• NEO-FROMM : POUR UNE ETHIQUE BIOPHILE LIBEREE

     

    NEO-FROMM :

    POUR UNE ETHIQUE BIOPHILE LIBEREE

     

     

     

    Une lecture « marcusienne » de l'éthique biophile d'Erich Fromm

    chrismondial blogg

     

    Tout d'abord « qui parle ? » d'ou cette brève accroche sur un parcours : « Le cœur de l'homme » est le premier livre d'Erich FROMM que j'ai lu (1) avant de fréquenter pendant trente ans toute la littérature du psychanalyste proche de l'Ecole de Francfort. Eric FROMM comme Herbert MARCUSE n'ont pas été simplement pour moi des « passeurs » du christianisme vers le marxisme. Car la lecture de ces auteurs ouvre d'autres perspectives que de mener à Marx. J'ai donc continué de fréquenter longtemps Fromm malgré des réserves sur certaines de ces positions, malgré la lecture d'autres auteurs : BADIOU (les éthiques de situation), COMTE-SPONVILLE (aimer désespérément), etc...

    N'ayant pas voulu être trop long, je préviens que chaque paragraphe mériterait des nuances, des précisions. Voilà qui laisse place à des commentaires.

     

     

    1- L'éthique biophile d'Erich Fromm.

     

    La nécrophilie se déploie avec des intensités variables. Elle désigne au sens strict le goût prononcé pour la mort mais aussi de façon plus "douce" un goût pour ce qui est froid et mécanique. Préférer, sous l'influence de Thanatos, la « bagnole » aux fleurs n'est évidemment pas aussi morbide et dangereux que l'esprit et la pratique de destruction d'une fraction de l'humanité que Fromm décrit longuement chez Hitler . A un niveau intermédiaire, la nécrophilie manifeste une tendance à l'avilissement de soi et des autres. La sexualité placée sous le signe de thanatos cherchera à faire l'économie de la réciprocité, du consentement de l'autre, de sa participation, de son plaisir. Le prototype en est l'homme qui ne trouve son plaisir qu'avec une femme inconsciente (le nécrophile viole des femmes saoules comme si elles étaient mortes).<o:p> </o:p>

    Par opposition, la biophilie et le bien ce sont le respect pour la vie et la recherche de tout ce qui favorise la croissance et l'épanouissement de soi et de l'autre, le tout sans remords et sans culpabilité. Le mal vise à brider l'existence humaine, à la rétrécir, à l'atrophier. Il empêche de grandir, de s'épanouir. <o:p> </o:p>

    Le lien avec Spinoza est constamment réalisé chez Fromm : être et non avoir, vivre et non posséder c'est connaître la joie. Des philosophes contemporains comme Comte-Sponville ou Mishari ont vulgarisé cette opposition spinozienne joie / tristesse. J'y renvoie. Une lecture inspirée de Marcuse (2) et Reich incline à dire sensiblement la même chose mais en moins "conformiste", en moins austère de par l'introduction du plaisir, ce qui donne le propos suivant : Mener une existence misérable incline à la tristesse alors que le mouvement vers la vie et le plaisir est source de joie. En fait l'intégration du plaisir pour aller vers la joie est plus explicite chez Alexander Lowen disciple de W Reich. Ce même W Reich a aussi conservé une référence plus forte au marxisme.

     

     

    2 - Contre l'intensification du travail et le familialisme.

    La restriction du moi sur du quotidien répétitif, ennuyeux et aliénant est source de tristesse. Cette misère est triple, elle concerne la vie au travail, la vie de couple et notre façon d'utiliser le temps libre (la fréquentation de la télévision ou des temples de la consommation marchande). Je souligne deux champs ou le choix d'une éthique biophile se pose.

    a) Dans le champ du travail salarié: Pour FROMM l'individu libre et épanoui est créatif et productif mais à la suite de Spinoza il ne confond pas actif et activisme . Par ailleurs, il s'agit d'une productivité non contrainte, loin des subordinations du monde du travail salarié, en tout cas, loin du travail à la chaîne ou sous la pression des statistiques, . Le prototype de l'individu productif pourrait être soit l'artisan (en voie de disparition face à la généralisation du salariat et à l'extension du capital) soit (ainsi que le répète Bernard FRIOT) le « jeune » retraité de 55 ans qui poursuit ou qui s'engage dans des activités citoyennes et solidaires pour la construction d'un "autre monde".

