• Odette NILES.

    Elle était la «fiancée» de Guy Môquet, jeune fusillé starisé par Sarkozy. A 84 ans, elle reste communiste et militante.
    DIDIER ARNAUD

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    C'est une dame dont les amis ont donné leurs noms à des rues, des écoles et des gymnases du 9-3. Jean-Pierre Timbaud (elle dit «Tintin»), Danielle Casanova. Et Guy Môquet. Depuis qu'on a lu sa lettre (à lui), on a beaucoup parlé d'elle. La presse l'a transformée en anecdote. C'est la «fiancée» du fusillé. Au camp de Châteaubriant (Loire-Atlantique), quelques semaines avant de mourir, en 1941, il lui a demandé «un patin». Elle ne savait même pas ce que c'était. Il la surnommait «Epinard», nom d'un cheval qui gagnait tout à l'époque, parce qu'elle était bonne à la course. Il lui a donné une bague taillée dans une pièce de monnaie. Sur les photos, elle est belle. Lui aussi.

    Dans la vie d'aujourd'hui, elle n'a pas vieilli. Odette Nilès, 84 ans, est d'abord une petite voix un peu nasillarde qui répond au téléphone sans reprendre son souffle. Quand on l'appelle, elle vous lâche un «vous vous réveillez tard».Chemisier noir et blanc, cheveux gris et lunettes, elle ouvre la porte de son pavillon de Drancy. Cette maison, son mari et son beau-frère l'ont construite de leurs mains, sur ce terrain vague où elle pêchait les écrevisses quand elle était gamine. C'est devenu une impasse coquette, à un quart d'heure à pied du terminus du métro Bobigny. Elle y vit seule. Enfin presque, son petit-fils occupe l'autre aile. Tous les matins, elle conduit ses arrière-petits-enfants à l'école. Le petit-fils lui apporte le Parisien. Elle, c'est plutôt une dose quotidienne de l'Huma. Les communistes, elle ne les abandonnera jamais. «Il faut lutter, dit-elle. Quand on quitte, ça veut dire qu'on abandonne. Je désapprouve tous ceux qui abandonnent, même à l'heure actuelle.» Car Odette est communiste.

    Le jour où le président fraîchement élu a déclaré sa flamme à Guy Môquet, les yeux embués, à Boulogne, au mur des fusillés de la Résistance, elle était devant sa télé. Pas conviée, Odette. Comme Jacqueline, la fille de «Tintin». Le carton est arrivé le lendemain. «C'était comme si on nous disait : vous êtes invitées, mais ne venez pas.» Le président de la République, elle l'a trouvé «gonflé». «La veille, des enfants étaient encore expulsés du territoire français.» En octobre, elle ne s'est pas rendue au lycée Carnot où on lisait la lettre. Beaucoup de gens savaient qu'Odette avait été internée pendant la guerre. Personne ne connaissait sa parenthèse amoureuse. Sauf son mari, Maurice, figure de la Résistance, maire de Drancy pendant trente-sept ans. C'est à Bordeaux, à la fin de la guerre, qu'Odette l'a rencontré. Responsable FTP (francs-tireurs et partisans) de la zone Sud, elle l'épousera peu après. Leur fils, ils l'ont appelé Claude-Guy.

    Odette est une vraie fille de la banlieue rouge. Parents communistes, engagement chez les Jeunes Amis du secours rouge et à l'Union des jeunes filles de France. Ses modèles, elle les a collectionnés en effigies de timbres qu'on distribuait chaque mois aux gamins de l'époque. Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht. «Quand on est jeunes, on a besoin d'avoir des héros», dit Odette. Premières armes dans la résistance à 17 ans. Elle distribue des tracts, colle des affiches, participe aux manifestations antiallemandes, renseigne sur les usines occupées. «Il fallait réveiller la population, qui était amorphe et avait très peur», dit-elle. L'engagement est malaisé : les voisins se méfient, les policiers perquisitionnent souvent chez eux. A 18 ans, en allant à une manifestation à Richelieu-Drouot où elle a rendez-vous avec Daniel Casanova, elle se fait arrêter. «On n'avait pas trop l'expérience de la clandestinité. On a dû être dénoncés.»A la prison de la Roquette, elle découvre un monde. Elle avoue aussi sa naïveté. Son enfance est cette période où les filles sont très «tenues». «On sortait toujours avec la mère de l'une d'entre nous.» Elle découvre ce qu'est un «jules». Elle explique que les femmes devaient se laver habillées, et que les prisonnières politiques ont fait changer cela en montrant leurs seins.

