qui surgit avec ce débat c'est : encore ! Car la question n'est évidemment pas nouvelle. Elle se pose juste différemment. Déjà en 1994 Eric MELCHIOR posait la question « Révision ou refondation pour la gauche française ? (1)
    <o:p> </o:p>

    Peu de temps après la fin du système stalinien et en pleine crise de la social-démocratie française la gauche française entreprenait de « s'interroger sur la validité de son référentiel idéologique et stratégique ». L'auteur reprend le parcours depuis « la première grande crise révisionniste » de 1896 date de publication des thèses d'Eduard Bernstein jusqu'au discours de Michel Rocard de février 1993 à Montlouis-sur-Loir.
    <o:p> </o:p>

    Il cherche ensuite à repérer d'une part quelles sont les raisons de cette continuité révisionniste qui aboutit à changer d'objectif historique et à vider le projet socialiste de tout contenu, d'autre part quel est le point commun caché par la dispute entre révisionnisme et dogmatisme. Le « caché » portait sur l'accord de fond à propos du le développement des forces productives qui pour partie s'avéraient être destructrices de la planète. Par ailleurs il démontrait que le révisionnisme n'est pas qu'un opportunisme politique même si sa fonction est d'entériner une adaptation au réel. Et que le dogmatisme ne sert pas toujours à maintenir des positions gauchistes.

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    III – L'ALTERMONDIALISME COMME PROCESSUS CONFLICTUEL D'ELABORATION D'UN CORPUS DE « RUPTURES FRANCHES » AVEC L'ORDRE DOMINANT.

    <o:p> </o:p>

    Rien à voir avec l'économie mixte des socio-démocrates mittérandiens !

    <o:p> </o:p>

    L'altermondialisme ne fournie pas une théorie et une stratégie achevée. Il lui manque d'ailleurs les élaboration qui concerne la conquête du pouvoir. Mais il a l'avantage de présenter :

    - 1) un cadre d'accueil large de type organisation souple et de masse

    - 2) une caractérisation du monde présent – la phase néolibérale du capitalisme - avec une déclinaison de champs différents de réflexion et de mobilisation qui permet l'investissement différencié des acteurs en fonction de leur temps disponible

    - 3) des ruptures à enclencher pour s'engager vers la construction d'un autre monde.

    - 4) un profil de les résistances qui rassemble l'altermondialisation de simple mouvement sans but que l'on verrait comme « réformiste » (exemple : promotion de la démocratie participative mais comme complément à la démocratie représentative sans volonté de bousculer radicalement la dynamique du capital) et altermondialisme de conception plus « révolutionnaire » soucieux des convergences des luttes offensives contre le capital même si les acteurs agissent sur des bases idéologiques ou programmatiques différentes.

    <o:p> </o:p>

    L'ensemble se veut congruent et non sectaire mais cependant de nature très conflictuelle car l'exposé des différences de conception non protégé par la forme parti.

    <o:p> </o:p>

    En fait, il s'agit de penser à la fois mobilisation de la société civile non patronale pour approfondir les pratiques autogestionnaires et le passage par la conquête du pouvoir d'Etat. Il s'agit de concevoir la nécessité des nationalisations mais sans les fétichiser. Il s'agit de faire place au coopérativisme mais sans lui vouer des vertus extraordinaires en matière de transformation sociale.

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    Il s'agit d'accepter le mélange des genres (internationalisme et cosmopolitisme, croissance durable et décroissance généralisé, etc.), de conserver des éléments du programme transitoire pour une autre société que l'on appellera éco-socialiste mais en l'assouplissant pour y introduire les manques issus des « retards » dans l'analyse de la situation. Il s'agit de prendre acte que l'invocation péremptoire des grands principes du programme de transition au socialisme n'inverse pas le processus de droitisation de la gauche : il faut plus que des slogans. Les slogans ne deviennent pas inutiles mais les besoins d'approfondissement des questions vont au-delà des revendications .L'éducation populaire d'ATTAC a de ce point de vue de l'avenir !

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    Christian DELARUE

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    1) L'article a été publié dans le numéro 8 de Politis <st1:PersonName productid="La Revue" w:st="on">La Revue</st1:PersonName> de nov-dec 94 – janv 95. Eric MELCHIOR docteur en science politique était à l'époque responsable du Mouvement des citoyens en Ille-et-Vilaine

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