• Quelles fractures au sein du peuple ?

    Quelles fractures au sein du peuple ?


    Le "peuple", mot qui désigne à la fois le sujet de la politique et la classe qui en est exclue, porte en lui la fracture biopolitique fondamentale que l'Occident tente d'éliminer. L'auteur précise : "Dans les langues européennes modernes, le même mot, "peuple" (popolo en italien, pueblo en espagnol, people en anglais) désigne soit le sujet politique (le peuple souverain, le peuple en corps), soit la partie la plus déshéritée du peuple (le peuple malheureux, le menu peuple). Cette ambiguité ne procède pas du hasard, car ce que nous appelons "peuple" n'est pas un objet unitaire. C'est une oscillation entre deux pôles opposés : le corps politique intégral, et la multiplicité des corps nécessiteux et exclus."
    http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1005141851.html

    L'objet de ce texte est de s'opposer à deux visions du peuples, l'une qui le voit sans fracture, l'autre qui porte une fracture seulement par rapport aux exclus, aux plus miséreux.

    1) Le peuple sans fracture à l'heure de la fracture sociale est grande.


    Le rôle de certaines élites est de "désubstantialiser" le peuple pour masquer la lutte des classes. Pour le dire plus simplement il s'agit à tout prix de cacher son épaisseur sociale sous une abstraction démocratique, "citoyenniste", pour masquer l'existence d'une classe dominante et d'un peuple-classe dominé.

    Les politiques - au sens de ceux qui font l'opinion - aiment volontier montrer un corps politique abstrait composé de citoyens sans appartenances diverses ayant pour seule activité le fait d'aller voter pour des élus au sein d'une démocratie représentative conçu comme la seule possible ou du moins comme le meilleur existant. Tout au plus admet-on une division entre individus ayant des opinions variables . On constate aussi mais pour le critiquer des divisions entre corporations (que l'on ne nomme pas lutte des classes) ou entre communautés.

    Rabattre la fête du 1 er Mai sous revendication démocratique c'est faire injure à la spécificité de cette fête internationale des travailleurs et travailleuses, c'est faire injure à la double dimension sociale (ou socio-économique) et clivée du peuple. Masquer le social c'est aussi masquer la conflictualité de classe. C'est plus exactement intégrer cette conflictualité sociale qui caractérise le capitalisme dans le système démocratique plus interclassiste quoique toujours favorable aux dominants avec la droite mais aussi avec la gauche. Ce qui ne signifie pas que droite et gauche sont similaires et que l'élection est seulement un "piège à con".

    Cette critique doit être faite et redite. Pour autant ce peuple démocratique existe et doit être défendu mais sans excès car on l'a dit il a aussi une fonction de voilage. Il a le tort de se conformer largement au peuple-nation qui comme lui se veut interclassiste et  ignore la coupure provoquée par la guerre de classe de la bourgeoisie. C'est un tort immense. Cela fait aussi le jeu de la droite et de l'extrême-droite.


    2) Le peuple-société ou la fracture admise sur un mode marginalisé donc sans danger.



    Les élites peuvent montrer un petit peuple très dominé mais pas un très gros ! Plus est important en nombre, en taille, et plus il est menaçant pour la classe dominante.

    A) Premier type de fracture sans danger : Les "in"  de la société et les "out" hors société.

    Il y a la fracture inclus-exclus qui pose une société largement intégrée sans grand problème avec à ses marges des exclus qui doivent faire l'objet d'une politique compassionnelle. Ici pas de lutte de classe, juste de bonnes politiques sociales à mener à l'égard des grands exclus et pour certains des précaires.

    Devant la réalité du fossé qui s'accroît ces élites en arrive à poser la réalité d'un peuple dominé, qu'il disent exclus ou nécessiteux ou pauvre . Qui ne voit qu'il s'agit d'une réduction. Les autres n'aurait pas à se plaindre de la domination. Les autres ce sont dans le langage contemporain les couches moyennes qui sont au-dessus des "couches populaires".

    A l'évidence il existe des couches sociales plus avantagées que d'autres eu égard à leur revenus, pouvoir d'achat et niveau de vie. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas du "culturel". C'est de bonnes conditions de vie. De ce point de vue. C'est à dire du point du rapport social d'accès aux marchés. Par contre du point de vue de la production ces couches sociales subissent, pour certaines d'entre elles une domination. Elles doivent travailler au-delà des 35 H et souvent de façon intensive. Elles sont aussi dominantes à l'encontre des travailleurs subordonnés. Elles sont en position ambivalente.

    Ils savent faire cela. C'est que cette réalité existe. Pourquoi la nommer peuple. C'est un mystère. Pourquoi nommer peuple-classe les couches sociales les plus soumises à l'austérité et pas l'ensemble des couches sociales dominées. Après tout la notion de peuple est à priori très englobante. On ne saurait confondre l'ordre des classes et l'ordre des peuples. Chaque ordre a sa spécificité.

    B) Second type : Un peuple-classe très réduit bien différent du peuple-classe à 98%.

    La notion de peuple-classe est liée à l'étude du peuple et du populisme. Elle ne se rattache pas ici à l'étude du peuple-juif. Dans ce cadre on trouve deux formats du peuple-classe. Il y a la notion réduite de peuple-classe qui est développée par Yves MENY et Yves SUREL et la notion large excluant seulement la classe dominante qui est défendue par Christian DELARUE du MRAP et d'ATTAC.

    Par ailleurs, dans un autre cadre, des auteurs parlent de couches populaires dépossédées au cœur du peuple. On sort donc de la distinction inclus-exclus (évoquée en A). Les dites couches populaires sont les ouvriers mal payés et les petits employés précarisés. Ils peuvent être des fonctionnaires mais le plus souvent ce sont des travailleurs modestes du privé. En terme de chiffre, cela donne autour de 55% de la population. Là encore le chiffre est approximatif.

    On notera que les couches dites moyennes ou les petites-bourgeoisies ne font pas partie du peuple d'en-bas. Ce qui montre une volonté d'ignorer la classe dominante et de masquer la frontière entre elle et les couches aisées mais dominées.

    Il y a donc une critique à porter. Il y a en effet un paradoxe à évoquer sous le nom de peuple un en-bas restreint (qui est certes le plus dominé) mais de ne rien dire d'un peuple dominé plus large qui atteint aujourd'hui 98 % de la population. Le chiffre n'est pas un absolu mais une donnée approximative. Il peut être plus étroit ou plus vaste mais il tourne autour de ce niveau très important.
    Le peuple-classe a 98 % n'est pas un peuple-classe réduit à 20 ou même 55 %. Un peuple-classe large pose d'emblée la question de l'alliance des dominés contre la classe dominante intérieure (nationale) à 2%. Elle permet l'offensive contre les classes dominantes externes en Europe ou au plan mondial.

    Christian DELARUE


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