• Recherche prolétaires et peuple-classe désespérément.

    "Classes populaires" ? : Recherche prolétaires et peuple-classe désespérément.

    Texte du 23 décembre 2009 repris le 27 mars 2010.

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    L’expression très employée de "classe populaire" (au singulier ou au pluriel) a plusieurs gros défauts : D’abord elle cache les prolétaires, notion polysémique. Ensuite, elle fait souvent référence à un spectre étroit des "couches populaires", terme plus juste quoique assez flou qui signifie "ceux d’en-bas". Enfin, la notion de "classe populaire" se refuse à admettre en général les couches moyennes. Les dites "classes populaires" - ceux d’en-bas plus les couches intermédiaires - seraient alors un équivalent du peuple-classe. Les couches supérieures, assimilées à la bourgeoisie complètent la stratification sociale de la nation.

    Si l’expression "classes populaires" ou mieux "couches populaires" sont donc pas les seules à être imprécises. Ainsi, la notion de "couches moyennes" mélange les travailleurs aisés et les autres aux conditions de vie plus modestes. Il y a donc un enjeu à définir les prolétaires de façon renouvelée et à compléter cette définition par celle de peuple-classe.

    Bien souvent, ce discours flou n’est pas neutre politiquement. Il s’agit de favoriser un ou des compromis de classe qui préservent la bourgeoisie et qui taxe les couches moyennes y compris basse-moyenne pour donner soit-disant aux plus bas. Il y a là un aspect " prendre à Pierre pour donner à Paul" que l’on perçoit à droite et au sein de la gauche néosolidariste .

    Beaucoup trop de défauts donc : un recadrage s’impose pour coller plus au réel.

    I - Classe(s) populaire(s) : le bas-peuple, l’ouvrièrisme et l’exclusion des couches moyennes.

    * Ce que l’on nomme improprement "les classes populaires" n’est pas tout le peuple.

    Cela se rapporte aux couches inférieures du peuple, les ouvriers et les employés du privé et du public. Remarquons qu’il s’agit que d’une partie des prolétaires entendu ici au sens de couche sociale épuisant totalement son salaire dans le mois ou du moins ne disposant que de peu d’économie à épargner. Cet "oubli" est très significatif.

    Comblons ce silence. Les prolétaires tels que précédemment définis perçoivent leur revenu "par mois" et même pour être encore plus précis en terme de "fin de mois" et non en revenu annuel comme les riches. Notons que la perspective néomarxiste combine cette définition stratificationniste des prolétaires avec la définition "classiste" et marxiste orthodoxe du prolétariat comme celui qui vend sa force de travail pour vivre. Il y a une face "production" et une face "accès aux marchés" à prendre en considération . Une forte majorité du prolétariat-classe est aussi un prolétariat-couche sociale "fin de mois". On peut et on doit mobiliser les deux acceptions pour comprendre la subjectivité agissante et agir pour la solidarité dans l’action.

    * La formule "classe populaire" est la suite aménagée de feu la classe ouvrière de l’industrie du PCF des années 60 .

    Elle est juste un peu gonflée par l’ajout des employés. Les techniciens du privé et les cadres A "de base" de la fonction publique en sont ordinairement exclus à tort. Le corollaire en terme de lutte est le solo de la classe ouvrière alors que de nombreuses grèves et manifestations sont aussi le fait de cadre A dans l’enseignement et dans la santé. Les cadres A "de base" subissent l’exploitation salariale en termes d’intensification du travail et de salaires modestes quoique plus élevés que les B et C. Un agrégé de l’enseignement en fin de carrière perçoit 3200 euros par mois en 2010 après avoir fait carrière avec beaucoup moins. Autrement dit les plus qualifiés de la fonction publique, à l’exception des cadres supérieurs des administrations (les A+), ne montent pas au-dessus de 3000 euros par mois si ce n’est grâce aux primes ou en fin de carrière. Il en va différemment dans le privé.

    * La formule "classe populaire" ou "couches populaires" opère souvent (pas toujours) une exclusion les couches moyennes, salariées ou indépendantes. Or ces couches moyennes sont une fraction du peuple, du peuple-classe. On ne saurait les évacuer. Quitte à préciser leurs avantages et inconvénients de position en société. Il faut donc les repérer.

