• RADIO CAMPUS RENNES ET FSMd rennais
     
    Ce lundi midi Soizig LESEIGNOUX et Christian DELARUE sont passés sur l'antenne de Radio campus Rennes pour présenter le FSMd rennais (forum social mondial décentralisé) et l'altermondialisme. Ambiance sympa ! Avant de commencer nous apprenions que le dernier "poilu" de la première guerre mondial né en 1897 (de mémoire) était un immigré italien sans papier ! Et crime de lèse-majesté, il n'a pas voulu des honneurs !
     
    Retour au FSMd 2008 avec un rappel que personne - ni Soizig ni moi-même ni quiconque ne représentait ici son association, son organisation et encore moins le forum qui n'avait pas de porte-parole. D'ailleurs pour exprimer la pluralité nous étions deux, une femme et un homme, avec des trajets différents et une culture "politique" différente.
    Soisig a présenté le programme du Forum décentralisé rennais du 26 janvier prochain et ses particularités et pour ma part j'ai présenté l'altermondialisme sous différents aspects. Chacun de nous a dans un second temps répondu aux questions des journalistes.
     
    RADIO CAMPUS
    Bât EREVE Campus de Villejean
    02 99 14 19 61

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  • Il y a mécréant (1) et beauf !

    Il est vrai que l'institution Miss France a un coté strict voire un brin « guindé ». Par les temps « Carla » cela donne une touche « Bernadette » un peu défraîchie. De là à passer à l'insulte il y a un pas que Thierry ARDISSON a franchi allègrement.

    Il a en effet déclaré (2) au sujet de Valérie BEGUE  : « Quelle pute ! En tout cas moi elle m'a bien niqué » . Il a alors ajouté « avoir été choqué par les photos » . Thierry ARDISSON choqué par les photos ! ! ! Quand bien même,  en quoi cela justifie-t-il de tenir de pareils propos. D'autant qu'il s'est empressé de diffuser ce qu'il trouvait choquant ! 

    Thierry ARDISSON recevait dans son émission « Salut les terriens » Geneviève de Fontenoy et Miss Pays de Loire . La plainte va porter non seulement sur l'insulte mais aussi sur le fait d'avoir rediffusé, au même titre qu'Entrevue, des photos volés. Il savait qu'elles étaient volées.

    1)
    Fragments mécréants I : Les vases brisés BENSAÏD Daniel août 2005
    « Les vases brisés » constituent le premier chapitre de l'ouvrage de Daniel Bensaïd, Fragments mécréants. Mythes identitaires et république imaginaire.

     http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article3171

    Blasphème, démocratie et émancipation : un sujet délicat

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article6596

    2) Lu notamment dans 20 minutes Paris

    www.20minutes.fr


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  • Quand Rosa Luxembourg décrivait l'asile de nuit

    Du lumpen berlinois de 1912 aux exclus parisiens de 2007

    Dominique BOULLIER

    dimanche 24 juin 2007

    Dans un texte bref de 1912, Dans l'asile de la nuit, ici réédité, Rosa Luxembourg s'indigne du sort des sans-abri de Berlin, victimes d'une intoxication alimentaire, dans un asile de nuit berlinois. Elle y exprime sa compassion pour les sans-abri, sa colère vis-à-vis des privilèges et dénonce la logique d'un système dans lequel les uns s'enrichissent sur la misère des autres. Un texte d'actualité aujourd'hui : 70 sans-abri sont morts dans un asile de nuit à Berlin en janvier 1912, 25 mal-logés sont morts à Paris dans l'incendie d'un hôtel meublé en janvier 2007.

    Qui sont les sans-abri, les sans-domicile fixe, les sans-papier, les mal-logés, les sans-emploi ?

