• L'empreinte de Durkheim et de Weber au sein de la gauche française.



    Il n'y a pas que Marx dans la gauche ! On répondra effectivement que la gauche solidariste et néosolidariste (1) fait beaucoup de place à Durkheim ainsi qu'à Bouglé, Bourgeois et Keynes au détriment de Marx dans ses projets. Mais ce n'est pas sur ce thème de la solidarité et de la citoyenneté que j'invoque ici Durkheim et plus secondairement Weber mais sur le seul aspect, beaucoup plus restreint, de la laïcité .

    L'idée soumise au débat ici est que la laïcité portée par la gauche sociale (syndicale et altermondialiste) et par la gauche politique celle solidariste ou celle socialiste (comme société opposée à la société dominée par le capitalisme) emprunte à Durkheim et Weber lorsqu'elle évoque la laïcité, le " retour du religieux " . Ce faisant elle peut tendre un moment à relativiser contre Marx la présence de rapports sociaux conflictuels dans la société civile . Mais précisément dira-t-elle l'espace laïc conçu comme espace neutralisé par refoulement des débats sur Dieu et les religions a pour but de créer un espace public qui permette de laisser place au débat politique au débat de société en lien avec les luttes sociale . Dans cette perspective quasiment l'ensemble de la gauche française a pu se
    rattacher intellectuellement aux principes dégagés à la fin du XIX ème siècle par Durkheim et Weber; du moins pour partie. La droite elle fera aussi appel à eux mais beaucoup moins, lui préférant Tocqueville.

     

    I - L'EMPREINTE d'Emile DURKHEIM

    1. Ce que la gauche laïque a conservé de Durkheim.

    A suivre Christian Dubois nous défendons au travers des théories de Durkheim d'une part des valeurs laïques et d'autre part l'école républicaine.

    - Les valeurs laïques : Pour Durkheim, " il existe des valeurs laïques qui peuvent être sacrées, c'est-à-dire à part, intouchables et, face aux valeurs théocratique (qualifiées de religieuses) en déclin, l'élaboration d'une morale nouvelle, indispensable à l'intégration sociale, a un côté nécessairement religieux (du sacré et une institution
    " ecclésiale " ). Sur quoi peuvent reposer les valeurs laïques ?

    Fondamentalement sur la raison et la connaissance scientifique : ce n'est pas un esprit de sacrifice en vue d'un monde meilleur qui va conduire l'individu à rogner sa liberté en acceptant des règles collectives, ce n'est pas non plus son intérêt bien compris, c'est la connaissance même du fonctionnement de la société qui impose à lui cette
    règle intouchable du respect des règles".

    - L'école républicaine gratuite pour tous . La diffusion de ces nouvelles valeurs communes visant à cimenter la société doit se faire de façon privilégiée par l'école où l'on doit acquérir un vivre ensemble reposant sur le savoir scientifique. Au plan politique, ces nouvelles valeurs communes viseront à faire prendre conscience du devoir civique et du rôle intégrateur de l'Etat. L'institution centrale de l'intégration dans la société moderne est donc l'école contrôlée par l'Etat et il ne faut pas perdre de vue que Durkheim était pédagogue avant que d'être sociologue et la sacralisation de la connaissance comme source de morale se retrouve à travers l'assimilation des enseignants à
    des modèles qui doivent être dignes du caractère sacré de ce qu'ils enseignent et qui doivent être respectés à l'instar des prêtres. Le lien citoyenneté et laïcité passe donc la conscience collective dont le lieu privilégié d'acquisition est l'école.

    B) La gauche laique ne suit pas Durkheim (et encore moins Tocqueville) sur la présence nécessaire de la religion !

    Durkheim reconnaît que la science ne peut se substituer entièrement aux croyances " théocratiques " et, il est même souhaitable qu'elle ne le puisse pas. Quelle place, dans ce cas, leur faire dans la conscience collective et sa transmission par l'école ? Les croyances sont un objet d'étude scientifique et doivent être abordées comme telles ce qui ne signifie pas qu'on les rejette entant que croyances ; au contraire, l'approche scientifique permet aux croyants d'avoir une approche plus rationnelle, finalement moralement plus efficace et plus en conformité avec la conscience collective. L'école ne forme pas des adeptes des religions mais donne à ces adeptes la possibilité de rendre ces
    croyances compatibles au sein de la société. La tâche de transmission de ces croyances relèvent de groupes secondaires que Durkheim souhaitent préserver, voire revivifier (en particulier les groupes professionnels)
    parce que l'Etat et la société politique sont loin et que la conscience collective a besoin d'être concrétisée. Ainsi si la citoyenneté, selon Durkheim, met l'accent sur le dépassement des individus dans une perspective rousseauiste, elle ne se réfère pas à un individu abstrait, sujet de droits, mais à un individu socialisé c'est-à-dire où se construit et s'actualise une conscience commune, déclinée à deux niveaux et qui doit permettre l'affirmation d'une conscience individuelle.

