• La gauche et la diversité

    La gauche et la diversité

    La diversité et la gauche.

    La gauche, ce serait le camp politique des partis qui incitent à penser (Lire Isabelle Stengers dans Mouvement).

    La diversité a plusieurs contenus. Ici sous ce nom on évoquera trois types de "diversité", celle culturelle, celle "colorée", celle religieuse.

    A propos de la diversité religieuse. Un nouveau discriminant est apparu ces dernières années pour clarifier la situation concernant les rapports entre les musulmans et les autres. En effet, la première critique qui portait sur le voile islamique pouvait être porté tout à la fois par l’extrême-droite, la droite et par la gauche et au sein de l’extrême-gauche. Cela signifiait que les critiques pouvaient être différentes et s’inscrire dans une configuration idéologique différente. Il est évident que certaines critiques du voile n’entendaient pas stigmatiser l’ensemble des musulmans alors que pour d’autres ce n’était là que la première pierre lancée et que la charge critique était plus globale. A vrai dire il y a un continuum critique entre ces deux positions extrêmes. Ce qui est apparu ces dernières années comme discriminants nouveaux ce sont d’une part la critique anti-minarets venu de Suisse mais assez bien rediffusée en France et d’autre part la critique du commerce viande hallal et enfin la critique de la prière dans la rue.

    Il est assez net que la critique anti-minarets et celle anti-hallal n’a guère eu d’écho à gauche. Autrement dit ceux et celles qui à gauche critiquaient le voile islamique ne se sont pas ou peu investis dans une critique anti-minarets ou anti-hallal. S’agissant de la prière dans la rue la chose est moins tranchée. Pour le dire franchement, la gauche française habituée à une certaine sécularisation (ou laïcisation) de la vie religieuse (1) qui autorisait certes de rares processions était gênée par ces prières massives et régulières dans quelques grandes villes (2). Mais la gêne ne signifiait pas pour autant intolérance généralisée, les faits étant encore limités. Avant que l’habitude des prières dans la rue ne s’instaure ailleurs, l’idée est apparu de trouver une solution. Pour la gauche c’est plutôt sortir de "l’islam des caves" et de "l’islam de la rue". Le problème est alors le comment ? (3) Pour l’extrême-droite c’est le refoulement hors de France et pour la droite c’est l’intégration avec la fameuse distinction" Islam de France" ou Islam en France" avec l’intervention malheureuse de Sarkozy.

    Sur la diversité culturelle. La gauche gouvernementale au pouvoir depuis 1981 (avec les écologistes par moment) a procédé à un certain nombre de réformes pour que soit reconnu les cultures locales, les écrivains régionalistes, les manifestations artistiques locales. Elle est intervenue pour faciliter l’apprentissage des langues régionales et pour intégrer l’expression linguistique régionale dans un cadre public notamment sur les panneaux de circulation. Le bilan ne semble pas mauvais sur ces points. Des améliorations sont certes concevables sur certains points.

    Par rapport à la diversité "colorée" (la couleur de peau et celle du nom), il importe d’être plus offensif contre les discriminations à l’emploi, au logement et dans d’autres secteurs, y compris pour les jeunes à l’accès aux discothèques. Ce dernier point n’est pas un détail car il touche les jeunes qui font tôt l’expérience du racisme. La gauche est plus offensive que la droite sur ce créneau. Il reste des tâches à accomplir. Cependant, il est assez surprenant de trouver à gauche des gens pour soutenir E Zemmour. Il parait difficile d’avoir un positionnement raciste et de vouloir mener une politique offensive contre les discriminations racistes. Bien sûr, il y a eu soutien et soutien. Entre dire simplement comme un certain nombre de gens de gauche "il dit une bêtise et ferait mieux de le reconnaitre" et participer à une solidarité organisée avant le procès il y a un fossé (4). Le pire étant le second fossé. Pointons avec cette image ceux qui comme Thierry Mariani ont trouvé le moyen de persévérer dans l’erreur et l’illégalité en soutenant Zemmour. Cet individu devrait quitter ses fonctions politiques dans la République.

    Christian Delarue

    26 février 2011 sur AELP.

    Addendum (1 mars 2011)

    A propos de ce texte divers commentaires ont porté sur tel ou tel point particulier. Ces points outrepassent l’objet fixé. Je ne l’ai donc pas modifié mais j’ai ajouté les notes ci-dessous.

    1) J Bauberot historien de la laïcité distingue le processus de la sécularisation de la laicisation. Il écrit : "L’étude du cas français (et le fait que les sociologues se plaignent régulièrement de l’extension trop vaste donnée à la notion de sécularisation) conduit à distinguer plus structurellement deux notions, celle de sécularisation et celle de laïcisation. Plus circonscrite, la sécularisation concernerait avant tout le rôle de la dynamique sociale et impliquerait une relative perte de pertinence sociale, culturelle (et, en conséquence, individuelle) des univers religieux par rapport à la culture commune (ce qui n’est pas, d’ailleurs, sans impact sur les institutions). Ceux-ci sont moins (ou ne sont plus) des cadres normatifs orientant les conduites sociales dans de nombreux secteurs. La laïcisation, en revanche, concerne avant tout la place et le rôle social de la religion dans le champ institutionnel, la diversification et les mutations sociale de ce champ en relation avec l’Etat et le politique (et aussi la société civile)." Aujourd’hui les termes sont de plus en plus confondus mais l’emploi de laicisation semble plus courant bien qu’employé à tort. En fait, au-delà des types de processus historiques observés, cette problématique renvoie à la forte déprivatisation de l’espace public par la religion catholique en France. Lire ici Henri Pena-Ruiz.

    2) Comme me l’a fait remarquer un fort sympathique collègue c’est plus l’effet des photos, films diffusés (ne voir quasiment que des hommes) et propos rapportés (sexistes à l’encontre des passantes) avec plus ou moins de véracité que le simple souci du domaine public qui à joué. C’est sans doute vrai. Mais c’est ainsi.

    3) Par exemple le MRAP n’a pas de position officielle sur ce point. Grosso modo pour l’heure, dans la société, il se dessine trois positions (et des variantes) : modifier la loi de 1905 versus Sarkozy (intégration de l’islam), ne rien toucher à la loi (ce qui ne signifie pas position unique), modifier la loi pour financer des mosquées. On saura rapidement les positions des uns et des autres.

    4) Remarque faite à ce propos : la prudence à tenir dans l’emploi du terme raciste qui en cas d’erreur peut se retourner contre l’accusateur. Un cas récent en témoigne. Mais beaucoup sont moins "prudents" pour tenir des propos à la Zemmour !


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