• La séparation des pouvoirs : en prendre et en laisser !

    LA SEPARATION DES POUVOIRS : EN PRENDRE ET EN LAISSER !





    Elle serait une garantie contre l'arbitraire et la tyrannie. Pour la justifier, on évoque évidemment Montesquieu comme auteur d'une théorie de l'équilibre et de la séparation rigoureuse des pouvoirs que sont le législatif, l'exécutif et le judiciaire.



    - La mise au point de Charles Eisenmann (1).



    Charles Eisenmann a montré d'une part que cette théorie n'existait pas chez Montesquieu : L'exécutif empiète sur le législatif puisqu'une le roi dispose d'un droit de véto. Le législatif peut, exercer un droit de regard sur l'exécutif puisqu'il contrôle l'application des lois. Le législatif empiète sérieusement sur le judiciaire dans un certain nombre de circonstances. Charles Eisenmann a précisé d'autre part qu'il s'agissait plutôt chez Montesquieu d'une combinaison de pouvoirs, un partage des pouvoirs. Chez Montesquieu il y a trois puissances mais deux pouvoirs, le législatif et l'exécutif, le judiciaire n'étant pas à proprement parler un pouvoir. Enfin Montesquieu parle en terme de rapport de force, en terme de politique et non en terme juridique. Ce qu'il veut c'est un gouvernement modéré.



    - Au profit de qui s'exerce ce partage des pouvoirs?



    Le partage des pouvoirs s'opère-t-il en faveur du roi ou du peuple? La question que se pose Althusser (2) en 1959 reste d'actualité : il suffit de remplacer Président par Roi ou Exécutif au sens large par Roi. Pour Montesquieu, "si la puissance législative prend part à l'exécution, la puissance exécutrice sera... perdue" (XI 6) Mais l'inverse n'est pas vrai : le Prince a les deux pouvoirs mais la modération n'est pas menacé car la tyrannie ne peut selon lui venir que du peuple. Montesquieu défend la monarchie et la noblesse mais pas le tiers-état. Il dirait probablement aujourd'hui vive la démocratie représentative présidentielle (ou une de ses variantes notamment celle qui accepte deux chambres dont un Sénat) ; une formule démocratique qui verrouille la distribution du pouvoir au profit de couches sociales largement positionnées au-dessus du peuple, le peuple étant ceux qui sont dirigés, qui ne décident pas ni politiquement ni économiquement!



    - "Educ pop" : Que faire de la théorie de la séparation des pouvoirs?



    Mon propos ne vise pas au rejet complet de la séparation des pouvoirs mais à bien montrer qu'elle est un enjeu politique pour l'émancipation du peuple. Les élites ou l'aristocratie ou la classe dominante (la bourgeoisie ou la caste bureaucratique dans les régimes staliniens) se méfient du peuple - au besoin en se réclamant de lui - et veulent le tenir assujetti. La théorie de la séparation des pouvoirs constitue une entourloupe politico-juridique visant au maintien du peuple comme tiers-état exclus. Il ne faut sans doute pas "jeter le bébé avec l'eau du bain" mais il ne faut sans doute pas répéter naïvement le mythe de la séparation des pouvoirs. Il y a en la matière à prendre et à laisser pour qui souhaite aller vers une alterdémocratie.



    Christian Delarue



    notes:

    1) C. EISENMANN L Esprit des Lois et la séparation des pouvoirs in Mélanges Carré de Malberg Paris 1933

    2) Louis ALTHUSSER in "Montesquieu : La politique et l'histoire"

    3) Atelier Démocratie : rencontre du grand ouest sur me Manifeste : Introduction : aller vers une autre démocratie, citoyenne et populairehttp://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE
    ou Alterdémocratie cf. Bellaciao

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