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ockren dans
1 - ATTAC - ALTER le
16 Avril 2007 à 02:08
LA SEPARATION DES POUVOIRS : EN PRENDRE ET EN LAISSER !
Elle serait une garantie contre l'arbitraire et la tyrannie. Pour la
justifier, on évoque évidemment Montesquieu comme auteur d'une théorie
de l'équilibre et de la séparation rigoureuse des pouvoirs que sont le
législatif, l'exécutif et le judiciaire.
- La mise au point de Charles Eisenmann (1).
Charles Eisenmann a montré d'une part que cette théorie n'existait pas
chez Montesquieu : L'exécutif empiète sur le législatif puisqu'une le
roi dispose d'un droit de véto. Le législatif peut, exercer un droit de
regard sur l'exécutif puisqu'il contrôle l'application des lois. Le
législatif empiète sérieusement sur le judiciaire dans un certain nombre
de circonstances. Charles Eisenmann a précisé d'autre part qu'il
s'agissait plutôt chez Montesquieu d'une combinaison de pouvoirs, un
partage des pouvoirs. Chez Montesquieu il y a trois puissances mais deux
pouvoirs, le législatif et l'exécutif, le judiciaire n'étant pas à
proprement parler un pouvoir. Enfin Montesquieu parle en terme de
rapport de force, en terme de politique et non en terme juridique. Ce
qu'il veut c'est un gouvernement modéré.
- Au profit de qui s'exerce ce partage des pouvoirs?
Le partage des pouvoirs s'opère-t-il en faveur du roi ou du peuple? La
question que se pose Althusser (2) en 1959 reste d'actualité : il suffit
de remplacer Président par Roi ou Exécutif au sens large par Roi. Pour
Montesquieu, "si la puissance législative prend part à l'exécution, la
puissance exécutrice sera... perdue" (XI 6) Mais l'inverse n'est pas
vrai : le Prince a les deux pouvoirs mais la modération n'est pas menacé
car la tyrannie ne peut selon lui venir que du peuple. Montesquieu
défend la monarchie et la noblesse mais pas le tiers-état. Il dirait
probablement aujourd'hui vive la démocratie représentative
présidentielle (ou une de ses variantes notamment celle qui accepte deux
chambres dont un Sénat) ; une formule démocratique qui verrouille la
distribution du pouvoir au profit de couches sociales largement
positionnées au-dessus du peuple, le peuple étant ceux qui sont dirigés,
qui ne décident pas ni politiquement ni économiquement!
- "Educ pop" : Que faire de la théorie de la séparation des pouvoirs?
Mon propos ne vise pas au rejet complet de la séparation des pouvoirs
mais à bien montrer qu'elle est un enjeu politique pour l'émancipation
du peuple. Les élites ou l'aristocratie ou la classe dominante (la
bourgeoisie ou la caste bureaucratique dans les régimes staliniens) se
méfient du peuple - au besoin en se réclamant de lui - et veulent le
tenir assujetti. La théorie de la séparation des pouvoirs constitue une
entourloupe politico-juridique visant au maintien du peuple comme
tiers-état exclus. Il ne faut sans doute pas "jeter le bébé avec l'eau
du bain" mais il ne faut sans doute pas répéter naïvement le mythe de la
séparation des pouvoirs. Il y a en la matière à prendre et à laisser
pour qui souhaite aller vers une alterdémocratie.
Christian Delarue
notes:
1) C. EISENMANN L Esprit des Lois et la séparation des pouvoirs in
Mélanges Carré de Malberg Paris 1933
2) Louis ALTHUSSER in "Montesquieu : La politique et l'histoire"
3) Atelier Démocratie : rencontre du grand ouest sur me Manifeste :
Introduction : aller vers une autre démocratie, citoyenne et
populairehttp://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE
ou Alterdémocratie cf. Bellaciao