• Laicité et racisme

    LAÏCITÉ ET RACISME

    A propos de quelques débats dans l'antiracisme


    Si la laïcité peut être l'alibi du racisme, l'accusation de racisme peut servir aussi à faire reculer la laïcité et à permettre l'emprise du religieux dans la société.

    1) La laïcité raciste existe.

    "Il est évident écrit Maxime Rodinson que quelque racisme se mêle chez beaucoup à la mobilisation laïque" (1). Effectivement, il existe bien une laïcité a géométrie variable qui systématiquement orientée sur la critique de l'islam se montre singulièrement protectrice à l'égard de la religion chrétienne notamment catholique en France. Ce type de laïcité doit être condamné. Le problème est que cette condamnation peut venir de plusieurs sortes d'orientations en matière de laïcité, l'une de la laïcité ouverte l'autre de la laïcité stricte auquel au peut ajouter la critique issue de la "mentalité laïque".

    Le point suivant constitue une opinion différente du CA du MRAP. Je développe donc un peu plus mais je reste plus bref qu'à l'ordinaire.

    2) L'accusation de racisme peut servir d'alibi pour faire reculer la laïcité et permettre le renforcement de l'emprise du religieux dans la société.

    Tout ce qui est critique de la religion n'est pas raciste or les laïques "ouverts" refusent la critique des signes religieux ostensibles et surtout la critique du voile islamique. La chose n'est pas récente puisque déjà en 1989 le même Maxime Rodinson écrivait (1) "Il ne faut pas brimer les porteurs de divers vêtements . Mais il faut être très vigilants envers le communautarisme". Il ajoute plus loin "proscrirait-on ici ou là la culotte tyrolienne ou la jupe écossaise" Comme si tous les vêtement relevaient la "diversité culturelle" de façon indistincte. Il est évident que chacun et chacune doit pouvoir s'habiller comme il veut mais il est tout aussi certain que des pressions sociales de nature religieuse poussent à certaines vestimentations et que cela n'est surtout pas neutre tant au plan global qu'au plan relationnel. Ce n'est pas une simple question de forme, de couleur ou de taille. Il s'agit de la signification intrinsèque du vêtement hors sa signification subjective (que l'on ne connait pas le plus souvent) . Certains vêtements s'inscrivent dans une dimension religieuse offensive et parfois dans une dimension sexiste, et ce dès le plus jeune âge . Il n'y a donc pas lieu de se priver de critique . Il faut préciser, et ce n'est pas un détail, que ce n'est pas la religion qui est visée mais un de ses usages. Chacun adopte la religion qu'il veut ou aucune. Ce point est une question de liberté fondamentale. Par contre l'expression extérieure de la religion n'est pas neutre.La laïcité institue un espace neutre, respectueux et pacifique fort différent de la tolérance unilatérale ou du multiculturalisme religieux.

    Lorsque le caractère religieux est reconnu se pose alors deux autres questions : 1) s'agit-il d'un geste autonome ou d'un comportement obligé, 2) quel est la signification subjective par rapport à la signification objective. Les partisans de la laïcité minimale affirment tantôt la polysémie du voile - ce qui masque les significations objectives réelles qui relèvent de deux champs qui sont d'une part l'affirmation intempestive du religieux et d'autre part l'enfermement de la femme face à la concupiscence des hommes - tantôt la pente raciste en évoquant la lepénisation des esprits et même le racisme franc et net lorsque la question de la spécificité de la discrimination religieuse est abordé, notamment avec l'argument que toutes les différences ne sont pas admissibles et tolérables.

    3) Le cas de la burka ou du niqab.

    Ce bâchage des femmes est révoltant: vivre dans un monde laique, vivre sans oppression sexiste. Mais les mesures de protection ne vont pas de soi sur deux plans:
    - le régistre républicain-national d'exclusion qui ici distingue le "eux" du "nous" qui se trouve activé y compris chez les critiques ordinaires de la nation et du nationalisme, mais sur la modalité des valeurs communes à promouvoir. Radicalement chez des antifascistes et antiracistes il y a bien cet idée que le port de la burka n'est pas admissible et tolérable partout donc par défaut en quelque sorte "chez nous".
    Le "chez nous" peut être national ou européen. En fait il est intolérable partout, puisque la laïcité et le droit des femmes est un combat mondial mais la situation concrète justifie une territorialisation du combat. Une telle option ne signifie d'ailleurs pas passage avec armes et bagages ni du côté du racisme islamophobique ni du côté de "l'unilatéralisme du gouvernement des USA" (2). Nous ne somme pas plus du côté de "la tentation de construire une « Forteresse Europe » culturellement homogène" (2). La diversité mais dans la laïcité.
    - le registre de la discrimination : la loi antiraciste énumère les différents types de discriminations à combattre dont la discrimination religieuse. Et s'il fallait faire des distinctions ? Toutes les différences doivent-elles être protégées en tout lieu et en toute occasion ? Un retour sur la loi de 1972?

    4) Toute la diversité partout sur la planète mais sans l'offensive généralisé du religieux.

    La religion exhibée - voile ou kippa - est un outil de reconquête religieuse de l'espace qui n'a rien à voir avec le respect mutuel ou la rencontre pacifique. La paix et le respect relève de la mentalité laique, laquelle respecte le sentiment religieux (tout comme les sentiments spirituels athées). "La laïcité n'est pas l'organisation du combat contre les religions" mais cependant elle n'accepte pas les excès du religieux "en retour". Elle pose un ordre de paix et de respect mutuel. Cela diffère de la laicité ouverte qui autorise la tolérance unilatérale et donc l'oppression du religieux intempestif contre tous ceux - croyants ou non - que cet affichage ostensible indispose.


    Christian Delarue


    Article paru dans Le Monde le 1/12/1989 dans un passage intitulé "le cauchemar de Jasienski"


    1) Article paru dans Le Monde le 1/12/1989 dans un passage intitulé "le cauchemar de Jasienski"

    2) Du bon usage de la laïcité sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso (laicité ouverte)

    http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6691



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