    b) Au sein de la famille patriarcale : Au sein du couple la restriction appauvrissante de la vie et du moi serait la situation de simples cohabitants froidement "ensemble" pour gérer les biens patrimoniaux et l'éducation des enfants le tout sans tendresse. A la suite d'Yves Prigent (Vivre la séparation) j'ai évoqué les "couples simplement cohabitants sans passion et peu d'amour". Sans passion au sens de vie affective et libidinale au sein du couple éteinte. Pour Fromm, qui suit ici Spinoza, la passion est de l'ordre du négatif. La passion relève de la passivité et non activité. Il convient de se souvenir de cela mais sans dogmatisme rigide . Pour relativiser une position par trop rigide la lecture d'Alexander LOWEN, (celui de ses premières oeuvres pas celui d'aujourd'hui) est des plus utiles. Un trop fort ressentiment contre la passion ne permet pas, par exemple, de comprendre positivement le « tomber amoureux ». C'est bien un usage tranché de Spinoza donne une teinte rigide et conventionnel « l'art d'aimer » de Fromm notamment avec l'importance donnée à l'entraînement et à la discipline. A tel point que, si Fromm avait moins cité dans ses ouvrages des auteurs athées - comme Freud, Marx et Spinoza - les grandes religions monothéistes auraient pu s'approprier Fromm aisément. Car « l'art d'aimer » peut être lu comme une charte du mariage bourgeois ou du couple chrétien fidèle ad vitam aeternam!

    - L'éthique biophile n'est pas mobilisable de façon absolue contre l'avortement . Se déclarer au nom de FROMM ou de l'éthique biophile contre l'avortement, tout simplement parce-que l'on n'a aucun droit de vie ou de mort sur une personne, un bébé, ou un embryon humain c'est oublier rapidement au moins deux choses : - d'une part que l'avortement n'élimine qu'un embryon ( passé un certain nombre de mois variable selon les pays l'avortement n'est plus autorisé car l'embryon devient réellement être vivant) ; - d'autre part l'embryon n'est pas dans une éprouvette mais dans un ventre, dans un corps vivant, un corps de femme. C'est donc fondamentalement à la mère de se déterminer librement car c'est elle qui porte l'embryon puis l'enfant en gestation, car c'est elle encore qui devra éduquer l'enfant (avec le père biologique éventuellement).

     

     

    3 - L'amour source de vie

    Si l'amour est tant recherché, si l'on a tant de peine à l'oublier quand on l'a rencontré, c'est probablement, dit Patrick De Neuter, parce qu'il apporte tout à la fois la reconnaissance de soi comme être aimable et, lorsque la sexualité s'y conjoint, la reconnaissance de soi comme être désirable. Dans « reconnaissance » il y a « naissance » et les amoureux décrivent fréquemment leur amour naissant comme une naissance, du moins une nouvelle jeunesse. Il est le surgissement miraculeux d'un nouvel élan vital, une découverte d'une partie de soi méconnue ou encore l'ouverture à de nouvelles possibilités créatrices.
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    Dire à quelqu'un « je t'aime », sauf en cas de clivage du mouvement tendre et du mouvement sensuel, signifie souvent « je te désire ». Pour Jacqueline SCHAEFFERT (1) : la rencontre d'un amant amoureux effracteur est nécessaire à la femme pour accéder à sa féminité. Et l'homme ajoute Patrick De Neuter ne deviens vraiment homme que s'il rencontre une femme qui peut ainsi l'ouvrir à la plénitude de sa virilité.

     

    L'importance psychique immense de l'objet d'amour. Ces expériences d'amour et de désir amoureux sont d'une importance psychique considérable pour chacun de ceux qui les vivent et l'on comprend que la pulsion d'emprise se développe inévitablement à l'égard de celui ou celle qui en est l'occasion ou la cause. On peut aussi comprendre l'angoisse du déclin et de la fin de l'amour ainsi que celle de l'abandon. La jalousie à l'égard de qui pourrait détourner l'aimé€ prend ici tout son sens, ainsi que l'extrême dépendance de l'amoureux(se) à l'égard de l'aimé(e).
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    1) in « Clinique du couple » ouvrage collectif ERES 2007 actualité de la psychanalyse

    2) in « Le refus du féminin » PUF 1997

     

    4 - Ouverture : Le projet d'amour libre de Jean ZIN !


