• "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" :

    du demos au laos (III) C Delarue

    samedi 18 juin 2011 sur AELP
    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1736

    Lire "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" Quelle démocratie(I) et Revendication des "indignés" (II)

    1) Hypothèse :

    Si le peuple-classe est bien un moderne "laos" et que l’on accepte la traduction de Gabriel Galice qui écrit "Par le peuple, c’est demos, pour le peuple, c’est laos" (1) alors le "gouvernement du peuple" doit avoir pour rapport démocratique et forme démocratique une réalité bien tangible ou le peuple est présent et écouté au-delà des procédures comme s’il s’agissait d’un "gouvernement AVEC le peuple" (formule assurément révolutionnaire) et ou les gouvernants-mandatés construisent un Etat social qui est vraiment la chose du peuple-classe dans sa diversité.

    Ainsi compris, le lien entre le démocratique et le social est consubstantiel au démocratique. Le social se construit avec le démocratique. Pour reprendre les mots anciens, on dira qu’ "il n’y a pas de vrai demos s’il n’y a pas un authentique laos". Les gouvernants doivent donc construire un Etat social fort au lieu de le démanteler. Ils ne doivent pas se cacher derrière des besoins de sécurité pour casser le social donc le démocratique.

    2) Recherche et arguments.

    Le mot grec laos a donné à valider le mot laïcité mais historiquement laos se traduit en français par peuple. C’est ce qu’explique Gabriel Galice (1)qui précise que "le laos, pour les anciens Grecs, c’est la foule, ce que les Romains nomment turba, plebs (qui donne plèbe), vulgus. On retombe ici sur le sens donné par Yves Meny et Yves Surel dans "Par le peuple, pour le peuple" (2) à propos de la signification économique et sociale du mot peuple.

    Mais d’une conception trop englobante du type "peuple tout entier" on tombe dans une acception économico-sociale très étroite qui n’a aucune chance d’accéder à une quelconque souveraineté, ce qui signifie rester subordonnée et dominée . En effet la plèbe contemporaine c’est soit le lunpenprolétariat, les sous-smics et les salariés précaires et pauvres soit un cran au-dessus ce que l’on nomme parfois aujourd’hui les "couches populaires" (ouvriers et employés) ou plus généralement les prolétaires au sens de ceux qui épuisent leur salaire dans le mois.

    A suivre G Galice on dira qu’effectivement "Laos est plutôt le peuple social, demos le Peuple politique". Mais G Galice choisit de mettre un P à peuple politique. Ce qui est problématique car cela signifie qu’une domination est acceptée car légitime alors que le peuple politique cache tout le poids de la classe dominante (la bourgeoisie décomplexée) sur le peuple-classe. Et ce poids est très lourd. Avec la montée en puissance de la finance l’Etat social s’est réduit et corrélativement les inégalités sociales se sont accrues.

    On répondra que le peuple politique c’est le peuple souverain l’entité citoyenne la plus respectable en démocratie. Mais quelle démocratie ? Le peuple souverain n’est pas réductible au "Peuple politique" qui semble plutôt l’avatar de la classe politique, ou au mieux le synonyme des de la volonté générale des gouvernants si l’on veut s’inspirer de JJ Rousseau. Mais alors ce "P" est celui de la Volonté générale qui écrase la diversité culturelle et surtout cache la domination socio-économique et donc l’injustice sociale.

    Si le peuple-classe est bien un moderne "laos" alors il aspire à la libération et à l’égalité et il aspire à la souveraineté contre l’oligarchie et la classe dominante. Il sera pleinement "souverain" au sens marxiste que lorsque la bourgeoisie aura disparue comme classe dominante sans que pour autant une autre classe dominante soit apparue.

    Ici il ne faut pas confondre les "élites" et la classe dominante car on imagine mal la disparition des premières (qui peuvent se servir ou servir le peuple-classe) mais pas celle de la seconde. Les premiers pas pour faire disparaitre la classe dominante consiste à démocratiser la démocratie existante et à renforcer l’Etat social pour en faire la chose du peuple-classe. On poursuivrait alors la tâche politique des Résistants à la sortie de la deuxième Guerre mondiale en allant vers le socialisme.