    Tocqueville va plus loin : le citoyen doit croire pour être pleinement citoyen et n'importe quelle religion peut faire l'affaire (il cite la métempsychose) avant de se raviser : certaines religions sont incompatibles avec la citoyenneté démocratique, celles qui comprennent explicitement des principes d'organisation de la société et des préceptes politiques et il désigne l'Islam.

    On voit que les propos de Sarkosy dans son discours de Latran qui justifient la présence utile de la religion doivent plus à Tocqueville qu'à Durkheim. Ainsi, pour Henri Tincq (3) il reprendrait même l'utilitarisme de Napoléon : "Nicolas Sarkozy a prononcé deux discours, à la basilique du Latran à Rome le 20 décembre 2007 et à Riyad le 14
    janvier, qui proposent une vision de la laïcité assez différente de celle qui avait fini par s'imposer en France après un siècle de crises. Depuis, certains prêtent au président français des intentions "concordatrices", dans la lignée d'un Napoléon qui avait une vision plutôt politique et cynique de la religion : "Comment avoir de l'ordre dans un Etat sans religion ? La société ne peut exister sans l'inégalité des fortunes et l'inégalité des fortunes ne peut subsister sans la religion", écrivait-il en 1801, l'année du concordat signé avec Pie VII, destiné à rétablir la paix civile et religieuse après la Révolution".

     

    La gauche laïque est marquée par Durkheim mais aussi par Max Weber

     

    II - L'EMPREINTE de Max WEBER

    1. La religion comme système de domination et comme présence durable dans la société.

    Pour la gauche laïque, il s'agit d'accepter la religion dès lors que son volet oppressif est annulé. Cela est-il possible? Oui si l'on ne confond pas domination directe et aliénation.

    • La religion comme système de domination

    La religion, toutes les religions ne sont pas neutres mais actives dans la société. "D'un point de vue des rapports de pouvoir dans la société, Weber analyse la religion comme un système de domination : le prêtre vise à domestiquer la masse sociale en imposant et en cherchant à légitimer des valeurs, des normes et de pratiques, cette domination est
    évidemment très liée à l'ordre social et politique et renvoie à des modes de socialisation spécifique". Contrairement à ceux qui comme Foucault voient des rapports de pouvoir partout et en complément à Weber, la gauche marxiste cherchera à repérer la présence d'une théologie de la libération parmi la théocrates des différentes religions. On ne peut ici que renvoyer au travail exemplaire de M LOWY.

    • Les religions sont durablement installées

    Pour Weber, si le poids de la religion régresse dans la société moderne, la probabilité qu'elle disparaisse du paysage social est faible. La gauche marxiste instruite des méthodes autoritaires et même exterminatrices de Staline et autres dictateurs du prolétariat est devenue plus libertaire et ne cherche pas à éradiquer la religion des consciences et ne fait pas du combat contre la religion un axe majeur ni même secondaire. Elle est laïque au sens ou elle entend à ce que la
    religion reste dans la sphère privé et que dans cette sphère privée elle ne prenne pas une dimension oppressive contre les femmes. Mais ici c'est la jonction de l'émancipation humaine avec l'émancipation des femmes qui est mis en avant et non pas la laïcité.

    B. L'influence de Weber sur la gauche ne s'arrête pas là.

    La compréhension des rapports entre sécularisation et laïcisation , c'est aussi à Weber - entre autres - qu'on la doit ! Mais ici on ne saurait parler de reprise in extenso mais simplement d'influence diffuse et partielle.
    Continuons avec Christian Dubois et l'apport de Weber : "La laïcisation est un processus d'affranchissement progressif des fonctions de la vie publique de la religion (à commencer par la fonction politique). La sécularisation exprime l'idée qu'il n'existe aucune force extérieure au monde pour l'expliquer, c'est le " désenchantement du monde ", il n'y a aucune puissance mystérieuse ou transcendante nécessaire pour comprendre le monde (ce qui ne préjuge pas de ce qui est nécessaire pour y vivre).

    La sécularisation a quatre caractéristiques :

    1. la religion cesse d'être un facteur organisationnel de la société
    2. la religion perd les attributions qui en sont pas strictement du domaine religieux (état-civil, santé, éducation, aide sociale..)
    3. pluralisation et privatisation des croyances
    4. autonomisation de la démarche individuelle en matière de croyance.