    « La question de la liberté en amour est ce qui nous passionne vraiment et reste notre actualité, l'exigence de s'engager dans un amour libre ». dit Jean ZIN (3)

    Il précise car l'amour libre ce n'est pas n'importe quoi avec n'importe qui : "Contrairement à ce qu'on a pu croire, dans l'enthousiasme de Mai 68, il ne s'agit pas de multiplier les partenaires sans rien partager ni construire, sans compagnon pour vivre ensemble, de plus en plus seul et détaché de tous, mais il ne suffit pas d'en dresser un constat d'échec comme s'il suffisait de revenir en arrière et renoncer à ces folies de jeunesse, car nos pratiques amoureuses ont réellement changé, elles ont gagné en authenticité et chacun éprouve dans sa vie les contradictions des exigences d'un amour libre, sans arrêter de le pratiquer (mal). Il faudrait donc bien reprendre le projet d'une libération de l'amour qui ne s'épuise pas dans la dispersion et la solitude mais permette la continuité et la profondeur de fidélités multiples.

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    Eros ou la force des sentiments tendres.

     

    Trois phases de la vie amoureuse sont déterminantes :

    - les débuts (le « tomber amoureux »),

    - le passage à l'amour relativement durable,

    - la fin : la rupture amoureuse.

     

    1) LA RENCONTRE AMOUREUSE

    (10/07/1998)

     

    A) LE « TOMBER AMOUREUX »

    Une "chute" certes mais qui peut être, plus qu'une aventure, le point de départ d'une élévation, d'un amour véritable, sublime.

    Contre la solitude, solitude réelle ou solitude dans le couple ou la famille, certains ou certaines cherchent
    activement un(e) partenaire. D'autres non . Ils ou elles préfèrent la surprise de la rencontre amoureuse. Cela laisse encore à penser qu'ils attendent "la surprise", ce qui sans doute modifie l'effet de surprise. Mais peu importe ici. Mon propos est le "tomber amoureux" (et secondairement sa transformation en amour).

    Je vais l'aborder positivement car le « tomber amoureux » a été critiqué notamment par E Fromm au nom du concept spinozien de la passivité. Il est des individus, hommes ou femmes, hétéro ou homo, jeunes ou vieux, qui ne sont jamais vraiement «tombés amoureux » conjointement, ensemble . Il n'ont donc jamais connu cette expérience partagée de transcendance, cette surabondance de joie et de bonheur, ce surcroit de vie autant que de « plus-jouir » (Lacan). Et celles et ceux qui l'ont connu n'ont pas toujours pu ou su le faire vivre, ce qui est autre chose. L'amour n'est pas un long fleuve tranquille.

    Cela va peut-être étonner mais c'est à Freud et non à Misrahi que je recours pour expliquer cette avantageuse émotion fusionnelle qui, si elle perdure, va se métamorphoser en amour En effet la référence à la tendresse est présente dans toute l'œuvre freudienne.

    Mais la tendresse n'est qu'un élément de la « love map » (ou « sexual-maps » selon Money) traduit en « carte du tendre » par Jean-Didier Vincent. Un texte de Freud, en 1912, « Deuxième contribution à la psychologie de la vie amoureuse. » distingue à ce propos nettement deux courants dans la psycho-sexualité, le courant tendre et le courant sensuel et érotique . Si l'amour ne se réduit pas à la sensualité, il ne peut pas non plus totalement l'éliminer. On ne peut tout sublimer.

    Le temps opère passage de la passivité du "tomber amoureux" à l'amour actif ("se tenir dans l'amour" selon Fromm). Si l'émotion relève de formes explosives de l'affectivité , les sentiments participent eux de phénomènes affectifs plus tempérés, plus stables (J Maisonneuve) . Mais les premiers états affectifs perdurent, et la passion s'inscrit alors dans la durée . L'émoi initial est entretenu, par des rites notamment (Neuburger), portant sur les deux désirs amoureux (R Barthes) le pothos, désir de l'amant absent et l'himeros désir plus ardent pour l'amant présent.