    De retour à la vie civile après trois ans de détention dans plusieurs camps, les Nilès se marient. Puis s'installent à Drancy. Il est nommé adjoint au maire ; elle, conseillère municipale. Odette rejoint la mairie d'Aubervilliers pour y être responsable des jeunes et des colonies de vacances. «La fin de la guerre, c'était pas une période joyeuse, dit Odette. Moi qui suis sensible, qui n'aime pas voir tuer un poulet...» Des collaborateurs sont arrêtés, fusillés. Dans l'ancienne mairie de Pierre Laval, «le climat était difficile», dit diplomatiquement Odette. Là, les gens se méfient d'elle. «Ça m'a été très pénible.» Elle qui avait l'habitude d'une «certaine camaraderie» se trouve projetée dans l'ambiance des coups bas. Elle fait une croix sur ses rêves de devenir professeure de gym.

    Une collègue se souvient d'une belle et grande femme qui en impose. «Pas une responsable de service comme les autres, avec une dimension humaine.» On connaît son passé, son caractère bien trempé. Elle ne supporte pas de voir les animatrices boire du café devant les enfants sans rien leur proposer les jours de neige. Militer leur cause des ennuis. Pendant la guerre d'Algérie, les Nilès reçoivent des coups de fils de menace de l'OAS en pleine nuit. Il n'est pas souvent là. Elle le regrette sans trop le dire. Elle mène sa vie de son côté, indépendante. Elle va rarement à la mairie. Maurice la tance gentiment : «Mon mari m'a dit : "Tu viens, sinon les gars vont croire que je suis veuf !"» Même si, ensemble, ils forment un couple très uni. Jusqu'à sa mort, en 2001.

    Elle voudrait oublier la guerre. Son association, l'Amicale de Châteaubriant, la ramène à cela. Une dame - l'ancien agent de liaison de Jacques Duclos - téléphone deux fois par semaine depuis sa maison de retraite où elle s'ennuie à mourir. Odette Nilès se rend dans les lycées et collèges pour raconter ce qu'elle nomme sa «petite histoire». Elle veut que cela serve à quelque chose, rappeler qu'on a «oublié les femmes qui ont fait beaucoup pendant la guerre». Mais elle n'en rajoute pas. «C'est quelqu'un qui nous relie», dit une ancienne collègue de travail. «On honore assez tardivement cette phase de l'histoire, mais on n'est pas des héros», dit Odette. Elle tient cette philosophie : «Ça vous montre que la vie n'est pas faite que de choses bien. On a toujours besoin de lutter pour arriver à quelque chose. C'est une leçon de vie.» Elle reste pudique sur le mal que lui fait la débandade du parti. Une de ses vieilles copines dit que les militants ont été «abusés», notamment sur le rôle de la Russie.

    Quand Odette ne parle pas de ses histoires de la guerre, elle se promène en forêt, lit des policiers («Il faut que ce soit du rapide») et des Agatha Christie. Elle apprécie aussi les documentaires sur la vie des gens et elle tambouille pour ses petits-enfants, qui n'ont jamais le temps de cuisiner. Elle a une santé de fer. Dit qu'elle va moins bien depuis qu'elle a eu son accident vasculaire cérébral. «Je regardais les infos dans le fauteuil, je suis tombée dans le coma.» Elle aimerait faire venir le slameur Grand Corps malade au théâtre de Châteaubriant pour la prochaine commémoration de la fusillade.

    Très résistante
    LIBERATION QUOTIDIEN : vendredi 4 janvier 2008

    http://www.liberation.fr/transversales/portraits/301659.FR.php

     




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  • L'ALTERMONDIALISATION N'EST PAS L'ALTERMONDIALISME!

     

    <o:p>sur le site altermonde-sans-frontière:</o:p>

    http://altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article1333



    Il y a peu le débat portait sur anti-mondialisation ou/et altermondialisation avec sa variante anti-mondialiste ou/et altermondialiste . Il perdure mais un autre débat se fait plus incisif : altermondialisation / altermondialisme. Relativement mélangées dans la pratique ces deux notions sont différentes dans la théorie. Brève explication.

    <o:p> </o:p>

    Ainsi qu'il a déjà été souligné "Les grandes mobilisations (Seattle, Gênes, Evian) contre les décideurs de la planète, les forums sociaux (comme Porto Alegre), regroupent des forces très diverses non exemptes de contradictions. Néanmoins, ils fédèrent les résistances aux politiques néolibérales et élaborent des propositions" (1). Cette diversité est une force qui ne doit pas faire l'objet de sectarisme. Il convient d'en saisir toute la force pour éviter de tomber dans ce travers.

