• Retraites : les femmes paient le prix fort !, par Annick Coupé, Ghyslaine Richard et Sophie Zafari

    Retraites : les femmes paient le prix fort !

    par Annick Coupé, Ghyslaine Richard et Sophie Zafari


    LE MONDE | 11.04.08 | 14h37  •  Mis à jour le 11.04.08 | 14h37

    Après la réforme de 1993 et celle de 2003, imposées au nom de l'équité !, le premier ministre vient d'affirmer que la durée de cotisation pour un taux plein serait portée de quarante à quarante et un ans entre 2009 et 2012. Il veut confirmer les orientations de 2003 sans qu'aucun bilan n'en soit tiré.

    Les femmes paient le prix le plus lourd pour les réformes de 1993 et 2003. Les réformes des retraites accroissent les inégalités de pensions entre hommes et femmes. Les pensions de droit direct des femmes (référence aux salaires) sont de moitié inférieures à celles des hommes. Avec la réversion, la différence est encore de près de 40 %. Les petites retraites, ce sont celles des femmes : la moitié des femmes partant en retraite dans le régime général sont au minimum contributif. Elles constituent 75 % des bénéficiaires de ce minimum.

    Ces inégalités sont la conséquence logique des inégalités constatées sur le marché du travail en termes d'emploi et de salaires. Celles-ci sont encore aggravées avec la montée du temps partiel et des petits boulots chez les femmes. Mais ce n'est pas tout : les réformes des retraites qui privilégient la durée de cotisation pénalisent d'abord les carrières courtes, discontinues (chômage, retrait d'activité) et à temps partiel. Dans le secteur privé, le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence touche les femmes, qui ont davantage de "mauvaises années".

    Les femmes sont donc victimes d'une discrimination indirecte : une disposition (l'allongement de la durée de cotisation) apparemment neutre désavantage les personnes relevant d'un genre. Le système de décote constitue une double peine. Les droits familiaux, notamment la majoration de durée d'assurance (huit trimestres par enfant dans le régime général) et l'assurance-vieillesse des parents au foyer permettent aux femmes de valider de nombreux trimestres dans le secteur privé. Cela ne compense que faiblement les inégalités de pensions, très fortes chez les salariés du privé.

    Dans la fonction publique, la réforme de 2003 a réduit les droits familiaux dont bénéficient les femmes. Cette mesure antiredistributive n'a jamais été justifiée publiquement. Les mères d'enfants nés avant 2004 n'ont gardé leur bonification d'un an que si elles étaient fonctionnaires au moment de l'accouchement : les femmes inactives, en disponibilité, non titulaires ou travaillant dans le privé ont perdu ce droit, tout comme une partie des étudiantes. Ubuesque : les jumeaux ne comptent plus que pour un !

    SPIRALE DE LA PAUPÉRISATION

    Pour les enfants nés après 2004, le nouveau système pénalise les femmes qui poursuivent leur carrière sans s'interrompre. Le régime de retraite de la fonction publique valorise donc un modèle social qui est rejeté par les femmes. Plutôt que de chercher à faire des économies sur le dos des femmes, les régimes de retraite devraient au contraire favoriser leur activité (qui contribue au financement des retraites) et s'adapter pour répondre aux aspirations des femmes à avoir des droits propres et pour prendre en compte les mutations sociales (Pacs, concubinage, montée du divorce et de la proportion de femmes arrivant seules à l'âge de la retraite, etc.)

    Parler de l'égalité le lundi et, dès le mardi, s'appliquer à imposer des réformes qui aggravent les inégalités entre hommes et femmes, aggraver la précarisation sociale et la pauvreté pour une partie de plus en plus importante des femmes, voilà le résultat de la politique de "réforme" des retraites. Il s'agit donc bien d'une politique régressive à tous points de vue.

    Il faut stopper cette spirale de la paupérisation, et c'est possible. Garantir un niveau des retraites décent pour les femmes dans une société solidaire est possible. Le droit à une retraite à 60 ans à taux plein doit être accessible à toutes et à tous. Garantir à chacun un niveau futur de pension au moins égal à 75 % de son salaire, avec un minimum global de retraite qui ne soit pas en dessous du smic. Il est aussi possible d'agir pour le droit au travail et le plein-emploi des femmes, de s'attaquer aux inégalités salariales entre femmes et hommes, d'assurer ainsi un niveau correct de pension, enfin de reconnaître la pénibilité du travail des femmes.

    Les moyens financiers existent. Financer la retraite doit porter l'exigence d'une modification de la répartition des richesses en faveur du travail. Le recours au travail précaire et au temps partiel imposé doit être lourdement taxé. Les profits financiers doivent être mis à contribution, le système des exonérations financières en faveur des entreprises doit être revu afin d'inciter à l'investissement dans les politiques sociales. Les femmes prendront toute leur place dans les mobilisations pour refuser la dégradation systématique des acquis sociaux, pour exiger un niveau correct de pension pour toutes et tous, et pour exiger l'égalité et une vie digne.

    Annick Coupé, Solidaires ;

    Ghyslaine Richard, CGT ;

    Sophie Zafari, FSU.


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