    Revenons alors à l'émoi initial . "Par quels indices ténus, subliminaux, les deux partenaires sentent-ils la correspondance ?" La magique rencontre amoureuse se traduit par la rencontre de deux « cartes du tendre ». C Chiliand précise que «la sexualité de chacun a des particularités idiosyncrasiques, que nous appelons « cartes du tendre » . Elles incluent les particularités de l'excitation sexuelle, de sa montée et de sa résolution finale, le choix du partenaire et la formation du couple »

    La rencontre amoureuse opère l'ajustement, si difficile bien souvent, des deux ordres de la psycho-sexualité de chacun(e), homo ou hétéro, celui du désir érotique et celui de la tendresse. Car, comme l'écrit Pasini "pour certains la tendresse est la "rampe de lancement de l'érotisme" pour d'autres elle ressemble à un doux somnifère. Elle entre alors en conflit avec l'érotisme qui implique non seulement jeu et communication, mais aussi surprise et transgression".

    La rencontre amoureuse favorise donc au travers du plaisir sexuel "une synthèse du corps et de l'esprit" (R Misrahi) d'une part par une confluence paradoxale tendresse/animalité et d'autre part par fusion réconciliatrice ou même parfois régénératrice . Une confluence paradoxale car la sensualité ne peut se manifester qu'à l'égard de personnes rabaissées dit Freud et les cliniciens qui le suivirent . Ainsi tel homme est puissant avec des prostituées et impuissant avec des femmes estimées . Fusion réconciliatrice de "la mère et de la putain", de l'estime et de la vulgarité et même relativement régénératrice car les problèmes «sexuels » éventuels liés à la dissociation de la tendresse et de la
    sensualité peuvent disparaitre.

    Alors rédemption de la rencontre amoureuse ? Si "la passion amoureuse implique un investissement corporel et fantasmatique total dans un sensualité libéré de la peur, de la posséssivité, desscrupules perfectionnistes et de la volonté de dominer" alors il ne faut pas attendre de la rencontre amoureuse un miracle. Mais G Tordjman met-il peut-être la barre un peu haut ? Reste que la rencontre amoureuse n'efface pas tout le passé et ne peint pas nécessairement "en rose" l'avenir . Ce que les psychanalistes entendent trop souvent, notamment P Babin, c'est la blessure "de femmes bafouées, de femmes violées, de violences sexuelles faite par les hommes sur les femmes" Mais il ne s'agit plus là d'amour, mais d'invitation au combat pour l'égalité des sexes.

    Erich Fromm "L'art d'aimer"

    Colette Chiliand "Le sexe mène le monde" Calman Lévy

    Robert Neuburger "Nouveaux couples" O Jacob

    Robert Misrahi "Qui est l'autre ?" A Colin

    Docteur Gilbert Tordjman "Le couple: réalités et problèmes" Hachette

    "Eloge de l'intimité" Willy Pasini Payot

    "La fabrique du sexe" Pierre Babin Textuel

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    B - LA GRACE AMOUREUSE ELEVE l'être humain

    Il ne s'agit pas ici de l'expérience d'une grâce divine qui vient d'en haut. Non il s'agit d'une grâce humaine ordinaire qui part d'en-bas, du corps et de l'âme humaine. Car derrière le regard et le timbre d'une voix c'est l'âme humaine que l'on rencontre et c'est la grâce humaine qui nous frappe.

    a) - EXPERIENCE DE GRÂCE : LA VOIX ET LE REGARD comme point de départ d'une transcendance ou plutôt d'une ascendance.

    Au-delà d'un éventuel effet physique, qui peut toujours survenir, ce qui importe de comprendre c'est l'effet de grâce global généré par la rencontre amoureuse première. La voix et le regard de l'autre ont un effet de grâce qui va au-delà de la séduction ordinaire. La voix et le regard reflète l'âme et s'adresse au cœur et à l'âme de l'autre.

    Cet effet a une double dimension : une dimension corporelle car inscrite profondément et durablement dans le corps comme attachement (donc bien au-delà d'un effet sexuel) et une dimension de valeur sacrée et transcendante qui place la relation au-delà du présent et du vulgaire.

