Monsieur le Directeur
de Psychologies Magazine,
Grand titre, Psychologies Magazine
a une influence primordiale sur la conscience collective francophone.
J'ai lu votre numéro
spécial "Le vrai luxe" (décembre 2007).Psychologies Magazine est très
proche du monde publicitaire. Cela se vérifie dans ce numéro spécial très
esthétique. L'essentiel de vos pages montre des femmes parées de magnifiques
bijoux de marques.Je
viens vous interroger très confraternellement au sujet de la "Une" de ce
numéro : visuellement une poule ornée de colliers et un texte en dessous
"Colette, poule de luxe".Au premier degré, je crois avoir
suffisamment d'humour pour sourire de cette "Une" gentiment décalée.
Mais je ne peux
m'empêcher d'analyser au second degré ce rapprochement visuel entre "poule" et
"de luxe" et le message subliminal qu'il crée. Comme une sorte d'humour
infériorisant. Cette association étonne en
2007-2008 après Freud et la lutte contre tous les fascismes. Nous savons bien
que ceux-ci s'appuyaient très en amont, pour exclure, sur un humour portant de
l'infériorisant. Faire rire de la différence. Faire rire de l'humiliation. Ce
relent d'inégalité rappelle de bien mauvaises choses. Vous le savez, autoriser une
inégalité (aujourd'hui le féminin, et demain ?) ouvre dans l'inconscient
des ombres bien plus profondes. C'est collaborer à quelque chose de mortel
pour la civilisation.
Chercher le "vrai luxe", vous
l'écrivez presque, demande un certain lâcher prise et une élévation. Votre
ligne éditoriale se veut psychologique. Votre Une semble ainsi promouvoir le
lâcher prise, mais le rattrape par la pire des ombres : associer l'autre
à un animal. Je ne
peux, en aucun cas, soupçonner Psychologies Magazine, journal assez féminin
par ailleurs, de cette dérive là. Vos créateurs graphistes, de façon
subliminale, ont associé "poule" et "de luxe". Et ont posé cela, par la
puissance de Psychologies Magazine, dans le subconscient de vos lecteurs et
lectrices. C'est leur métier. Mais quel métier ? Nous nous battons tous
pour une presse qui cherche, au contraire, la qualité de la présence
intérieure en chacun et l'égalité avec l'autre. Cette "Une" mélange le pire.
Je préfère penser que cela vous a échappé. Sinon elle signerait chez
Psychologies Magazine, une ambiguïté qui, certes peut faire vendre, mais à
quel prix dans l'inconscient collectif ? Elle ouvre des brèches à travers
l'humiliation mise en Une, qui ne devraient pas être dans la mesure où elle
brise le tabou du rapport égalitaire à l'autre. Beaucoup de personnes ont
souffert et parfois même dans le sang d'un processus collectif inconscient
commençant par pointer une infériorité qui n'existait que dans l'imaginaire de
ceux qui la promouvait et qui voulaient en rire.
Veuillez agréer, Monsieur Servan
Schreiber, l'expression de mes salutations bien cordiales.