    Leurs manques leur servent-ils d'identité ? Peut-on décrire ces hommes et ces femmes qui vivent dans la rue simplement par leur âge et par leurs maux comme l'a fait récemment Médecins du Monde dans une enquête de terrain ? Ces enquêtes sont utiles, bien sûr ! Le cri d'alarme de Villermé de 1840 [1], a conduit à la loi de 1841 réglementant le travail des enfants [2]. La colère de l'Abbé Pierre, face à la pénurie de logements et les rigueurs de l'hiver 1954 qui tuent a provoqué un immense mouvement de solidarité. Le rapport [3] de René Lenoir, Inspecteur des finances, a alerté en 1974 les services publics sur la nécessité de faire des choix en matière de prévention pour les 3 à 4 millions « d'inadaptés sociaux ». L'appel de Coluche de septembre 1985 [4] aboutit à la naissance des Restos du Cœur. Au 31 /12/ 2003, 3,3 millions de personnes bénéficient de minima sociaux. De nombreuses associations se sont développées, utiles, très utiles au quotidien, mais nous restons dans le registre de l'assistance.

    Le texte - qui vient d'être réédité dans les carnets de l'Herne [5] - reste d'actualité près d'un siècle plus tard. Rosa Luxembourg replace dans un contexte économique et social les sans-abri de 1912. Et leur redonne une identité sociale : « Ces pensionnaires de l'asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l'étaient, hier encore. »

    Elle les inscrit dans une histoire collective. Elle rappelle que la consommation effrénée des uns et la misère des autres ne sont pas des phénomènes concomitants : pendant que les uns s'enrichissent, les autres s'appauvrissent chaque jour un peu plus. Ce sont des phénomènes interdépendants : l'enrichissement des uns est lié à la paupérisation des autres : « Le prolétaire est d'abord l'ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital La moisson dorée des millions s'ajoutant aux millions s'entasse dans les granges des capitalistes. Un flot de richesse de plus en plus imposant roule dans les banques et dans les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu'ils sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu'ils possèdent : leur peau ».

    Quand les firmes débauchent, leurs actions flambent et nombre de leurs salariés vont pointer à l'ANPE, puis au bureau d'aide sociale .... Et tout le monde n'a pas l'humour de Coluche : « Quand j'étais petit à la maison, le plus dur c'était la fin du mois. Surtout les trente derniers jours. »

    Sous des termes différents, des sociologues se sont penchés sur les 6 millions de personnes (allocataires et aussi conjoints, enfants et autres personnes à charge) concernées par la pauvreté avec des analyses fines et sensibles [6]. Nombre de ces ouvrages s'interrogent sur les processus en œuvre, mais les interrogations restent aussi souvent dans le registre de la politique passive de la pauvreté.

    Elles n'ont pas la force du discours de Rosa Luxembourg qui décrit comment d'un statut socialement accepté, le prolétaire peut tomber dans la déchéance : « Peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l'un d'eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s'allongent, les emplois se font plus irréguliers. L'existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s'acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d'autres. La tension permanente pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s'amenuise – et le voici debout devant la porte de l'asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison. »

    Un chômeur est virtuellement un chômeur de longue durée et un chômeur de longue durée un exclu en sursis, condamné à terme à l'assistance et à l'aide sociale. Rosa Luxembourg dénonce la logique d'un rapport de production capitaliste - qui garantit honneur et prospérité à quelques-uns, et qui écarte chaque année des conditions de vie normales de la classe ouvrière des milliers d'existences pour les faire tomber dans la nuit de la misère. Il s'agit bien du lumpenproletariat (prolétariat en haillons) qui fut, durant l'époque industrielle, une des appellations des populations vivant dans la misère ; une population formée d'éléments déclassés misérables, non organisés du prolétariat urbain. Il s'agit bien de l'armée de réserve du capitalisme qui reste l'arme la plus efficace dont dispose le patronat pour imposer la stagnation ou la baisse des salaires, l'intensification du travail, la dégradation des conditions de travail, la flexibilité et le démantèlement du code du travail, la précarisation. Et la précarisation généralisée provoque un chômage récurrent et fait de chaque salarié, un chômeur en puissance. En 2007, les restaurants Buffalo Grill emploient des dizaines d'immigrés en situation irrégulière « Nos patrons menaçaient de nous livrer à la police » ; « On ne pouvait pas se rebeller » ; « 10 salariés en situation irrégulière ont été licenciés, 15 sont en grève, 22 ont démissionné [7]