    Le désenchantement du monde n'est pas un mouvement linéaire et uniforme, il a pu se heurter à de très fortes résistances impliquant une spécification du processus et c'est là que la laïcité comme valeur va être promue (France), il a pu se réaliser progressivement allant jusqu'à vider de fait la référence au religieux institutionnel en dehors de la stricte sphère religieuse (Angleterre) mais, on connaît l'exemple d'un pays fortement sécularisé, la Suède, qui a fini par instaurer officiellement la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 2000.

    La sécularisation est un mouvement qui renvoie à des changements du système des valeurs dans l'ensemble des sphères de la vie sociale qui n'exclut pas mais n'impose pas la promotion de ces valeurs dans le domaine public c'est-à-dire la laïcité".

    Christian DELARUE

    1. Lire Jean Jacques LAKRIVAL

    Misère du solidarisme et du néosolidarisme

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article68170

    2) Les références sociologiques ont pour source : Citoyenneté et laïcité, approches sociologiques par Christian Dubois
    http://www3.ac-clermont.fr/pedago/ses/cours%20capes/cours%20citoyennetelaicite.htm

    3) M. Sarkozy, la laïcité et la "religion civile", par Henri Tincq 

    http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/01/25/m-sarkozy-la-laicite-et-la-religion-civile-par-henri-tincq_1003594_3232.html


    et un article critique de Tincq sur Marianne

    " Sarkozy : la religion doit devenir l'opium des banlieues ! "

    http://www.marianne2.fr/Sarkozy-la-religion-doit-devenir-l-opium-des-banlieues-!_a82491.html?


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  • Une religiophobie très circonscrite.

    Retour sur la mentalité laïque contemporaine.

    http://toulouse.indymedia.org/article.php3?id_article=18907


    L'islamophobie est le lieu d'un clivage absolu dans la mesure ou - puisqu'on l'identifie à une forme de racisme - on en présence de deux camps : ceux qui approuvent cette identification et ceux qui la rejettent. Si l'on accepte de distinguer comme je le fais une islamophobie non raciste d'une islamophobie raciste alors il importe de reprendre la notion de religiophobie pour en apprécier sa portée. Mais plus que sur le versant " phobique " ou d'aversion c'est aussi le versant positif – la mentalité laïque – qu'il convient de décrire sommairement.

    La mentalité laïque qui a surgit en 2004 – pour le dire un peu vite - n'est pas la culture du militant laïc connaissant les textes et les grands débats de l'histoire de la laïcité française ou européenne. C'est plus, à mon sens, une pensée populaire modeste mais ferme et de plus porteuse d'avenir face aux abus du religieux partout dans le monde. Et quand nous évoquons l'abus du religieux nous ne visons pas nécessairement les formes les plus réactionnaires que l'on regroupe sous le terme d'intégrisme religieux lui-même d'ailleurs passible de diverses variantes plus ou moins dures.

     

    1 - De l'après-Mai 68 à mars 2004

    Derrière la loi sur l'interdiction des signes religieux ostensibles à l'école prise en mars 2004 il n'y a pas, loin de là, que les fans de Bush et du "choc des civilisations" ou des anciens colons revenus d'Algérie recyclant leur racisme anti-arabe en islamophobie raciste . Il y a aussi plusieurs générations successives issues de Mai 68 porteuses d'une mentalité laïque critique quoiqu'éloignée d'une religiophobie totale et radicale. Voilà un point qui n'a pas été me semble-t-il mis suffisamment en relief chez les observateurs de la religiophobie (ou de l'islamophobie ou de la judéophobie) . Il est donc utile de revenir sur des distinctions importantes car derrière un même refus de l'affichage religieux il y a des composantes idéologiques différentes certaines étant plus radicales que d'autres. Il ne s'agit pas ici évidemment de reprendre le travail précurseur fait par Vincent GEISSER dans son livre paru en 2003 et poursuivi par d'autres ensuite.

    En France le nombre des athées est très important par rapport à d'autres pays. Mais ce n'est pas ce qui compte le plus pour comprendre la forte prégnance de la mentalité laïque. En fait un grand nombre de chrétiens et d'anciens chrétiens se sont émancipés du poids des contraintes de la religion historique et dominante en France dans les années 68 et suivantes. A ce phénomène social touchant les chrétiens vient s'ajouter le mouvement des femmes et des féministes.