    <o:p> </o:p>

    François Houtart comme tant d'autres appuie ce fait : "Petits producteurs de coton de l'Afrique de l'Ouest, peuples autochtones du Chiapas ou d'Equateur, paysans sans terre du Brésil, « pauvres urbains » de Bangkok, consommateurs d'eau de Cochabamba (Bolivie) ou de Sri Lanka, femmes du secteur informel portant le poids de la survie familiale, chômeurs de longue durée, nouveaux nomades que sont les migrants... Tous sont soumis à la même loi de la valeur, mais tous, à travers des modalités différentes, ont été vulnérabilisés. Les uns par les relations salariales avec le capital, les autres par le biais de mécanismes d'ordre financier et juridique auxquels la globalisation de l'économie a ajouté une dimension insoupçonnée : prépondérance du capital financier, poids de la dette, paradis fiscaux, taux d'intérêt astronomiques, programmes d'ajustement structurel, atrophie de l'Etat social, règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), etc. La sous-traitance s'est accrue dans les périphéries, la dérégulation, la diminution de la couverture sociale et parfois celle des salaires réels sont devenues la règle. Ces trente années d'offensives contre le travail et contre l'Etat pour accélérer l'accumulation du capital (en suivant les préceptes du Consensus de Washington), ces dix ans de néolibéralisme triomphant après la chute du mur de Berlin ont créé de nouvelles conditions de luttes sociales.

    <o:p> </o:p>

    Cette diversité est aussi une faiblesse car les convergences y sont difficiles et les courants modérés s'affrontent aux courants plus radicaux. François Houtart souligne d'ailleurs l'aspect fragmenté comme première difficulté : "Face à la concentration des décisions économiques, ces luttes sont restées d'autant plus fragmentées, dans un premier temps, que l'échec du « socialisme réel », les faiblesses de la gauche existante, le « verticalisme » du fonctionnement des partis, l'extinction des partis communistes et les compromissions de la social-démocratie ont réduit la crédibilité des acteurs traditionnels de la contestation". Du coup, "Faire converger des éléments de résistance aussi hétérogènes n'était pas chose évidente. Si la base de tels rassemblements est clairement exprimée dans la charte du FSM de Porto Alegre, la grande diversité géographique, sectorielle et culturelle de ceux qui luttent contre le néolibéralisme et recherchent d'autres voies fait à la fois leur force et leur faiblesse. Il faut y ajouter, partout dans le monde, la tendance à prendre ses distances vis-à-vis des formes organisées de résistance et à privilégier les initiatives spontanées. C'est notamment le cas de nombreux jeunes participant aux forums".

    - L'altermondialisation mouvementiste... 

    <o:p> </o:p>

    Il est évident que "La création d'un discours politique alternatif ne va pas sans contradictions ni tensions". "Les solutions proposées oscillent entre « humaniser » le marché capitaliste ou le « remplacer » par une autre logique". Certains s'inscrivent dans un processus déconnecté du but : ils se contentent d'un monde "meilleur" car ce qui compte ce sont les pratiques très sectorielles qui ici et là se démarquent du modèle dominant sous tel ou tel aspect. Cette stratégie - dite mouvementiste (bouger sur une courte vue voire bouger pour bouger) - des "petits pas" ne s'inscrit pas nécessairement (souvent mais pas toujours) dans la "fin de l'histoire" de Fukuyama ou dans le "no alternativ" de Mme Margaret Thatcher. C'est bien pourquoi le sectarisme n'est pas de mise.

    - ...avec l'altermondialisme de rupture pour "autre monde"

    Cette stratégie d'ouverture est nécessaire au "mouvement des mouvements" mais elle ne saurait suffire ou prétendre constituer à elle seule l'armature stratégique du mouvement. En effet, tout un courant, lui-même très composite, porte une dynamique non pas d'altermondialisation mais d'altermondialisme conséquent. Autrement dit, ce militantisme agit pour un but précis, une perspective d'alternative globale au capitalime. Ses partisans agissent pour un "autre monde" radicalement différent de celui-ci et non pour celui-ci légèrement amélioré ici ou là. Certains veulent un postcapitalisme non productiviste décroissant, d'autres un écosocialisme, d'autres encore militent pour le sociétalisme dans sa version non capitaliste.

    <o:p> </o:p>

    Ce qui change des configurations militantes antérieures c'est l'effort réel accompli pour militer ensemble. Car changer le monde ne saurait se payer de mots. Il faut agir ensemble mais sans se cacher les désaccords. Sans opportunisme ni sectarisme mais pour être efficace, le mouvement doit avancer dans l'action et le débat sur des contenus.

    <o:p> </o:p>

    Christian DELARUE

    <o:p> </o:p>

    1) François Houtart

    http://www.monde-diplomatique.fr/2003/11/HOUTART/10661


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  • FSM 2008 : ALTERMONDIALISTES, PARLONS CLAIREMENT POUR RESISTER, POUR ALLER VERS UN AUTRE MONDE !