    C'est avec <st1:PersonName productid="la R←volution" w:st="on">la Révolution</st1:PersonName> industrielle, bouleversant les rapports de production et les rapports sociaux, qu'est apparue la grande pauvreté. En 1852, Marx écrivait : « Dans la mesure où des millions de familles vivent dans des conditions économiques qui les séparent les unes des autres et opposent leur genre de vie, leurs intérêts et leur culture à ceux des autres classes de la société, elles constituent une classe. Mais elles ne constituent pas une classe dans la mesure où il n'existe entre les paysans parcellaires aucun lien social et où la similitude de leurs intérêts ne crée entre eux aucune communauté, aucune liaison nationale, ni aucune organisation politique. » [8]

    Les démunis subissent leur pauvreté dans l'humiliation et le désarroi. Sans logement, l'engrenage se met en route : l'hygiène et l'alimentation deviennent difficile, l'emploi et les relations aux autres sont menacés. Les « SANS » ne sont pas seulement sans papier, sans domicile ou sans travail : un manque en entraîne d'autres sur le plan matériel, et aussi sur le plan moral et social : perte d'identité, perte de relations sociales, perte de dignité .... Passer de la résignation, du repli sur soi, à la prise de parole ; de la déprime à la colère ; du ressentiment individuel à la révolte ; passer de l'isolement à la mobilisation collective : se constituer en groupes, se mobiliser ensemble peut devenir une mission impossible.

    Rosa Luxembourg est consciente du peu de poids que les sans-abri représentent lorsqu'ils sont isolés : « Chaque jour des sans-abri s'écroulent, terrassés par la faim et le froid. Personne ne s'en émeut, seul les mentionne le rapport de police. (...) Le prolétaire ne peut attirer sur lui l'attention de la société qu'en tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. »

    Les compagnons d'Émmaus, les Restos du cœur, l'APEIS, Les collectifs de sans papiers, Droit Devant, Médecins du Monde, Les enfants de Don Quichotte, et d'autres associations permettent aux plus démunis de faire face au quotidien et de se faire entendre. Mais la route est longue avant que la révolte des « SANS » aboutisse à de réels changements de société ...

    À la suite de ce coup de gueule magistral, les Lettres de ma prison adressées à Sonia Liebknecht, la compagne de Karl Liebknecht, nous révèlent une femme sensible, amoureuse de la poésie, des fleurs et des oiseaux qu'elle écoute de sa prison. « Intérieurement, je me sens beaucoup plus chez moi dans un petit bout de jardin, comme ici, ou dans un champ, étendue sur l'herbe, et entourée de bourdons, que dans un congrès du parti. » Qu'on mesure l'étendue de cet optimisme : si Sonia est en liberté, Karl Liebknecht est lui aussi incarcéré ; Rosa Luxembourg et lui seront assassinés le 15 janvier 1919.

    Dominique Boullier

    [1] Tableau physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie.

    [2] Journée de 8 heures pour les enfants de 8-12 ans et de 12 heures pour les 12-16 ans !!!

    [3] Les exclus, un Français sur dix, R. Lenoir, Seuil, 1974.

    [4] « J'ai une petite idée, comme ça... si y'a des gens qui sont intéressés pour sponsoriser une cantine gratuite que l'on commencerait par faire à Paris, et puis qu'on étalerait dans les grandes villes de France, nous on est prêts à aider une entreprise comme ça, qui ferait un resto qui aurait comme ambition de faire deux à trois mille repas par jour, gratuitement ».

    [5] Rosa Luxembourg, Dans l'asile de la nuit, Suivi de Lettres de ma prison adressées à Sonia Liebknecht, la compagne de Karl Liebknecht, carnets, L'Herne, mars 2007. (126 pages) 9,50 euros.