    Le fait que cet effet ait été réciproque mais aussi et surtout durable légitime le fait que cette relation relève indéniablement de l'amour et non du coup de foudre "sans travail" ou de l'aventure sans lendemain ou du "prendre soin" dans le cadre un peu froid des cohabitants "familialement correctes".

    b)- COMPREHENSION COMPAREE : Théologie et philosophie matérialiste de la grâce.

    D'abord que disent les chrétiens sur la grâce : "La grâce ne s'éprouve pas seulement passivement. Accueillie comme un don, la grâce nous invite à la faire rayonner à travers notre esprit et notre corps ; à l'exprimer par nos attitudes et nos pratiques, et pas seulement par la parole. L'expérience de la grâce ne se limite pas à des émotions ou à des états d'âme. C'est quelque chose de profond qui transforme et renouvelle la conscience, le corps et le mode de vie de ceux qui l'accueillent".

    Je serais assez d'accord pour reprendre ce passage à condition de préciser que pour un athée matérialiste (1) le "haut" ne préexiste pas pour descendre ensuite sur les humains. C'est le processus inverse qui se produit. Les humains, comme Icare, produisent leur propre élévation et transcendance. "Icare fabrique ses ailes, monte, puis tombe ; l'âme de Platon perd ses ailes, tombe puis remonte"(2).

    Christian DELARUE (signé alors sous le pseudonyme de Leo Jogiches le compagnon de Rosa Luxembourg)
    * (p 60 et suiv.) PUF- Quadrige

    1) Je m'inspire ici de la philosophie du matérialisme d'André COMTE-SPONVILLE notamment son "Traité du désespoir et de la béatitude" T1 Le mythe d'Icare, T2 Vivre. "Grâce" à André Comte-Sponville je peux relier deux penseurs que je fréquente en amateur Erich FROMM et son rigoriste ouvrage « L'art d'aimer » et R. MISRAHI, plus précisément celui qui s'est fait le philosophe de la rencontre amoureuse.

    Cf. « Libres extraits de "Qui est l'autre ?" » (de Robert MISRAHI), par Christian Delarue http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=47492

    http://rennes-info.org/Libres-extraits-de-Qui-est-l-autre.html

    2) "Traité du désespoir et de la béatitude" p85 dans la version PUF Quadrige

    3) : Mon appréciation mériterait étude mais il me semble que le premier André Comte-Sponvile du Traite du Désespoir... publié en 1984 est plus rigoureusement matérialiste que l'A.Comte-Sponvile qui écrit aujourd'hui des billets dans Psychologies et autres revues contemporaines et qui se dit « fidèle » à la tradition chrétienne . Il a avancé que « la présence ou non d'une foi religieuse [il est question essentiellement ici du catholicisme] ne change « presque » rien à la morale » (a). Comme Nadine de Vos (b) je ne partage pas ce point de vue.

    a) André Comte-Sponville, /L'esprit de l'athéisme – Introduction à une spiritualité sans Dieu/, Albin Michel, 2006, page 55.

    b) Nadine de Vos : L'esprit de mon athéisme http://prolib.net/chroniques/201.061230.athee.ndv.htm

    Sur la nécessaire mécréance lire « Fragments mécréants » de Daniel Bensaïd et "A rebrousse-poil de l'idéologie dominante" http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article1274

     

    2) L'ENGAGEMENT AUTHENTIQUE ET DURABLE de l'individu moderne


    Je renvoie ici à :
    - « AUTHENTICITE DE LA PASSION », un extrait de l'ouvrage de Valérie DAOUST « De la sexualité en démocratie – L'individu libre et ses espaces identitaires. » PUF 2005 posté sur bellaciao sous le titre
    S'engager pleinement, sans retenue...

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=52684

    - « La rencontre et l'amour » (de Robert MISRAHI), » lire : « Libres extraits de "Qui est l'autre ?" » de Christian Delarue
    >http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=47492
    >http://rennes-info.org/Libres-extraits-de-Qui-est-l-autre.html

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    3) LA RUPTURE AU TEMPS DE LA MODERNITE :

    Plus on s'engage, plus on partage et plus la séparation est difficile voire traumatisante. Une agressivité surgit, pas nécessairement ouverte, car le masochisme versus dépression ou versus mélancolie peut remplacer l'agression ouverte. Chez les femmes cette agressivité, cette haine ne sont pas plus absents que chez l'homme : elles se réalisent dans certains abandons "durs" de l'homme aimant dit Patrick de Neuter.