    Cela permet de comprendre la particularité d'une "religiophobie" très circonscrite, issue d'une forte mentalité laïque qui n'a d'aversion qu'à l'encontre des seuls excès d'affichage du religieux et non la religion elle-même qu'elle soit catholique, protestante, islamique ou juive. Il ne s'agit pas du tout d'un refus absolu des religions, mais d'un refus de certaines contraintes individuelles et sociales imposées arbitrairement par la hiérarchie écclésiastique.

    Cela s'explique par le fait que nombre de ces "religiophobes" sont toujours croyant(e)s voire sont toujours pratiquant(e)s. De ce fait ils ne peuvent donc pas être totalement religiophobe . Ce sont des croyants laïcs. Leur religiophobie modérée porte sur des signes religieux par trop ostensibles mais elle tolère bien les signes religieux discrets. C'est le signe typique de la mentalité laïque.

    On comprends alors que derrière la loi de mars 2004 sur les signes religieux ostensibles interdits dans les écoles se trouvent en France de nombreux soutiens issus d'une grande diversité d'opinions et de courants d'idées.

     

    2 - De mars 2004 à la nécessaire politique d'insertion sociale et économique à mener.

     

    Cette loi de mars 2004 issue des débats la Commission Stasi de 2003 est loin d'être parfaite mais elle est une des lois les plus importantes pour le siècle à venir. Elle est aussi importante que la loi de 1972 contre le racisme. Pour autant il ne s'agit pas d'une loi d'intégration-assimilation destinées aux jeunes filles voilées ou à d'autres croyants ostensibles. Ce qui est positif.

    L'assimilation – la version forte et volontariste de l'intégration - n'est pas l'œuvre directe de l'Etat français mais le fruit qui surgit progressivement d'une politique d'insertion socio-économique des jeunes chômeurs et autres déclassés. Nous sommes là à l'opposé de la politique de Sarkosy . C'est par l'insertion socio-économique dans et par l'emploi et le logement que les mœurs évoluent. Nombre de musulmans et de musulmanes, soit des étudiant(e)s soit surtout celles et ceux qui ont accédé à des positions économiques plus aisées et plus reconnues socialement (avocat, médecin, écrivain, journaliste, chercheur, etc.) ont tendance à faire évoluer leur conception de l'islam par exemple vers le néo-soufisme, c'est-à-dire vers une interprétation plus moderne plus spirituelle, plus intérieure de la croyance musulmane . Une telle conception de la religion n'éprouve plus le besoin de montrer son appartenance religieuse ou alors de façon non ostensible, discrète.

    La mentalité laïque est parfaitement accessible à toutes les religions. Accessible signifie qu'un passage libre, non contraint est possible. Mais les sociétés ne connaissent pas la neutralité " pédagogique " car des forces sociales religieuses diverses y sont agissantes, elles disposent d'appareils d'influences idéologiques puissants et efficaces. Et le communautarisme source de repli identitaire sur les formes les plus traditionnelles de l'islam n'est pas une vue de l'esprit même si le terme est source de malentendus notamment depuis sa promotion par Sarkosy candidat, qui employait ce mot en un sens très idéologisé, signifiant implicitement musulmans intégristes.

    Dans toutes les sociétés et dans toutes les religions ce qui a freiné ou ce qui continue de freiner l'accès à la mentalité laïque c'est le mouvement intégriste ou du moins le mouvement conservateur souvent attaché aux artifices religieux extérieurs qui participent de l'emprise du religieux sur et dans les sociétés. Les forces religieuses conservatrices et réactionnaires tiennent à accroître cette emprise du religieux. C'est une donnée de fond qui prend évidemment des formes variables selon les sociétés et les religions.

    Christian DELARUE

    Secrétaire national du MRAP

    s'exprimant à titre personnel


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  • DISCRETION donc NEUTRALITE donc LAICITE !

    DE LA DISCRETION DE L'EXPRESSION RELIGIEUSE ET ANTI-RELIGIEUSE COMME FONDEMENT D'UN COMPROMIS PACIFIQUE DES RAPPORTS HUMAINS CONSTITUTIFS DE LA LAICITE ET DE SA NEUTRALITE

    Rebond partiel sur le texte « Manipulations antilaiques » de D. Sieffert - PoLiTiS

    http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article61391

    Je laisse ici de côté ce qui concerne le problème du sort d' Ayann Hirsi Ali objet de l'article (voir lien et blog chrismondial)

    D. SIEFFERT écrit dans "Manipulations antilaiques" :

    1 La laïcité, c'est d'abord une certaine discrétion.

    J'approuve et je retiens cette définition qui correspond d'ailleurs à la philosophie de la loi de mars 2004 sur les signes religieux discrets autorisés à l'école, les signes religieux ostensibles étant interdits. La publicité ambulante continue et ostensible de l'islam, comme de toute autre religion, finie par être agaçante, provocante et finalement insupportable pour nombre de personnes. Ce n'est pas tant la religion elle-même qui gêne que sa sur-visibilité, que sa publicité si ostensible.