    [6] La désaffiliation, Robert Castel, 1991 ; La disqualification sociale, Serge Paugam, 1991 ; Les gens de peu, P.Sansot, 1992 ; De la production de richesse à la production des exclus, Denis Clerc, 1992 ; Les quartiers d'exil, François Dubet, Didier Lapeyronnie, 1992 ; La misère du monde, Pierre Bourdieu, dir., 1993 ; La désinsertion, ouvrage collectif, Laboratoire de Changement Social, 1994. Une nouvelle pauvreté a été mise au jour par la mise en place du RMI et son évaluation.

    [7] Le Monde, 5 juin 2007.

    [8] Le 18-Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx, 1852.


    http://local.attac.org/93sud/spip.php?page=imprimer&id_article=4


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  • DES NOUVELLES DE LA MEUTE N° 123 - 9 janvier 2008

    LES FESSES DES PHILOSOPHES



    The Chiennes de garde ("She-Watch", a feminist watchdog organization) demand respect for women.

    Ce courriel est envoyé à La Meute, l'ensemble des signataires du Manifeste « Non à la pub sexiste ! »

    À ce jour, nous sommes 6 126 personnes et associations, dans 57 pays, à avoir signé le Manifeste « Non à la pub sexiste ! », lancé le 28 septembre 2000.

    Ce courriel porte sur une action de l'association Chiennes de garde que je préside de nouveau, après avoir lancé le mouvement des Chiennes de garde le 8 mars 1999.
    Le site : http://chiennesdegarde.org/ est en cours de restructuration.

    Cette action concerne aussi La Meute puisqu'il s'agit d'une nudité féminine exposée dans l'espace public pour vendre un produit. Si vous souhaitez soutenir les Chiennes de garde qui, comme La Meute, refusent les violences sexistes symboliques, vous pouvez adhérer à l'association (cotisation annuelle : 20 euros, adresse : Maison des associations, boîte n°11, 5 rue Perrée 75003 Paris).

    Il s'agit de la couverture du Nouvel Observateur de cette semaine qui illustre un dossier sur Simone de Beauvoir avec une photo de cette grande philosophe nue, de dos.

    Si vous pouvez venir à Paris, je vous propose de nous retrouver vendredi 11 à 13h devant le siège du journal, 12 place de la Bourse (métro Bourse).

    > Si vous pouvez vous joindre à nous derrière la banderole Chiennes de garde, merci de l'indiquer en retour !<

    Si vous ne pouvez pas vous joindre à nous, je vous invite à écrire (par la poste, c'est plus efficace) à Jean Daniel, directeur de la publication, 12 place de la Bourse 75002 Paris, car des dizaines de lettres de lectrices furieuses sont déjà arrivées et plus il y en aura, mieux ce sera.

    La manifestation durera environ une demi-heure. Je demanderai à être reçue par Jean Daniel, et lui remettrai notre demande d'excuses. Notre texte, de style chiennedegardesque, est en cours d'élaboration, je vous l'enverrai prochainement.

    Chiennement et adelphiquement*,
    Florence cheffedemeute Montreynaud

    *Adelphiquement dérive d'adelphité, mot qui désigne un sentiment entre fraternité et sororité. En français, sour et frère proviennent de deux mots différents. Le mot adelphité est formé sur la racine grecque adelph- qui a donné les mots grecs signifiant sour et frère.

    La Meute contre la publicité sexiste
    Maison des femmes, 163 rue de Charenton 75012 Paris
    site : http://www.lameute.fr/index/


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  • " Je ne suis plus qu'une voix désincarnée "

    Taslima Nasreen

    Traquée par les fondamentalistes islamistes en Inde, l'auteure bengalie témoigne de l'étendue de son abandon

    Le Monde,
    12 janvier 2008


    Où suis-je ? Je suis sûre que personne ne me croira si je dis que je n'ai pas de réponse à cette question qui paraît simple, mais la vérité est que je n'en ai pas. Je suis comme les morts-vivants : engourdie, privée des plaisirs de l'existence et de l'expérience, dans l'incapacité de sortir des limites étouffantes de ma chambre. Oui, c'est ainsi que je survis.