    Le durcissement du coeur, mélange de masochisme et de sadisme, manifeste le retour de Thanatos.

    a) (sa) dépression ou (ma) mélancolie.

    Outre l'effet d'un même évènement traumatisant, il y a d'après Alain EHRENBERG in « La fatigue d'être soi » (4) « un rapport entre la mélancolie et la dépression, elles sont toutes deux le malheur d'une conscience de soi aiguisée à l'extrême, une conscience de n'être que soi-même. Si la mélancolie était le propre de l'homme exceptionnel, la dépression est la manifestation de la démocratisation de l'exception (p 235).

    Dans le chapitre « Mélancolie : de la grandeur d'âme au sentiment d'impuissance » l'auteur rappelle la définition de la mélancolie d'Esquirol (1819) « comme une monomanie : tristesse, abattement ou dégoût de vivre s'accompagne souvent d'un délire sur un seul thème, la raison étant conservée par ailleurs. Le mélancolique est poursuivie par une idée fixe, différente du délire général qui caractérise la manie ». La modernité a fait apparaître l'idée d'une mélancolie sans délire : « une passion triste et dépressive » sans signe de déraison. L'état mélancolique est entre le normal et le pathologique, il est une « douleur morale ».

    Pour résorber ces états « mélancoliques » issus de ruptures amoureuses les psychanalystes ne sont pas sans repères. Ils ont écrit EHRENBERG (p 139) « un outil pour compenser la fragilité narcissique c'est l'idéal du moi. L'idéal du moi est lié au narcissisme comme le surmoi est lié à l'interdiction. Le sentiment d'infériorité est au premier ce que le sentiment de culpabilité est au second. Si le surmoi invite à ne pas faire, l'idéal du moi, à l'inverse, convie à faire. »


    b) Rester humain dans la rupture : contre le durcissement du coeur!

    Si le mélancolique doit en faire moins (ne pas agir constamment pour résoudre une situation, ou conjurer une angoisse), la dépressive doit en faire plus.

    - Respect humain : Saluer l'autre, ne pas changer de trottoir reste le SMIC de la non violence.

    - La responsabilisation selon SALOME : se quitter en reconnaissant aussi auprès du partenaire tout le bon de la relation passée.

    - Envisager l'amitié . L'amitié après la rupture me parait être à la fois le moyen et le but, comme processus et comme état "conquis" . Dans un premier temps il s'agira de transformer de puissants affects amoureux en amitié, dans un second temps il s'agira de rejouir de l'autre comme ami, comme ami libre vivant avec un autre une relation importante.

    L'amitié comme processus de "sortie de crise" fait débat : les "mélancoliques" seront volontaristes en engageant d'emblée une relation qui met l'amitié au coeur de la transformation (sans confondre relation et sentiments). Les "déprimés" seront dans le "lâcher prise" et demanderont une forte baisse de l'intensité des affects et donc une période variable de sevrage avant d'envisager l'amitié.

    Christian DELARUE

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    Notes :

    1 : Ce sont des difficultés récentes qui m'ont amené à relire Eric FROMM. J'ai connu vers 23 ans une conversion spirituelle et idéologique qui me faisait abandonner dans un même mouvement l'enrôlement militaire et le christianisme familial. C'est par la lecture et les discussions que j'ai peu à peu remplacé ma conscience dogmatique d'autrefois par une conscience athée et critique.

    nb : On trouve sur le web un résumé rédigé par Yvon PESQUEUX de "Le coeur de l'homme" d'Eric Fromm

    2 Marcuse use des catégories marxistes de façon dialectique mais en demeurant dans l'abstrait. Il est cependant moins un sociologue de la domination tel Bourdieu et plus un penseur de la contradiction et de la libération. Mais les forces sociales sont très souvent absentes de son discours car la conflictualité ne met pas aux prises pas des classes sociales. Dans "Eros et civilisation" il fait appel à Freud en plus de Marx pour penser la liberté. Marcuse s'est surtout adressé à la jeunesse pour sortir de l'aliénation. Erich Fromm quand à lui cite Marx, Spinoza et Freud plus qu'il ne met en application sa méthode.

