• Misere de l'apologie de l'artisanat

    MISERE DE L'APOLOGIE DE L'ARTISANAT



    Les indépendants forment un groupe social restreint mais très hétérogène (1) hors des classes fondamentales du capitalisme. On pourrait souligner aussi la diversité du salariat mais le point commun reste que les travailleurs salariés sont tous exploités à l'exception d'une minorité de "faux salariés". Les ouvriers, techniciens, employés du privé ou du public sont exploités en intensité de travail ou en durée du travail ou en moindre rémunération par le patronat. C'est une nécessité pour le capital d'exploiter la force de travail afin de faire du profit, la plus-value est
    extraite sur leur dos à cette fin. C'est la base de l'injustice du fonctionnement capitaliste.

    Ajoutons maintenant, qu'on ne trouve pas cela de façon structurelle chez les indépendants. Bien sûr il y a les "faux indépendants" soumis via le droit commercial et les contraintes économiques marchandes à des donneurs d'ordre puissants. Bien sûr il y a des indépendants pauvres tout comme on trouve une petite bourgeoisie libérale riche et surtout soucieuse de payer moins d'impôt afin de s'enrichir toujours plus.

    Ainsi comme Tom Thomas (2) je pense qu'on ne saurait faire l'apologie de l'artisanat sans évoquer ces divers problèmes. Mais contre Tom Thomas je soulignerais volontiers qu'il y a plus d'activités parasitaires chez les
    indépendants que dans la fonction publique.


    I - QUID DE L'AUTOPRODUCTION?


    A - Les avantages mis en avant de l'auto-production.


    Pour Guy Aznar (3) malgré « l'invention du travail » (4), « ce qu'il faut retenir de l'autoproduction .../... c'est ce qu'on appelle l'économie d'usage où la richesse est produite sans transiter par l'argent ». Autre avantage de l'autoproduction est la qualité des biens produits, pas forcément beaux mais durables alors que les biens industriels sont à durée réduite et à obsolescence rapide.

    L'idée avancée par d'autres encore est qu'il vaut mieux des individus qui fassent leur pain, tissent leurs vêtements, réparent leurs voitures, cultivent leurs légumes que de multiplier les travailleurs exploités et aliénés dans les boulangeries industrielles, les usines textiles, les garages et fermes. A la place, on a des individus heureux de "faire eux-mêmes". Il paraîtrait qu'ainsi on gagne de l'argent et du temps et du bonheur.

    B - La critique de l'autoproduction.


    - La critique soft:
    Malgré ses intérêts il faut remarquer que dans le mode de production actuel la place de l'autoproduction est réduite. Le vœux du « partage du travail » avec la généralisation des mi-temps n'a pas suffit à la montée de l'autoproduction ni de l'artisanat. Ce sont les salariés pauvres qui sont apparus. Par ailleurs la valorisation d'une économie sans monnaie aboutie à passer sous silence la distinction capitale entre économie marchande (de valeur d'échange) et économie non marchande (de valeur d'usage comme celle des services publics) car ces deux types de productions ont l'inconvénient d'utiliser la monnaie comme mesure. La petite autoproduction passe en principe par le troc mais avec l'autoproduction plus massive et l'artisanat professionnel c'est bien d'économie marchande qu'il s'agit.

    - La critique hard ou l'escroquerie de l'artisanat libre.
    *Pour Tom Thomas (p135) "l'escroquerie est un peu grosse. L'artisanat est tout le contraire. Certes "faire soi-même" correspond à l'aspiration de s'impliquer, de créer soi-même, de se satisfaire dans un travail. Mais cette façon de refuser le travail parcellisé, aliéné, où le producteur est dépossédé de toute maîtrise sur ce qu'il fabrique, n'est pas une solution au problème posé! Revenir vers l'autarcie, ce serait revenir à un mode de production arriéré, ou l'homme doit passer ses journées à produire tout juste de quoi vivre. Il ne développe pas ses capacités intellectuelles, scientifiques, artistiques, mais il est voué à une production de type primitif, à une activité étroite, d'avoir à passer tout son temps à produire juste de quoi vivre. Il est limité à un petit monde individuel, replié sur lui-même, au lieu d'organiser l'avancée de la civilisation, de la libération de l'humanité".


    II - OUVERTURES CRITIQUES


    - Rien n'échappe au marché sous le capitalisme.

    Les indépendants ne sont pas inscrit dans le rapport social capital/travail mais ils ne sont pas pour autant hors du capitalisme. S'ils ne subissent pas la loi du capital industriel ils subissent celle du capital marchand et du capital financier. Les échoppes artisanales meurent face à l'extension des grandes surfaces car soit ces ventes-là coûtent plus chères (prix élevés) que celles des grandes surfaces, soit elles se transforment en petites structures capitalistes et les nouveaux patrons exploitent alors des ouvriers et employés pour survivre et parfois selon des conditions pires que dans les firmes ayant des syndicats.

    - Que veux-t-on ? La fin du travail ou l'abolition du salariat ?

    Je renvoie ici à ce texte de 1996 de Michel HUSSON « La fin du travail ou l'abolition du salariat ».(6)
    Il faut lutter dans et hors les lieux de production privée ou publique contre le capitalisme en libérant le travail salarié de l'exploitation . Le moyen le plus connu est d'engager en Europe et dans les pays riches une réduction drastique du temps de travail sans perte de salaire ni augmentation de l'intensité du travail salarié. Les politiques social-démocraties se sont arrêtées à mi-chemin avec la RTT Aubry. Il faut reprendre la revendication d'une loi cadre privé public pour aller vers les 30 heures. Les heures libres dégagées seront offertes aux privés d'emploi.


    Christian DELARUE - ATTAC

    1) cf sur Bellaciao « Les indépendants » http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=46244

    2) Crise, technique et temps de travail 1988 imprimé par l'auteur

    3) Le capitalisme a véritablement « inventé le travail » au sens du travail salarié. Guy AZNAR le reconnaît à sa façon car il écrit et à propos d'autoproduction dans « Travailler moins pour travailler tous » (Syros 1993 en page 246) : « Le principe de l'autoproduction est simple : il consiste à assurer soi-même la production de ses propres besoins. Si je vais au bureau à pied au lieu de prendre le bus, si je me rase au lieu d'aller chez le barbier, si je garde ma fille à mi-temps au lieu de la conduire à la crèche, je fais de l'autoproduction. C'est un principe vieux comme le monde qui fonctionne encore dans la plupart des pays non industrialisés où les cultures vivrières et l'économie villageoise autoproduisent une grande partie des biens vitaux. Dans nos pays industrialisés, il n'y a pas si longtemps que nous avons quitté l'autoproduction. Dans les fermes de nos arrière-grands-parents, on autoproduisait une bonne part de l'alimentation, de l'énergie, de la santé, des soins aux personnes âgées, etc. »


    4) «L'invention du travail par » Michel Freyssenet
    <HTTP: auteur379.html="" multitudes.samizdat.net=""></HTTP:>
    http://multitudes.samizdat.net/L-invention-du-travail.html

    5) Michel HUSSON « La fin du travail ou l'abolition du salariat »
    http://hussonet.free.fr/travail.pdf

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