    Christian Delarue

    1) Gabriel Galice par ailleurs auteur d’un ouvrage sur le peuple-nation .

    http://peuple-nation.blogspirit.com/archive/2006/08/index.html

    2) Yves MENY et Yves SUREL : le peuple comme peuple classe. JJ LAKRIVAL

    http://www.legrandsoir.info/yves-meny-et-yves-surel-le-peuple-comme-peuple-classe.html

    A noter que G Galice se montre très critique de ’usage idéologique du populisme contre le peuple-classe. Il note que le populisme russe n’avait pas un sens négatif.


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  • Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" : Revendication des "indignés" (II)

     

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1733

     

    Les "indignés" rassemblés, contre le pouvoir de la finance et la démocratie confisquée !

    Rappel : Le I de "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple"déployait la signification de la formule et les enjeux démocratiques. (sur ce site).

     

    Les indignés appartiennent aux différents peuples-classes de plusieurs pays de l’Union européenne. Sauf exception, ce ne sont donc pas des bourgeois, ni des gros dirigeants de groupes bancaires et financiers, ni des membres de l’oligarchie.

    Les "indignés" dressent le constat que les gouvernements (et la plupart des élus) accompagnent voire devancent le travail de prédation de la finance contre les peuples-classe au lieu de le contrer. Ils démantèlent les dispositifs sociaux qui bénéficiaient principalement aux peuples-classe. L’Etat social, au-delà des droits universels, devrait être la chose du peuple-classe et non celle du capital.

    L’altermondialisme a du renouveler la critique de la démocratie pour la rendre opérationnelle contre le pouvoir de la finances, des banques et de l’oligarchie. Ce pouvoir est si puissant et si prédateur qu’il opère transversalement, donc dans chaque pays, une forte ponction des richesses sur le monde du travail au profit des gros rentiers et qu’il fragilise et appauvrit une large fraction du peuple-classe. Il ’épargne qu’une minorité de cadres qui doit servir d’appui à la la bourgeoisie, seule classe dominante au plan objectif et subjectif. Une autre démocratie est nécessaire qui doit accompagner un mouvement de constitution de droits sociaux, de services publics pour la mise en oeuvre et d’une autre fiscalité pour soutenir l’ensemble.

    I - Altermondialisme et alterdémocratie.

    L’idée d’alterdémocratie issue de l’altermondialisme reprend pour partie la double critique marxiste de la démocratie réellement existante. S’y ajoute l’idée du nécessaire combat altemondialiste contre le pouvoir de la finance et des banques. Celui-ci est transversal à chaque pays. La finance casse les politiques publiques, sociales, fiscales, écologiques et démocratiques. Elle favorise la constitution d’une oligarchie riche qui méprise les peuples-classe de chaque pays.

    L’altermondialisme tente aussi de penser la démocratisation du monde puisque nombre de questions se posent à cette échelle. L’acteur de cette démocratie-là est incertain : le citoyen en un sens élargi, au-delà de la souveraineté démocratique nationale ? La multitude ? Les peuples ? Les nations ? Les modalités sont aussi incertaines. Il est utopique de penser qu’un Conseil d’administration du monde sera désigné démocratiquement par les habitants du monde. Mais l’idée d’une affectation de droits sociaux sous la pression des mouvements sociaux et syndicaux est plausible. La démocratisation au niveau continental est réalisable. L’horizon semble assez bouché actuellement s’agissant de l’Europe du fait des institutions non démocratiques de l’Union européenne.

    II - Ne pas laisser Marx à la "critique rongeuse des souris" !

    Un peu, pas tout ! Marx et Lénine refusent de parler de démocratie en général. Les dénominations peuvent certes varier pour caractériser les démocraties réellement existantes en Occident. Cela se comprend. On la dira formelle si l’on s’attache aux procédures, on la dira délégataire pour critiquer la démocratie représentative, on la verra bourgeoise ou à dominante bourgeoise pour montrer le poids structurel de la classe dominante. Elle a été explicitement censitaire donc celle des possédants. Les féministes ajoutaient "et mâle" car longtemps sans femmes citoyennes et donc sans élues. Son caractère "national" rapporté au droit du sang a pu être très exclusif. Etc.