    Ce cauchemar n'a pas commencé lorsque j'ai été embarquée sans ménagement de Calcutta - il dure depuis un moment déjà. C'est une sorte de mort lente et lancinante, comme si je buvais à petites gorgées une coupe remplie d'un poison à effet lent qui détruit peu à peu toutes mes facultés. C'est une conspiration en vue d'assassiner mon être même, autrefois si courageux, si dynamique et si enjoué. Je ne suis plus qu'une voix désincarnée. Ceux qui me soutenaient par le passé ont disparu dans les ténèbres.

    Je me demande : quel crime odieux ai-je commis ? Quel genre de vie est-ce quand je ne peux ni sortir de chez moi ni connaître les joies de la compagnie des autres êtres humains ? Quel crime ai-je donc commis pour être obligée de passer ma vie cachée, reléguée dans l'obscurité ? Je me sers des mots, et non pas de la violence, pour exprimer mes idées. Jamais je n'ai jeté de pierres ni n'ai versé le sang pour faire part de mon avis. Pourtant, on me considère comme une criminelle. Je suis persécutée parce que l'on a estimé que le droit des autres à donner leur opinion était plus légitime que le mien.

    L'Inde réalise-t-elle l'immense souffrance que l'on éprouve quand on doit renoncer à ses convictions les plus chères ? A quel point il a fallu que je me sente humiliée, effrayée et anxieuse pour laisser mes mots être censurés ? Si je n'avais pas accepté que mes écrits aient été expurgés de façon grotesque par ceux qui y tenaient tant, j'aurais été traquée et poursuivie jusqu'à ce que je tombe raide morte. Leur politique, leur foi, leur barbarie et leurs intentions diaboliques ont pour but d'aspirer mes forces vitales, les vérités que j'écris sont trop difficiles pour eux à digérer. Comment puis-je - moi qui n'ai aucun pouvoir et aucune protection - combattre la force brute ? Toutefois, quoi qu'il advienne, je ne me résignerai pas au mensonge.

    Qu'ai-je à offrir hormis l'amour et la compassion ? Je suis assez réaliste pour savoir que le conflit, la haine, la cruauté et la barbarie font partie intégrante de la condition humaine. Si je venais à être éliminée ou exterminée, le monde s'en ficherait comme d'une guigne. Tout cela, je le sais. Pourtant, j'avais imaginé que le Bengale serait différent. J'avais cru que jamais le Bengale que j'aime avec tant de passion ne m'abandonnerait. Il l'a fait.

    Exilée du Bangladesh, durant des années j'ai erré de par le monde comme une orpheline perdue. Quand le Bengale occidental m'a offert l'asile, j'ai eu le sentiment que toutes ces années de fatigue et d'hébétude étaient derrière moi. J'étais en mesure de reprendre une vie normale dans un pays aimé et familier. Tant que je survivrai, je porterai en moi les paysages du Bengale, son soleil, sa terre humide, son essence même. Ce même Bengale qui a été un sanctuaire que j'ai rejoint après avoir parcouru des kilomètres entachés de sang vient de me tourner le dos. Je suis bengalie, à l'intérieur comme à l'extérieur ; je vis, je respire, je rêve en bengali. Que l'on ne veuille plus de moi au Bengale m'est difficile à croire.

    Dans ce pays où je suis une invitée, je dois prendre garde à ce que je dis, ne rien faire qui enfreigne le code de l'hospitalité. Je ne suis pas venue ici dans l'intention de blesser les sentiments de qui que ce soit. Meurtrie et blessée dans mon propre pays, j'ai enduré des affronts et des blessures dans bien d'autres endroits avant d'arriver en Inde, où je savais que j'en endurerais de nouveau. Car il s'agit d'un pays démocratique et laïque, où le système électoral implique que la voix d'un laïc équivaut à celle d'un fondamentaliste islamiste. Je me refuse à le croire. Je refuse de l'entendre. Pourtant, partout autour de moi, j'en lis, entends et vois <st1:personname productid="la preuve. Je" w:st="on">la preuve. Je</st1:personname> voudrais parfois être comme ces singes mythiques, indifférente au mal qui m'entoure. La mort qui désormais me rend visite sous des formes multiples m'apparaît comme une amie. J'ai envie de lui parler, de me confier à elle. Je n'ai personne d'autre à qui parler, personne d'autre à qui me confier.