    Le texte ici rapporté a été écrit sous un autre titre dans un autre contexte par Stephen Bouquin (*), mais il est adapté (sauf les passages de la fin sur parti/mouvement) comme une des expression de l'altermondialisme.


    http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article59393

    On ne pourra résister à l'offensive du MEDEF, de Sarkozy, qu'en parlant clairement. Pour maintenir ce système, il applique les mêmes recettes : diviser pour régner ; la carotte et le bâton.

    J'étais il y a quelques mois en Amérique Latine et ce qui m'a frappé là-bas, c'est la clarté du langage politique. A gauche, on n'a pas peur d'employer certains mots. Ici, on parle de transformation sociale, là-bas, de révolution. Ce n'est pas du grand soir que l'on parle mais d'un processus, qui implique néanmoins une rupture. Un saut qualitatif si on veut. D'où les constituantes en Bolivie, en Equateur et il y a une dizaine d'années, au Venezuela. Ici, on parle de nantis, d'élites, là-bas on nomme l'adversaire avec clarté ; c'est l'oligarchie, la bourgeoisie.

    - A FORCE DE NUANCER ON DEVIENT INAUDIBLE

    Ici un tel langage sera rapidement qualifié de « langue de bois ». Pourquoi ? Parce que ce langage est faux ? Non, parce qu'il a perdu sa crédibilité lorsque les actes posés contredisaient les mots. Bref, quand la gauche n'a pas tenu ses engagements, au pouvoir mais aussi dans les luttes. La « langue de bois », c'est aussi manquer de nuances, certes, mais à force de nuancer, on devient inaudible. Sur la défensive, la gauche a tenté de changer de vocabulaire, de renommer les choses autrement afin de contourner la disqualification dont elle est l'objet. Même dans la gauche radicale, ce phénomène s'est développé. On ne parle plus de nationalisations mais d'appropriation sociale. On parle de souffrance au travail et non d'aliénation, d'exploitation. Je ne vais pas en faire l'inventaire ici ce serait trop long. Mais je pense que notre langage a été saturé par des euphémismes, ce qui tend à le rendre incompréhensible. Or, en face, avec ou sans Sarkozy, on avance masqué, on ment, on trompe, on détourne l'attention. Et si on veut démasquer les mensonges de la droite, il faut parler clairement, il ne faut pas avoir peur d'être caricatural. D'autant que les actes sont là : oui il y a bien une lutte des classes et elle se mène de deux côtés.

    C'est mon premier point : on ne pourra résister à l'offensive du MEDEF, de Sarkozy, qu'en parlant clairement.

    - PAUPERISER, MARCHANDISER, DESOLIDARISER

    Le capitalisme ne surmonte ses crises périodiques que par une fuite en avant, l'accumulation du capital a besoin de paupériser les classes laborieuses ; le capitalisme a besoin de nouvelles marchandises et va donc marchandiser la terre, l'eau, l'oxygène que l'on respire (je pense aux droits de pollution qui s'achètent et se vendent) ; le corps, le cerveau, c'était déjà le cas sous la forme de la force de travail. Maintenant, cela va plus loin.

    Pour maintenir ce système, il applique les mêmes recettes : diviser pour régner ; la carotte et le bâton. La « carotte », pour moi, c'est la féerie marchande (Marx parlait du fétichisme de la marchandise) qui répond à l'aspiration de bien vivre par une consommation aliénante. La jeunesse, le monde ouvrier aussi, sont soumis à cette offensive culturelle où les objets de consommation de luxe sont les uniques marqueurs de l'existence sociale. Et puis il y a le bâton, pas seulement les CRS mais aussi la sanction sociale, la stigmatisation des faibles, des pauvres, comme parasites, les loosers, les handicapés sociaux. L'incantation de la valeur travail sert a nous désolidariser les uns des autres. Avec la valeur travail façon Sarkozy, on occupe la position sur l'échelle sociale que l'on mérite... Bref, l'hiérarchisation sociale est une donnée naturelle et la compétition un facteur de dynamisme, de sélection. En haut les forts, en bas, les faibles...

    - PRENDRE SOIN DE...

    Pour résister à cette offensive culturelle, il faut défendre d'autres valeurs, une culture du vivre ensemble où chacun prend soin de soi et des autres ; la solidarité, la fraternité, la sororité ; dans le présent comme dans le présent à venir. Dans la vie quotidienne comme au niveau d'un projet politique. Le communisme (ou le socialisme) prend ici tout son sens. Il est d'une actualité absolue. C'est mon second point.