    Sous l’effet de la démocratisation relative des institutions, les caractérisations vont évoluer avec le temps à l’image d’autres aspects de la réalité sociale comme par exemple le droit du travail : certains parleront du droit ouvrier du travail d’autres d’un droit capitaliste. Le mouvement ouvrier est à l’origine de très nombreuses conquêtes politiques pour démocratiser les institutions, ce qui a fait bouger le vocabulaire. Certains parleront de démocratie libérale d’autres continueront de la dire à dominante bourgeoise. Tant que l’Etat est sous commande capitaliste (même avec un "Etat social") et surtout séparé de la société civile la démocratie restera marquée du sceau de l’insuffisance ou du déni. Cette démocratie améliorée au fil du temps reste néanmoins rabougrie continue d’exclure les résidents étrangers extracommunautaires (non européens) pourtant durablement installés sur le territoire.

    Pour les marxistes, la véritable démocratie est socialiste. Elle est issue de la révolution socialiste qui crée dans la société civile les "conseils ouvriers" et le "pouvoir des Soviets" à l’image de "la commune" de 1871. L’articulation des conseils et le lien avec un "conseil suprême" donnera lieu à critique des anarchistes. Le stalinisme et toutes les formes de sociétés crypto-staliniennes du XX ème siècle sont issus d’une non démocratisation de l’appareil d’ Etat et d’une lourde bureaucratisation étatique, l’Etat étant devenu tout à la fois l’affaire du parti unique et d’une administration le tout transformée en caste privilégiée.

    III - Une modernité qui rende au peuple-classe ses prérogatives accaparées par une minorité de grands possédants.

    Sous cet angle de justice sociale, l’alterdémocratie critique de la démocratie libérale et hyper-délégataire se présente comme un avatar de démocratie socialiste. Qu’en est-il au juste ? Les marxistes contemporains évoquent la nécessité de démocratiser l’Etat puis de le socialiser ou de socialiser directement la politique (Salesse) . Il y a plusieurs façons de concevoir la démocratie socialiste qui donne le pouvoir au peuple-classe hommes et femmes et élimine la bourgeoisie comme classe dominante. Tous ne veulent pas de la planification démocratique par exemple ce qui permet de passer plus aisément à une démocratie de conseils. Tous n’abandonnent pas le Parlement pour les Conseils : cf Kautsky.

    Pourquoi parler d’alterdémocratie ? Comme il y a une indétermination sur le contenu et les formes de la démocratie socialiste les altermondialistes usent de la formule "alterdémocratie" ou "autre démocratie" ou "démocratie réellement participative" . Au-delà du nom, il s’agit bien d’une forme de démocratie plus qualitative dans le rapport démocratique aux citoyens et plus étendue dans son champ d’application qui ne se réduit pas au champ politique stricto sensu de la démocratie libérale.

    Christian DELARUE

    Alter (ATTAC Fce)


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  • A partir de quel seuil apparaissent les riches ?

    Deux documents ont circulé sur les listes d' ATTAC sur ce sujet.
    Ils sont commentés en faisant intervenir une tripartition fondée sur
    le rapport de solvabilité et pour commencer la notion de prolétaire.

    1) Le prolétaire ne peut pas ou peu épargner. Il dépense quasiment
    tout son revenu du travail dans le mois, et son épargne reste modeste
    au plus de l'ordre de 200 à 500 euros chaque mois.

    2) La couche aisée au-dessus a des capacités réelles d'épargne utile
    pour des achats lourds (automobile) et surtout très lourds (appartement ou maison)
    mais en nombre réduit (une secondaire maxi).

    3) Les riches n'ont plus aucun souci d'épargne et il peuvent dépenser
     au-delà des achats primaires notamment avec plusieurs résidences secondaires,
    des gros navires, des avions.

    Deux grilles sont présentées dont une ne voit pas de riches
    alors que l'autre les voit dès que l'on dépasse 3000 euros net par mois!
    Mais ces grilles existent et sont discutées.