    – L'invitation à relire Marcuse n'est pas nouvelle. 

    Marcuse s'est engagé "à combattre la psychanalyse révisionniste néofreudienne à l'américaine qui visait à effacer tout ce que Freud pouvait avoir de révolutionnaire et à promouvoir une thérapeutique de fabrique d'individus « adaptés » à leur environnement en optimisant leur réseau « d'interactions humaines ». Avec plus de quarante ans d'avance, Marcuse avait bien vu tout l'enjeu de cette « adaptation » socio-culturelle : « Cet exploit intellectuel s'accomplit en édulcorant la dynamique des instincts et en réduisant la portée de la vie mentale. Ainsi purifiée, » l'âme « peut à nouveau être sauvée par une éthique et par la religion ; ainsi la théorie freudienne peut être réécrite par une philosophie de l'âme"



    L'introduction en France d'Herbert MARCUSE a pour origine la rencontre en Suisse de trois marxistes Boris FRAENKEL, Lucien GOLDMAN et Kostas AXELOS qui s'installent en France. Lucien GOLDMAN invitera Marcuse en France. Kostas AXELOS marxo-heddeguerien fonde avec Edgar MORIN la revue Argument qui intégrera les apports de Marcuse dans leurs analyses. AXELOS publiera des ouvrages de Marcuse. Boris FRAENKEL non universitaire, membre de l'OCI et connaisseur de Wilhem Reich, puis plus tard Jean-Marie BROHM, déploieront la pensée freudo-marxiste avec des recours à Luckacs et Marcuse pour une critique du sport. Emile COPFERMANN et Boris FRAENKEL produiront chez Partisans une théorie critique de la sexualité : "Sexualité et répression".

    cf. Une perspective "argumentativiste" en sociologie de la connaissance philosophique.
    Le cas de la réception française d'Herbert Marcuse.
    par Manuel QUINON
    tmquinon.pdf (Objet application/pdf)
    http://www.cess.paris4.sorbonne.fr/dossierpdf/tmquinon.pdf

     

    3 In « Amour libre » de Jean ZIN

    http://jeanzin.fr/ecorevo/psy/amourlib.htm

    4 « La fatigue d'être soi » d' Alain EHRENBERG Ed Odile Jacob 1998

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    En deux mots

     

    La philosophie résumée d'Eric FROMM :

     

    a - La critique des insuffisances de la philosophie classique :

    Est-il possible de parler d'essence humaine, de nature humaine? La question se pose sérieusement car pour E Fromm, la conception classique de l'homme pose un dilemme :

    • soit l'homme est une substance . Alors soit l'homme porte le mal en lui , soit inversement il est "homme de bien", mais il ne peut évoluer.
    • soit l'homme est en perpétuel devenir mais il n'a plus de définition.

    b - Erich FROMM propose de sortir du dilemme par une conception dialectique et matérialiste particulière:

    - Sa définition de l'humain : Ce dernier vit en permanence dans une contradiction qui prend racine dans les conditions de l'existence humaine . La contradiction est inhérente à l'espèce humaine.
    L'homme est :

    • à la fois animal et intelligent
    • à la fois dans la nature et transcendant celle-ci.

    L'homme est donc en proie à un conflit :

    - Choisir la solution positive : Ce n'est pas tout de dire que l'homme est dans le conflit, il convient d'indiquer une solution:

    - la solution régressive consiste à rejeter sa part humaine, sa conscience

    - la solution progressiste vise à développer son humanité.

    L'homme doit donc lutter contre les tendances régressives. C'est un art, une discipline. Et constamment à chaque étape de sa vie il doit faire des choix de développement humain.
    Toute personne, ou presque, est susceptible de régresser dans un état archaïque (p 173 Le cœur de l'homme)

     


  • Commentaires

    1
    Bea
    Samedi 1er Mars 2008 à 15:47
    Collusion
    La collusion est à l'origine du coup de foudre. A propos du coup de foudre, les bénéfices narcissiques sont tels qu'ils tendent à réorganiser totalement l'équilibre psychique du sujet... Ainsi la construction du couple s'établit sur une image idéalisée de l'autre . Ce n'est qu'avec les épreuves et le temps que le réel va être intégré dans le couple.
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