    Au 19ème siècle, la solidarité était une nécessité. Solidarité de classe, solidarité entre opprimés et exploités. Aujourd'hui, la solidarité redevient indispensable et petit à petit la conscience que l'on ne peut pas s'en sortir tout seul gagne du terrain. C'est pourquoi en face, on cherche tellement à diviser pour régner. Car il faut désunir le monde de celles et ceux qui pourraient se révolter, et qui inéluctablement se révolteront. Diviser pour régner, c'est opposer français aux résidents étrangers, travailleurs avec et sans papiers, actifs et chômeurs, jeunes et personnes âgés ; c'est agiter l'épouvantail des classes dangereuses, aujourd'hui ce sont les habitants des cités.

    - NOUS SOMMES DES SEMBLABLES DIFFERENTS

    La volonté de diviser pour régner est masquée par une idéologie, le libéralisme autoritaire. Or, l'idéologie dominante colonise peut-être les esprits, mais elle ne change pas la réalité. Gramsci, que Sarkozy aime citer pour dire que les batailles se gagnent d'abord par la lutte des idées ; et bien, Gramsci disait aussi que l'hégémonie idéologique du capitalisme se fissure à partir de l'expérience concrète, le vécu quotidien. Et le vécu d'un très grand nombre – en fait, le vécu de la majorité de la population — est un vécu où l'on perd sa vie à la gagner, où les conditions d'existence se durcissent et se dégradent, mêmes pour les bacs +5, pour les techniciens, les cadres. Une condition sociale où les choix se réduisent ou requièrent des sacrifices. Les économistes disent que l'ascenseur social est en panne, les jeunes des cités disent « on est dans la nasse ». Il existe donc une communauté d'intérêts entre ce gens-là ; ils appartiennent à une même classe, la classe « en soi ». Ce sont, nous sommes, des semblables différents. Objectivement, nous sommes unis par le sort que le système nous impose.

    Vous, ici rassemblés, savons pourquoi il en est ainsi ; pourquoi les conditions de vie se dégradent. Mais celles et ceux qui ne savent pas, qui pensent peut-être que les inégalités et les injustices ont toujours existé, et bien ces mêmes personnes n'accepteront pas éternellement les injustices qui leur sont imposées. C'est pourquoi on a connu et on connaîtra des révoltes, surtout en France où c'est une tradition.

    - ALLER PLUS LOIN : METTRE EN CAUSE LE SYSTEME !

    Mais pour aller plus loin que la révolte, que l'indignation, il faut aussi lui donner un sens, politique bien sûr. C'est dire contre quoi l'on se révolte, dire ce que l'on combat. Certains seront tentés de prendre le néo-libéralisme pour cible. OK, mais on sait aussi que le « néo-libéralisme » est un programme de combat dont la finalité est de pérenniser un système inhumain qui menace désormais la survie même de notre écosystème qu'est la terre. En parlant de néo-libéralisme, on a mis en évidence la cohérence d'une période de contre-réformes visant à démanteler les conquêtes sociales. Mais, en ne parlant qu'en ces termes de libéralisme et d'anti-libéralisme, on s'interdit de porter la critique plus loin, de remettre en cause le système et on s'interdit donc de proposer une vraie perspective révolutionnaire qui propose une alternative, un autre horizon, le socialisme.

    Et sans la perspective d'un autre système social, économique, politique, on ne peut faire que trois choses : 1). courber l'échine et se résigner ; 2). passer dans le camp adverse et défendre le système 3). le corriger, l'amender, bref jouer à l'ambulance sociale.

    Mais cette troisième option, celle du réformisme, ne fonctionne plus. Pourquoi ? Deux raisons l'expliquent. Primo, historiquement, les réformes ont été concédées ou arrachées, sous le rapport de force ou lorsqu'il fallait faire des concessions. L'Etat-providence, la sécurité sociale, l'échelle mobile des salaires, les services publics ont été crées peu après la seconde guerre mondiale. Il fallait éviter que le communisme gagne les masses et accède au pouvoir en Europe de l'Ouest. Il a donc fallu faire des concessions de type structurelles. Aujourd'hui, bon nombre de ces concessions sont dysfonctionnelles par rapport à la guerre de concurrence économique mondialisée.

    Le réformisme de la social-démocratie, c'est se limiter aux réformes que le capital veut bien concéder et c'est refuser d'aller plus loin. Aujourd'hui, le capital ne peut et ne doit plus rien lâcher. La social-démocratie n'est donc plus réformiste. Pour l'être, il faut oser penser une alternative à ce système et il faut donc être révolutionnaire. Ceci est surtout vrai pour les organisations politiques, pour les salariés, changer leur conditions de vie est une nécessité, même et surtout pas de réformes immédiates.

