• Carte du tendre et choix du partenaire avec Colette CHILAND et Danielle BASTIEN

    "CARTE DU TENDRE" ET CHOIX DU PARTENAIRE

    Les deux courants de la "carte du tendre" posent souvent problème mais sont aussi source de joies. La lecture de Colette CHILAND et Danielle BASTIEN aide à comprendre les enjeux de nos rencontres loin d'une idéologie de l'amour désincarné.

    Christian DELARUE 


    1) Colette CHILAND

    Un des thèmes du livre "Le sexe mène le monde" de Colette CHILAND porte sur la "love map"



    Colette CHILAND aborde (1) la question (mystérieuse) du choix du partenaire et son propos est des plus intéressants. Nous ne suivons pas nécessairement les positions de l'auteur sur tous les thèmes abordés par ailleurs mais les précisions fournies sur la "carte du tendre" viennent donner du sens à des comportements courants. Ils ont une portée explicative forte.

    Ses réflexions sont celle d'une psychanalyste, qui rappelle que la sexualité humaine est d'abord une psychosexualité. Au contraire des sexologues, qui traitent les troubles du comportement sexuel, les psychanalystes, en effet, parlent d'une sexualité indissociable du psychisme parce que précisément elle organise celui-ci.

    A propos du choix du partenaire Colette Chiland évoque ici les travaux de John Money, les “sexual maps”, la “carte sexuelle” ou “carte du tendre” qui, comme ne l'indique pas son nom, ne concerne pas seulement l'aspect tendre de la de la sexualité et de la relation sexuelle, mais aussi son aspect sexuel, érotique. Une carte a deux faces donc.

    L'enjeu est double d'une part le "fonctionnement" tendanciellement différent de la "carte du tendre" chez l'homme et chez la femme et d'autre part l'ajustement des cartes dans le choix du partenaire. L'ensemble de la problèmatique de la "carte du tendre" explique la qualité ou l'insuffisance des rencontres de qualité comme les deuils difficiles.

    Ainsi que le remarque Jean-François Rabain (2) Collette Chiliand réconcilie Freud et Bowlby : la satisfaction pulsionnelle cherchant l'objet, la figure d'attachement, et non seulement la pure décharge mécanique. Elle montre, par
    ailleurs, qu'il n'existe pas d'amour aussi bienveillant soit-il qui ne soit mêlé d'ambivalence. L'ambivalence dans son inéluctabilité est pour les freudiens une “conséquence” de la dernière théorie des pulsions, Freud décrivant une force de déliaison à l'œuvre associée à une force de liaison. Face à Thanatos, face aux forces de destruction, Eros, Philia et Agapé “représentent notre espérance”.


    1) Colette Chiland, "Le sexe mène le monde" Éditions Odile Jacob, 1999.
    2) Note de lecture de Jean-François Rabain
    http://www.carnetpsy.com/archives/ouvrages/Items/cp46a.htm

     Pour aller plus loin à propos de la "carte du tendre" comme pièce maîtresse de la relation hétérosexuelle ou homosexuelle:

    2) Danielle BASTIEN

    dans son article "Le scandale du féminin" dans l'ouvrage collectif "Clinique du couple" ERES

     

    "Freud nous invite à penser les courants tendres et sensuels associés chez les femmes et plus volontiers dissociés chez les hommes" écrit Danielle BASTIEN

    Cette observation explique un certain décalage entre les hommes et les femmes dans les rencontres intimes. Cela explique aussi le sentiment intense de bonheur lorsqu'un homme voit s'unifier pleinement sa carte du tendre qu'il avait auparavant plus ou moins clivée. Ce bonheur se retrouve chez les femmes qui connaissent le désir "comme effet d'un amour inaugural"

    Danielle BASTIEN décrit ensuite les différentes formes de dissociation de la plus "soft" à la plus radicale :

    "CHEZ LES HOMMES en effet, pour qui, enfant, la mère à la fois incarne à la fois l'attachement tendre pré-oedipien pour devenir ensuite l'objet visé par le courant sensuel du désir oedipien, ce qui sera la plupart du temps problématique, c'est de voir rassemblés ces deux courants chez une femme : leur épouse, leur compagne, à la fois amante et mère des enfants. Se voit ainsi classiquement expliqué, voire justifié, le clivage mère / putain qui pousse certains hommes, sans doute nombreux, à dissocier aussi dans leur vie réelle les deux courants sous des modalités diverses :

    - celle de l'épouse et de la maïtresse clandestine, maïtresse qui attendra très longtemps de pouvoir prendre la place de l'épouse, alors que précisément si la situation est structurée sur ce mode, c'est pour dissocier ces deux figures et pas seulement pour varier les plaisirs.

    - Il y a aussi la figure de l'épouse et du recours aux prostituées ;

    - de l'épouse et des aventures multiples et répétitives annexes ;

    - voire dans une version plus moderne, de l'épouse et de l'utilisation d'Internet.

    Tout ceci venant une fois encore reproduire la même configuration : d'un côté, l'épouse respectable, idéalisée et éventuellement mère des enfants ; de l'autre, les femmes objet de désir". .../...

    La carte du tendre hyperclivée fournit une explication sur les déterminants masqués de "l'amour vrai". En fait La carte du tendre hyperclivée explique le caractère idéologique de l'amour désincarné de certains philosophes ou psychologues.

    Reprenons le propos de Danille BASTIEN : "Chez certains hommes d'ailleurs, dans une version encore plus radicale, c'est la dissociation obligatoire qui s'imposera : ils ne pourront aimer que celles qu'il ne désirent pas et ne désirer que celles qu'ils n'aiment pas. Dans une version plus symptomatique, des difficultés sexuelles, voire l'impuissance, apparaîtront dans un des couples, alors que pourra advenir une puissance sexuelle avec l'autre. On comprend dès à présent à quel point l'harmonie conjugale est si peu souvent aisée.

    CHEZ LES FEMMES par contre, c'est le clivage, tel qu'il a été conceptualisé par Freud et puis par Lacan, qui sera insupportable. Il le sera parce que l'amour seul pourra être le voile imaginaire qui permet de masquer la crudité du désir. Voilà aussi pourquoi la passion amoureuse est tellement valorisée et recherchée par les femmes.

    Celle-ci constituerait une sorte de preuve majeure, pour la femme, qu'elle est non seulement aimée et désirée, mais bien plus, aimée au point de devenir la seule et l'unique qui puisse susciter la force de ce sentiment. Ce qui est en effet très loin, voire opposé à l'objectalisation précédemment décrite, où elle ne serait "qu'un petit bout de corps". L'un - l'amour ou la passion -, proposent ces auteurs, permettant l'autre - le fait d'être objectalisée."

     


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