    1) La grille INSEE (envoyée par Robert J.) :

    a) Quatre tranches

    - Les "classes populaires" forment les 50% d'en-bas
    et perçoivent de 1000 à 2200 euros brut par mois

    - La "classe moyenne" forme les 40 % du milieu
    entre 2300 et 5100 euros brut par mois

    - La "classe aisée" forme les 10 % d'en haut
    avec un revenu mensuel au-dessus de 5200 euros brut

    - Les "très aisées" forment le 1% tout en-haut
    à plus de 14 000 euros brut par mois.

    b) Commentaire

    Ici on nomme "aisé" des riches!
    Or les aisés sont dans le langage courant au-dessus des prolétaires
    mais en-dessous des riches.

    Il y a donc deux niveaux de riches :
    - les "petits" soit les 10% d'en-haut ici nommé "classe aisée"
    à plus de 5200 euros brut soit environ 4000 net
    - les "gros" soit 1% tout en-haut à plus de 14000 euros brut.

    Les prolétaires, au sens de ceux qui épuisent leur salaire en fin de moi,
    sont évidemment les "classes populaires" telles que citées
    mais aussi très certainement une partie de la "classe moyenne" INSEE
    (qui va quand même de 2300 brut à 5100 brut, ce qui est assez large).

    La couche inférieure de la dite "classe moyenne",
    disons celle à moins de 3000 euros net,
    n'a pas évidemment le même pouvoir d'épargne et de solvabilité
    notamment pour de gros achats (automobile mais surtout immobilier)
    que la couche au-dessus.

    2) Le travail de Sophie B.
    (qui ne semble pas publié)

    Il se trouve que pour Sophie B. on entre chez les riches en passant
    au-dessus de 3000 euros brut.
    Le paquet des riches est donc bcp plus gros puisque l'on peut être riche
    avec pas ou peu d'épargne et donc peu de biens.

    Cela ressort d'un découpage en trois couches: en-haut, milieu, en-bas.
    Pour moi sortir du prolétariat avec plus de 3000 euros net ce n'était pas
    entrer immédiatement chez les riches
    mais le simple découpage en trois strates dit autrement.
    Le problème réside dans ce type de découpage.
    Pourquoi trois en équidistance ?

    Peux-t-on dire que l'on est riche dès que l'on dépasse les 3000 euros net
    à fortiori brut ?
    F Hollande apparaît moins sévère car il les voit
    au-dessus de 5000 brut soit 4000 net.
    Il se rapproche de la classification de l'INSEE.
    Et ce n'est que le tout-en bas des riches.

    En effet, eu égard à la montée des très riches, on ne saurait en rester là.
    Il convient de distinguer alors les "petits riches" ou mieux "les aisés"
    (ceux qui gagnent plus de 5000 euros brut
    et qui font parti du groupe des 10 % d'en-haut) des gros riches
    qui sont dans les 3 % les plus riches ou les 1 % les plus riches.
    Le summum de la richesse est encore plus élevée
    et touche une infime minorité au sein du 1% qui perçoit des sommes très très importantes.

    3) Ouverture

    C'est aux très riches qu'il faut imposer sobriété .
    On peut la demander aux couches moyennes aisées sur la base du volontariat
    mais la justice sociale implique que les très riches soient taxés.
    Au-dessus c'est fonction de la situation concrète des gens.
    Or précisément on apprend dans Marianne qu'au dessus de 6900
    euros par mois il y a une inversion de la justice fiscale. Les très
    riches paient moins qu'ils le devraient.

    Christian Delarue



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  • Christian DELARUE (entre 1973 et 1978)

    Déminage du canal de Suez avec le BB Liseron (qui a remplacé le vieux Bélouga ).

    Petite présentation:

    Christian Delarue a été jeune matelot à 18 ans, puis quartier-maître 2cl puis quartier-maître chef de octobre 1973 à octobre 78 (entre les deux chocs pétroliers) avec le matricule 05 7393363 (ce n'est pas secret). 

    Sur 5 ans j'ai beaucoup navigué : Atlantique, Méditerranée, Océan indien pour l'essentiel. 

    Déminage du canal de Suez avec le Liseron.

    En 1974, à la suite de l'école des électriciens de Cherbourg j'ai d'abord été affecté sur le Bélouga à Brest puis sur le Liseron.