    Dire les choses telles qu'elles sont, offrir une vision de société, n'est pas qu'une question sémantique, c'est une question de positionnement. Être en opposition à ce qui fait système, c'est devenir audible, visible et donc potentiellement écouté.

    - NECESSITE DE COLLECTIFS MILITANTS INSCRITS DANS LA DUREE

    Faut-il un parti pour faire cela ? A cette question, je répondrai de manière positive. Roberto Michels a montré que la forme-parti est née avec le mouvement ouvrier. Le syndicalisme ne suffisait pas, même révolutionnaire. La démocratie délibérative est un élément de régulation du système mais aussi un champ de bataille. Les institutions le sont également. La forme-parti n'est pas nécessairement verticale, ni hégémonisante à l'égard des mouvements sociaux. L'expérience montre que, par-delà les fluctuations des luttes sociales ou des échéances électorales, un collectif militant doit perdurer. Faire des bilans et proposer des perspectives, programmatiques, revendicatives. Conserver et engranger des forces pour la bataille suivante. Certes, tout cela est un peu militaire. L'alternative est de recommencer à zéro à chaque fois et surtout répéter les mêmes erreurs.

    Refuser la forme parti et lui préférer la forme mouvement, c'est un peu comme vouloir changer la société sans prendre le pouvoir. C'est une option mais elle relève d'abord d'une sorte de syndicalisme sociétal. Le syndicalisme est un contre-pouvoir, dans les entreprises ou sur le plan interprofessionnel. Dès lors que le syndicalisme cogère, il se dénature. Sur le plan politique, la question me semble différente même si on sait d'expérience qu'il ne suffit pas d'occuper un ministère ou deux pour changer la donne. Mener une lutte politique jusque y compris dans les institutions du système que l'on combat est un risque. Mais ne pas prendre ce risque, c'est aussi laisser d'autres remplir le vide. On ne peut le faire qu'en développant en parallèle d'autres institutions, nées de la mobilisation et qui démocratisent donc le pouvoir là où il est aujourd'hui monopolisé par une minorité. Dire cela, c'est dire également qu'un parti des communistes ne peut pas être un parti comme les autres. Qu'il est essentiel qu'il soit de toutes les luttes démocratiques et sociales, qu'il entretienne avec les mouvements sociaux un rapport dialectique, sans se diluer en leur sein ni masquer ce qui est sa spécificité, sa raison d'être, à savoir, agir pour un société libérée de la logique de profit, une société avec autant de libertés que d'égalité, une société socialiste, ici et ailleurs dans le monde.

    (*) Discours de notre camarade Stephen Bouquin à l'Assemblée du PCF
    http://www.unitesocialiste.be/content/view/94/1/


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  • DONNER LA PRIORITE A LA VALEUR D'USAGE SUR LA VALEUR D'ECHANGE

    C'est souvent que j'évoque la nécessité de donner priorité à la valeur d'usage sur la valeur d'échange. Notamment pour renforcer et étendre la logique de service public dégagée de la logique marchande qui la recouvre et pervertie. Voir par exemple:

    - "Réorienter les services publics pour satisfaire les besoins popûlaires dans les quartiers délaissés" par Christian DELARUE plus sous forme de "commentaires" :
    - L'UNIVERSALISATION DES CRITERES FRANÇAIS DU SERVICE PUBLIC EST-ELLE POSSIBLE?
    et:
    - Contribution complémentaire sur les services publics. de Jean-Yves BECHERIE
    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=57185
     

    Ces réflexions s'insère dans "l'économie de la démarchandisation" élaborée notemment par Jean-Marie HARRIBEY, Stéphanie TREILLET et d'autres camarades "économistes critiques" d'ATTAC.

    Pour varier les expressions je laisse la parole à François HOUTART dans l'extrait ci-dessous.

    Extrait de Pour un socialisme du XXle siècle - [Alternatives International] mercredi 12 septembre 2007 par François HOUTART

    http://alternatives-international.net/article1194.html


    DONNER LA PRIORITE A LA VALEUR D'USAGE SUR LA VALEUR D'ECHANGE

    Ces concepts ont été élaborés par Marx et sont passés dans le langage commun. La valeur d'usage est celle qu'ont des produits ou des services pour l'utilisation des personnes et la valeur d'échange est celle que ces éléments acquièrent quand ils entrent dans le marché. Or, la caractéristique du capitalisme est de privilégier la valeur d'échange, comme moteur du développement économique. C'est logique, car seule la valeur d'échange permet de faire du profit et donc de mettre en route un processus d'accumulation.