    La couche moyenne aisée perçoit entre 3000 et 5000 euros par mois. Elle dispose en général d’un patrimoine de valeurs boursières et d’un patrimoine immobilier de confort certain de type résidence principale plus une voire deux résidence(s) secondaire(s) qui n’a absolument rien de commun avec le patrimoine de la bourgeoisie. Les revenus des 12 catégories de dirigeants débutent à 7000 euros par mois mais les chiffres montent très vite et en valeur annuelle. Ces grands dirigeants ne regardent pas les fins de mois tout comme les travailleurs aisés précités. Les chiffres portant sur les revenus indiquent un "trou" entre 5000 euros par mois et 7000 euros par mois. On y trouve les professions indépendantes : notaires, dentistes, avocats, patrons de PME, etc... La grande bourgeoisie ( plusieurs fois le SMIC) au sommet de la bourgeoisie dispose d’un train de vie très supérieur à celui des couches moyennes : grands bateaux, avions, grandes résidences, etc... (dont l’usage est fort couteux en énergie).

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    II - Élargir la sphère de ceux d’en-bas en deux cercles : les prolétaires et le peuple-classe.

    A - Le première cercle est formé des prolétaires

    Ils disposent de moins de 3000 euros par mois lorsqu’il y a famille monoparentale et enfants . La limite supérieure peut être fixée en-dessous pour d’autres situations : mieux vaut avoir 2 x 2600 euros qu’une fois 3000 euros.

    Les prolétaires connaissent des conditions de vie supérieures au sous-prolétariat, soit ceux qui vivent avec moins que le SMIC (1300 euros par mois). Ce n’est plus la fin de mois qui est l’horizon des sous-prolétaires mais c’est le quotidien qui fait souci constant. Serge Paugam parle de "travailleur pauvres".

    Pour cet ensemble hétérogène à moins de 3000 euros par mois, nommé prolétaires, il importe de proposer un bouclier social et fiscal.

    B - Le second cercle est formé par le peuple-classe.

    Prolétaires + couches sociales aisées (travailleurs ou non) = peuple-classe.

    Nation - bourgeoisie = peuple-classe

    *Le peuple-classe se définit par la population en résidence sur un territoire national (ou le cas échéant multinational) moins sa classe dominante, sa bourgeoisie*. C’est un cercle supérieur à celui des prolétaires.

    En France cela donne environ 95 % de la population résidentielle. Les chiffres varient dans la mesure ou certains auteurs intègrent par extension à la classe dominante la couche d’appui de la bourgeoisie . Il s’agit de certains cadres supérieurs dans la haute administration, dans les grandes entreprises, ainsi que des journalistes appointés par le capital . Cette conception élargie de la bourgeoisie parait trop extensive. Elle relativise la différence entre ce qui caractérise la classe dominante en terme d’étendue des propriétés mobilières et immobilières, résidentielles et d’entreprise, en terme aussi de réseau, de liens de famille et sa couche d’appui. La couche d’appui du capital malgré les fortes rémunérations et les avantages en nature (appartement et voiture de fonction) demeure des salariés subordonnés ou des travailleurs indépendants.

    Mais même si l’on adoptait cette conception extensive de la bourgeoisie il n’en demeure pas moins que le peuple-classe serait très très majoritaire : plus de 90 % de la population résidentielle. Le peuple-classe c’est donc l’ensemble des dirigés, tous les subordonnés au-delà du seul salariat, celui qui subit la puissance des politiques libérales menée par la classe politique dirigeante en faveur de la bourgeoisie, classe dominante. Voilà ce qu’il faut voir.

    Et dire ceci n’empêche nullement de voire qu’au sein du peuple-classe ce sont les sous-prolétaires et les prolétaires qui subissent le plus en terme de revenus et de précarité ou de chômage. Voire ainsi la société permet d’avancer la notion de "bouclier social des moins de 3000 euros par mois" et donc d’avoir une politique de classe pour les partis de gauche qui ne veulent pas en rester à une vision misérabiliste et compassionnelle du social.

    Christian DELARUE

    NB Les syndicats sont plus sur la conception du prolétariat-classe incluant les cadres y compris parfois les hauts cadres qui sont couche d’appui du capital, ce qui fait débat. Ces hauts cadres pratiquent le pantouflage entre public et privé. Certains sont d’ailleurs devenus des membres de la bourgeoisie.

     


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