    C'est sur ce dernier que je suis parti faire le déminage du canal de Suez après la guerre du Kippour (oct 1973) . Cette opération était sous commandement de l'ONU (DECAN ). C'était en 74 ou 75 (à vérifier). Je ne suis plus sûr de l'année (car je suis revenu sur la zone notemment à Mayotte mais aussi plus tard à Djibouti juste avant l'indépendance en juin 1977 mais sur un autre bâtiment : l'aviso escorteur Protet) J'y ai rencontré mon ami Henri Letouche qui était sur un autre navire.

    Ne pouvant plonger comme professionnel malgré de bonnes dispositions physiques (mais une mauvaise vue) j'ai "tané" le commandant de bord pour accompagner un plongeur. Finalement ce fut fait mais sans plaisir. Visiblement des consignes avaient été données d'une part pour que je n'y prenne pas gout et d'autre part pour que je ne reste pas au fond. Le patron avait autre chose à faire que d'organiser des "baptêmes". Une fois de plus, j'étais un des plus jeune sur ce bâteau. Le patron était comme un père qui tantôt nous rappelait vertement à nos fonctions et à notre mission générale et tantôt se montrait sympa. Enfin c'est ce que j'en ai gardé et c'est personnel et pas généralisable.

    Donc courte plongée dans de la purée sans visibilité juste derrière les bulles et les palmes d'un second maitre plongeur.
    Objectif non dit réalisé : je n'ai plus sollicité le patron pour la plonge et j'ai préféré faire du ski nautique sur le canal (quand il y avait relâche) et aller plonger dans l'Océan indien.

    En 1978 j'ai opéré une rupture idéologique et spirituelle et j'ai abandonné peu à peu ma conscience d'autrefois.
    J'ai donc quitté la Marine nationale pour passer une Capacité en droit puis un Deug et une licence.

    Christian Delarue

    http://www.netmarine.net/bat/listes/flot1970.htm


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  •  "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" : Quelle démocratie (I).

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1727
     
    NB : Un modèle de dissertation étant déjà sur le web (1) je me contente d’une modeste note qui pourrait sans doute faire l’objet d’une longue série de remarques si l’on y ajoutait les commentaires des démocrates connus ou des adversaires de la démocratie. Car c’est de démocratie qu’il s’agit.

    * * *

    La célèbre formule démocratique du Républicain anti-esclavagiste Abraham LINCOLN (né en 1809 assassiné en 1865) s’oppose, par l’ouverture des "possibles" qu’elle propose à celle plus conservatrice de Winston Churchill qui a dit en défense de la démocratie libérale et représentative : « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes. »

    La formule de Lincoln est subdivisée en trois membres de phrase.Elle prête donc plusieurs lectures possibles. Il y a ceux qui prennent la formule en son entier parfois en pesant plus sur une partie que sur une autre et ceux qui retiennent, implicitement ou pas, exclusivement son premier membre (le début) quand d’autres estiment que la vérité de la démocratie se lit surtout voire exclusivement dans la place et le poids accordé aux deux derniers membres de la formule. A partir de là se dessine toute une gamme de positions sur la démocratie.


    Préalable sur le mot "peuple" qui fait un retour en force en 2011 avec des soulèvements populaires en Tunisie, en Egypte et ailleurs (2). Ce mot est répété trois fois. On verra qu’il est passible de plusieurs définitions . Ce qui assurément rend les choses plus complexes. Notons d’emblée que la formule use d’un terme collectif au lieu et place d’une individualisation de la démocratie. De nos jours on tend en effet à parler de citoyens et non de peuple(s). Même le dictionnaire d’ATTAC « Le ptit Alter » n’a pas « peuple » comme entrée pour une définition conséquente. Sans doute qu’une certaine mode à la naissance d’ATTAC et les années qui suivirent préférait le mot « multitudes ». Le flou respirait la liberté individuelle et l’indétermination sociale dans les convergences de luttes par delà les frontières. Mais dix plus tard, en 2011, ce sont les peuples et surtout quelques peuples arabes bien ciblés qui font leur retour sur la scène politique. On retrouve là une vielle définition sans doute oublié sauf des juristes de droit international qui place le peuple comme une réalité collective tangible contre l’impérialisme . Et ce réel en 2011 en appelle à la démocratie dans un premier temps et à un Etat social qui combat le chômage et les bas salaires dans un second temps. Ce qui ne nous éloigne pas de la formule de Lincoln.