    J'ai perdu mon Bengale tant aimé. Aucun enfant arraché au sein de sa mère n'a souffert autant que j'ai souffert de cette douloureuse séparation. Encore une fois, j'ai perdu la mère dans le ventre de laquelle je suis née. La douleur n'est pas moindre que celle qui a été la mienne le jour où j'ai perdu ma mère biologique. Après m'être installée à Calcutta, j'ai pu dire à ma mère - qui n'était alors plus qu'un souvenir en moi - qu'enfin j'étais rentrée. Quelle importance que je sois d'un côté ou de l'autre d'une frontière artificielle ? Aujourd'hui, je n'ai pas le coeur de dire à ma mère que j'ai été expulsée sans cérémonie par ceux-là mêmes qui m'avaient offert l'asile, que ma vie actuelle est celle d'une nomade. Du coup, j'ai fini par me convaincre que j'avais dû transgresser quelque chose, commettre quelque grave erreur. Oser dire la vérité est-il un péché si épouvantable dans cette époque de mensonge et de tromperie ? Est-ce parce que je suis une femme ?

    Je sais que je n'ai pas été condamnée par le peuple. Si on lui avait demandé son avis, je suis certaine que la majorité aurait voulu que je reste au Bengale. Mais depuis quand une démocratie reflète-t-elle la voix des masses ? Une démocratie est dirigée par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir qui agissent comme bon leur semble. Individu insignifiant que je suis, je dois maintenant vivre ma vie selon mes propres termes et écrire sur ce que je crois et qui me tient à coeur. Je n'ai aucun désir de faire du mal, de calomnier ou de tromper. Je ne mens pas. J'essaie de ne pas être insultante. Je ne suis qu'un simple écrivain qui ne connaît ni ne comprend rien à la dynamique politique. La force du fondamentalisme, à laquelle je me suis opposée et que j'ai combattue pendant des années, n'a été que renforcée par ma défaite.

    Voici mon Inde tant aimée, où j'ai vécu et ai écrit sur l'humanisme laïque, les droits de l'homme et l'émancipation des femmes. C'est aussi le pays où j'ai dû souffrir et payer au prix fort mes convictions les plus profondes, où pas un seul parti politique de quelque obédience que ce soit n'a pris la parole en ma faveur, où aucune ONG ni aucun groupe défendant les droits des femmes ou les droits de l'homme ne m'a soutenue, ni n'a condamné les attaques malveillantes lancées à mon encontre. Cette Inde-là, je ne l'avais encore jamais connue. Il est vrai que des individus, de manière dispersée et non organisée, se battent pour ma cause, et que des journalistes, des écrivains et des intellectuels se sont exprimés en ma faveur, même s'ils n'ont jamais lu une ligne de ce que j'ai écrit. Je leur suis reconnaissante de donner leur opinion et de me témoigner leur soutien.

    Partout où des individus se rassemblent en groupes, ils semblent perdre leur pouvoir de parler. Pour être franche, cette facette de <st1:personname productid="la nouvelle Inde" w:st="on">la nouvelle Inde</st1:personname> me terrifie. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai considéré l'Inde comme un grand pays, une nation pleine d'audace. Le pays de mes rêves : éclairé, fort, progressiste et tolérant. J'ignore si je survivrai, mais l'Inde et ce qu'elle représente doit à tout prix survivre.

    Traduit de l'anglais par Pascale Haas

    Taslima Nasreen

    Taslima Nasreen a reçu le 9 janvier le premier prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes avec Ayaan Hirsi Ali. Elle a donné ce texte à cette occasion.

    Ecrivaine

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