    La discrétion doit être réciproque : Certes, l'affichage de la haine globalisante de l'islam doit être contenu. Et pire encore la haine globale des musulmans. Mais il faut aussi contenir l'affichage public par trop ostensible de l'amour de l'islam. Question d'efficacité et de paix sociale . Il y a bien interférence entre cet amour ostensible et cette haine réactionnelle : l'un nourrit l'autre. Il faut donc au nom de la laicité, celle de 1905 mais aussi celle issue de la philosophie de la loi de mars 2004, militer pour le parallèlisme des formes et demander discrétion tant pour l'amour de toute religion que pour sa haine.

    Au plan mondial et notamment celui du droit international la laicité en est au niveau zéro . Aucun texte ne vient limiter l'entreprise publicitaire des religions. Et dans nombres de pays démocratiques modernes elle est confondue avec la tolérance et donc le communautarisme .Les athées et les agnostiques doivent supporter l'affichage religieux alors qu'eux même n'ont rien à dire sur ce plan. Il y a déséquilibre.

    2 " dans cette affaire, ce n'est pas l'islam qui envahit l'espace public, mais la haine de l'islam. Et cela par tous les artifices de la publicité."

    Il faut savoir tenir le même raisonnement à l'encontre des deux parties en présence : les exhibitionnistes religieux et les laics . Si l'amour de l'islam (ou de tout autre religion) se propage de trop alors son contraire surgit : la haine apparaît inévitablement. Et ce n'est pas une haine des personnes ni de leur religion mais de leur mode d'expression envahissant l'espcae public. Ce qui suscite la réaction de protestation ce n'est pas la croyance mais l'affichage permanent et ostensible. C'est donc bien le but de la laïcité entendu comme espace neutre de garantir la paix.

    A défaut d'espace laique garanti et donc de discrétion et de paix garanti , il faut alors répéter une fois encore que l'islam est passible de critique et la critique n'est pas la haine car elle s'appuie sur des analyses et des arguments . Mais la critique et la haine peuvent apparaître conjointement et pas nécessairement à tort lorsqu'il s'agit de condamner les excès de l'islam. Tout dépend de la formulation. Pour ma part j'ai défendu une certaine voilophobie non islamophobe. Il est vrai que je
    distingue par ailleurs une islamophobie circonstanciée nuancée donc légitime d'une islamophobie globalisante et raciste (cf Voile Julienrupt et affaire Redeker).

    3 « En France, des centaines de milliers de « musulmans d'origine » ont pris depuis belle lurette leurs distances avec la religion sans pour autant être la cible de « fatwas ». »

    C'est bien le cas de millions de jeunes filles de culture musulmane non voilées, ces dernières étant très minoritaires. Ces femmes non voilées n'ont pas toutes abandonnées la religion – pour ce que j'en sais – mais ont adopté une mentalité laïque, c'est-à-dire discrète quand à l'affirmation de leur religion voire sans aucune exhibition d'appartenance pas même par un signe discret, donc non offensif, donc pacifique.

    L'usage du blasphème symbolique tel que "je crache sur tous les signes ostensibles" tient à marquer non seulement le refus du religieux excessif, de l'impérialisme religieux envahissant, de sa colonisation de l'espace par le religieux mais aussi un mépris du religieux publicitaire offensif. Il n'est pas né de rien ! C'est là, sans doute, un cran de plus ou l'on passe de la critique à la haine. Il importe alors de montrer expressément pour éviter l'accusation d'islamophobie raciste qu'il s'agit des seuls excès et que cela ne concerne qu'une fraction des musulmans. Ainsi, « Lancer, comme l'ex-députée néerlandaise, un bruyant « Mahomet pédophile ! » (cf D Sieffert) en reste au niveau sommaire que R Redeker avait dépassé en allant plus loin, en attribuant les tares de l'islam (qui n'avait à ses yeux que des tares) à tous les musulmans sans exception. Le délit était constitué. Ce que n'a pas fait, pour ce que j'en sais, Ayann Hirsi Ali.

    On peut d'ailleurs trouver des tentatives paradoxales consistant à adopter certains principes progressistes tout en justifiant le port du voile. En conséquence de quoi il ne faudra pas s'étonner de trouver une critique positive des avancées et une critique féministe et laïque du voile. Je renvoie au débat sur l'affaire du voile de Julienrupt de septembre 2007.

    Christian DELARUE


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