    Il en résulte une naturalisation du marché, qui n'est plus considéré comme un rapport social. La priorité du marché devient un dogme, dont tout le reste découle automatiquement. Le marché, ou la loi de la valeur, impose sa logique à l'ensemble des rapports humains collectifs et à tous les des secteurs d'activité. Sa loi s'applique y compris dans des secteurs tels que la santé, l'éducation, le sport, la culture. Une telle logique exclut d'autres paramètres, notamment de type qualitatif, telle que la qualité de la vie ou encore ce qu'on appelle des externalités, c'est-à-dire tout ce qui précède ou qui suit le rapport marchand et qui permet à un ensemble de coûts de ne pas être comptabilisés. Donner la priorité à la valeur d'usage signifie donc privilégier l'être humain sur le capital. Une telle priorité comporte une série de conséquences. On peut en citer un certain nombre.

    Si la valeur d'usage est prédominante, on allongera la durée de vie des produits, ce qui, selon Wim Dierckxsens comporte de nombreux avantages. En effet, pour accélérer la rotation du capital et contribuer à l'accumulation, la vie des produits a été réduite. Leur allongement permettrait d'utiliser moins de matières premières et moins d'énergie, de produire moins de déchets et donc de mieux protéger l'environnement naturel. Il permettrait aussi de diminuer l'influence du capital financier.

    La même logique permettrait d'accepter des prix différentiels pour les mêmes produits, industriels ou agricoles, selon les régions du monde. Actuellement, la loi du marché exige que l'on s'aligne mondialement sur les prix les plus bas, notamment en agriculture, c'est-à-dire ceux des régions qui pratiquent une agriculture productiviste de type capitaliste (souvent également subsidiée et donc entrant dans une politique de dumping). En effet, des arguments liés à la valeur d'usage peuvent justifier des prix différents, qui contredisent le dogme du marché. Pourquoi faut-il que le riz ait le même prix aux Etats-Unis ou à Sri Lanka, si dans ce dernier pays le riz fait partie de l'histoire et de la culture et si sa production est une exigence pour la souveraineté alimentaire. De telles considérations n'entrent pas dans la logique du marché, mais bien dans celle de la valeur d'usage.

    On pourra aussi relocaliser les productions et éviter de nombreux coûts de transport, qui sont dommageables pour l'environnement et provoquent dans de nombreux endroits du monde une congestion des voies communication et même une paralysation des routes et autoroutes.

    Valoriser la valeur d'usage permettra également de favoriser l'agriculture paysanne, elle-même pourvoyeuse d'un emploi important. Si nous prenons le secteur des services, on se rend compte que l'éducation sera redéfinie prioritairement en fonction des personnes et non pas du marché et que la production de médicaments devra s'effectuer en rapport avec les maladies existantes dans l'ensemble de l'univers et non pas en fonction de la rentabilité de leur vente.

    Prioriser la valeur d'usage signifie donc se centrer sur la vie humaine. Il sera impossible de laisser pour compte 20 ou 30% de la population mondiale vivant dans l'indigence, parce qu'elles constituent des « foules inutiles », ne contribuant pas à produire une valeur ajoutée et n'ayant pas de pouvoir d'achat. Elle permettra aussi de ne pas vulnérabiliser le reste des populations, en dehors des privilégiés, car ce sont les besoins humains qui deviennent le moteur de l'économie. Inévitablement cela signifie également l'établissement de mécanismes de redistributions de la richesse et la généralisation de la sécurité d'existence.

    Une telle perspective exige évidemment une nouvelle philosophie de l'économie. On ne peut plus définir l'économie simplement comme une activité produisant de la valeur ajoutée, mais on devra revenir à sa définition fondamentale qui est de produire la base matérielle nécessaire à la vie physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains dans l'ensemble de l'univers. Finalement cela débouche sur une éthique de la vie, c'est-à-dire la nécessité d'assurer la base vitale pour tous. Dans une certaine mesure le socialisme avait réalisé ce changement de perspectives, mais il fut rapidement submergé par le désir d'entrer en compétition avec le capitalisme.

    Lire la suite sur:

    http://alternatives-international.net/article1194.html

    Comme critères d'une autre production : Cf. « Une autre économie orientée vers le développement humain »

    http://rennes-info.org/Une-autre-economie-orientee-vers.html




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  • "D'autres mondes sont possibles"... Sur les trois, un seul radicalement autre est nécessaire !

     

     

    par Christian Delarue

    Il arrive de voir la formule au pluriel . Ce qui étonne parfois . Comme si il n'y avait que le monde que nous voulons qui était possible !

    1. - Le mouvement altermondialiste se prononce "pour un autre monde possible".

    C'est là la fameuse formule de Porto Alègre.

    On sait que ce mouvement est tout à la fois antimondialiste (résistances contre le néolibéralisme) et altermondialiste (vers "autre chose") . Les références à des textes divers ne manquent pas sur cette nécessaire résistance à l'ordre du monde et sur la dynamique qu'elle porte. Dans la lutte contre le capitalisme mondialisé c'est bien en creux la perspective d'un monde radicalement différent de celui-ci qui est ressenti comme non seulement désirable mais nécessaire.