    I - LES TROIS MEMBRES DE LA FORMULE, L’UN APRES L’AUTRE.

    1) Gouvernement du peuple.

    C’est là le volet « rapport de commandement » . C’est ce qui semble être de l’ordre de la nature. Démocratie ou pas les peuples sont gouvernés par une minorité de chefs. La division séculaire du politique met en place un rapport de subordination entre une minorité de gouvernants et une majorité des gouvernés, de minorité de chefs et de dirigeants et une masse de gens subordonnés, dirigés, soumis.

    Avec l’avènement de la démocratie le gouvernement du peuple n’a pas disparu. Néanmoins il a fallu faire plus de place au peuple. Il a fallu aussi poser des droits humains et garantir des libertés dans un cadre d’Etat de droit, dans un cadre d’égalité ce qui implique des services publics et une justice indépendante.

    cf Théorie des élites par Denis Collin http://denis-collin.viabloga.com/ne...

    2) Par le peuple.

    C’est le volet proprement démocratique. Nous sommes au cœur de la définition démocratique. Le « de par le peuple » met l’accent d’une part sur la racine démocratique et d’autre part sur le rapport démocratique de la formule.

    - Versus « racine », ce n’est plus Dieu ou les représentants de Dieu qui sont à l’origine du pouvoir mais le peuple. C’est lui qui transfert son pouvoir au gouvernement au sens large (parlement et gouvernement) qui n’est en sorte que le conseil d’administration du peuple qui ne peut rester en assemblée.

    - Versus « rapport démocratique » il s’agit d’aller plus loin que la question de l’origine du pouvoir. Le « par le peuple » indique aussi des procédures qui montrent concrètement que le peuple intervient dans les choix des gouvernants ou les choix des politiques menées.

    Le peuple souverain n’est pas nécessairement tout le « peuple » résident sur le territoire : "le peuple tout entier". Ce sera le peuple légalement défini (hommes, femmes, âge, etc…) comme le groupe politique des citoyens. Cette masse de citoyens entre dans un rapport démocratique lorsqu’il procède à la nomination – par élection en général – des gouvernants lato sensu (des élus). Le rapport démocratique se poursuit-il lorsque le peuple et les citoyens subissent la politique des gouvernements élus dès lors qu’il a voté ou dès lors qu’il a refusé de participer à l’élection ? Il y a là matière à débat. La combinaison des deux premiers morceaux de phrase incite à l’affirmative. Dans la formule démocratique de Lincoln, il s’agit de bien choisir ses élus. Peut-on les démettre ? Rien ne s’y oppose non plus. Mais c’est là une autre conception de la démocratie.

    3) Pour le peuple

    C’est là assurément le volet social qui importe ainsi que le culturel (tant à droite qu’à gauche) mais on ne saurait omettre aussi le sécuritaire (surtout à droite). Le gouvernement défend et développe les intérêts matériels et moraux du peuple. De tout le peuple ? Est-ce possible ? Rarement. De quel peuple s’agit-il alors ? S’agit-il du peuple « volk », du peuple « ethnos » comme les partis d’extrême-droite ou populistes le pensent ou du peuple « démos », que l’on nommerait plus exactement ici « peuple-classe » pour le distinguer plus nettement de l’oligarchie ou de la classe dominante ou de la caste dominante. Le terme « peuple-classe » est d’ailleurs distingué des autres formes par Yves MENY et Yves SUREL (3)

    Une autre façon de dire "pour le peuple" serait de dire que les gouvernants œuvre via l’Etat à la satisfaction des besoins sociaux ou, comme disent les administrativistes, à l’intérêt général. Cela suppose plusieurs choses et notamment que le marché et les entreprises privées ne soient pas dominantes ce qui est pourtant le cas dans tous les pays à dominante capitaliste . Les services publics et la Sécurité sociale qui forme le volet social est nécessairement en position très secondaire quoique important dans nombre de pays . Il faut rappeler que les marchés cherchent à rencontrer d’abord une demande solvable et que les entreprises privées cherchent d’abord à maximiser les profits. Il n’y a que les services publics travaillant hors cadre marchand qui œuvrent à l’intérêt général sans la médiation du profit capitaliste ou de la solvabilité marchande. Parler de l’intérêt général et de la satisfaction des besoins sociaux hors des services publics est un mensonge. Et même au sein des services publics il y a perversion.

    En théorie on peut dire que la visée de l’intérêt général des services publics permet de satisfaire les besoins sociaux. de tous notamment du peuple-classe et des prolétaires et pas seulement une offre minimaliste de type caritatif pour les plus pauvres (service public"voiture-balai du concurrentialisme) . Le néolibéralisme a cassé cette définition pour réduire en quantité et qualité les services publics et pour les soumettre à des exigences de rentabilité. Ils fonctionnent donc quasiment comme des entreprises privés car ils sont marchandisés. Les services publics de l’Etat néolibéral ne doivent gêner la profitabilité des rentiers de la finance et au-delà de toute la classe dominante et de l’oligarchie.



    II – VUE D’ENSEMBLE ET CHOIX D’UN TYPE DE DEMOCRATIE

    L’articulation variable des membres de la formule débouche sur des types différents de démocratie

    Pour les défenseurs de la pleine démocratie la formule ne s’entend sérieusement qu’entièrement en articulant ses trois membres ce qui pourrait définir aussi la République. La formule dispose donc d’un Etat avec un gouvernement mais aussi un « Etat social » voire dans une perspective de transition ou d’alternative un « Etat socialiste » cassant le noyau dur capitaliste et développant le secteur non marchand. Un Etat socialiste est profondément démocratisé au point de travailler à son propre dépérissement. Cette seconde phase se nomme parfois « la révolution dans la révolution ».

    D’autres mettent l’accent sur le seul « de par le peuple » pour démocratiser la démocratie existante alors que des troisièmes font le lien entre le membre 2 (de par le peuple) et le membre 3 (pour le peuple) dans une perspective autogestionnaire socialiste et libertaire. La première partie de la formule met trop l’accent sur un peuple-objet, un peuple subordonné et soumis, à tout le moins un peuple dirigé. Il induit pour les libertaires un Etat nécessairement autoritaire fut-il de droit.

    Par contre, pour certaines élites nostalgiques de l’ordre aristocratique ancien et reconvertie au système oligarchique contemporain la tendance est à surligner que la démocratie telle qu’elle est se résume au gouvernement du peuple. La démocratie réellement existante fait intervenir le peuple de façon épisodique mais le reste du temps place est faite à la production, (donc au travail salarié ou indépendant) et au marché (donc à la consommation).Vouloir surestimer le « de par le peuple » est alors vue comme démagogique et populiste. La démocratie est élitiste dans son mode de gouvernement et elle est tout à la fois libérale et autoritaire dans son contexte.

    Il est certes possible de penser des élites bienveillantes qui travaillent pour un Etat social mais le mieux contre une dérive césariste et oligarchique est de favoriser la démocratisation, donc les processus qui favorisent l’intervention des peuples dans les urnes et dans la rue. C’est le peuple-classe qui pèse "dans la rue" contre l’oligarchie. Les mobilisations de rue tendent à repousser aussi les dérives populistes.

    Il y a là matière à une seconde partie sur les dérives autoritaires.

    Christian Delarue

    1) Dissertation № 8522 :Lincoln et la démocratie http://www.academon.fr/Dissertation...

    2) LE RETOUR ET LA REDECOUVERTE DU PEUPLE :

    De l’impérialisme à l’anti-capitalisme et du peuple au peuple-classe.

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1612

    3) in "Par le peuple, pour le peuple" de Yves MENY et Yves SUREL est sous-titré Le populisme et les démocraties. Ed Fayard 2000 ; Le sous-titre explicite mieux que le titre l’objet du livre. A noter que ces auteurs évoquent en 2000 (avant moi) le peuple-classe.


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