    S'organiser simplement "pour une économie plus équitable" ne suffit manifestement pas à définir le mouvement altermondialiste sauf à vouloir le maintenir intégré au capitalisme et à à faire de lui un mouvement bridé et limité à l'accompagnement social du libéralisme à l'instar de ce que veut la CFDT et la CES et certaines formations politiques s'inscrivant dans la "fin de l'histoire" (cf. Fukuyama) et le socialibéralisme.

    Ainsi nous avons affirmer clairement ailleurs (site Bellaciao) d'une part que l'altermondialisme n'était pas soluble dans le néosolidarisme et d'autre part qu'une critique amicale et compréhensive de l'économie sociale et solidaire (ESS) était nécessaire pour poser la perspective d'une sortie du capitalisme. Le solidarisme du début du XX ème siècle fondé par Léon BOURGEOIS et Célestin BOUGLE voulait surtout s'opposer à la montée des idées socialistes et communistes. Le néosolidarisme contemporain qui appuit l'ESS en critiquant le socialisme stalinien ayant existé n'a lui aussi d'autre but que d'empêcher la prise de conscience d'un autre monde, écosocialiste.

    Le capitalisme contemporain que nous nommons néolibéral fonctionne pour une très petite minorité de riches sur la planète, planète qu'il entreprend aussi de détruire. Il importe donc de le remettre en cause et toutes les contributions pour ce faire sont bienvenues . Il convient ensuite de proposer une stratégie de transformation sociale claire qui ne peut donc s'accomoder du quasi maintien de l'existant avec plus de service public et plus d' ESS.

    Certes aujourd'hui il n'est pas simple de préciser ce que nous entendons par appropriation sociale mais quelques auteurs ont clarifié les questions et les perpectives (lire Yves SALESSE sur cette question). Sortir de la "fin de l'histoire" suppose le dépassement du socialibéralisme . La récente campagne pour le NON suivie du succès du 29 mai 2005 puis le combat mené contre le CPE début 2006 ont montré que les peuples n'étaient pas dupes, qu'ils ne voulaient plus des politiques libérales de droite ou de "gauche".

    2. - Il arrive de lire que "'autres mondes sont possibles" Que penser de cette étonnante formule au pluriel ?

    "D'autres mondes sont possibles" signifie que trois grands mondes semblent concevables :

    a) celui-ci, le présent monde connu, celui qui asseoit la domination capitaliste et impérialiste sur la planète tant au Nord qu'au Sud mais préserve encore difficilement certains droits et libertés . Dans quelques endroits de la planète, au Nord essentiellement, l'Etat de droit conjugué vec Etat social a formé dans la conscience populaire une forme d'Etat et une régulation sociale ou les contradictions systèmiques étaient amorties . Nous vivons depuis plus de vingt ans la fin de cette pranthèse.

    b) et d'autres (au pluriel) : deux autres. Ce pluriel signifie en effet que peut survenir le progrés social et environnemental mais aussi la régression, la peste brune :

    * l'autre monde possible, souhaitable et même nécessaire :

     Nous voulons un autre monde réellement solidaire et démocratique, autrement dit postcapitaliste, un monde qui nous sorte de la logique dominante du profit, de la financiarisation, de la marchandisation du monde et de son appropriation privèe ; celui d'un nouveau socialisme du XXI siècle égal et solidaire, approfondissant et généralisant la démocratie et l'appropriation publique et sociale .

     Cet autre monde serait à dominante écosocialiste à la fois socialiste et respectueux de la nature. On mesure mal encore les effots à accomplir en ce domaine .Il va falloir décroitre dans certains domaines et accroitre la production dans d'autres, l'offre de services notamment. L'altercroissance et l'alterdéveloppement sont à l'ordre du jour.

     Cet autre monde accepte bien évidemment la pluralité des cultures : il est composé de sous-mondes ou les différences se vivent dans la laïcité, la liberté et l'égalité.

    * mais aussi un monde mortifère, un monde "de monstres", un monde pire encore que celui que nous connaissons actuellement . Oui c'est possible ! Un monde ressemblant à celui du fascisme, du nazisme, et des dictatures diverses militaires, religieuses, de notables à fondement ethnique ou bureaucratique. Le MRAP et d'autres associations militent pour empêcher le retour des monstres... Un monde fondé sur l'épuisement du supplément d'âme social du capitalisme dans certains pays conquis par le mouvement ouvrier à l'issue de la seconde guerre mondiale (cf Etat providence)

    Christian DELARUE

     


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