• Laïcité d’équilibration en France : Entre liberté de croyance et liberté de religion.

    Texte repris le 31 janvier 2010

    Nous avons deux concepts en opposition qui ne sont pas pleinement satisfaisants : l’un la liberté de croyance peut apparaitre comme minimaliste, insuffisante, alors que l’autre, la liberté de religion peut apparaitre comme maximaliste, ouvrant droit à des excès. Si cette hypothèse se vérifie cela signifie que la première liberté parait un infra-droit humain alors que l’autre serait un droit-privilège, un droit qui excède les droits proprement humain.

    Ce texte centré sur la distinction liberté de croyance - liberté de religion ne fait aucun développement sur la liberté de conscience plus générale qui pourtant figure dans les grands textes juridiques des droits humains et en bonne place. C’est d’ailleurs heureux pour les agnostiques et les athées. La liberté de conscience englobe croyance religieuse et convictions athées, non religieuses. La liberté de conscience est une liberté individuelle, la liberté des cultes est une liberté collective. Mutatis mutandis, la liberté de croyance est de même une liberté individuelle et la liberté de religion une liberté collective.

    On connait un certain nombre de droits qui peuvent connaitre une dérive "dominatrice". Le droit d’entreprendre peut aboutir à défendre l’entreprise comme entité globale abstraite au-dessus des humains qui la constituent. Le droit de propriété peut aboutir à préférer la défense de la chose plus que la défense de l’humain. C’est pourquoi nombre de droits humains posés comme absolu aux XIX ème siècle ont connu des limitations par la suite.

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    I - Du droit international au droit national

    Un premier examen des grands textes montre une contradiction relative qui tombe avec un second.

    A) Trois grands textes juridiques posent des droits différents.

    La liberté de croyance est défendu dans la Constitution française de 1958 alors que la liberté de religion est défendue par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Convention européenne des Droits de l’homme de 1950 ;

    - La DUDH défend la liberté de religion en son article 18. "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (1) ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites."

    La CEDH - Convention européenne des Droits de l’homme - de 1950, dit en son article 9 : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Elle reprend donc le même début de phrase que la DUDH art 18. L’art 9 poursuit : Ce droit implique… la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ".

    - Dans l’article 1 de la Constitution française de 1958, il est stipulé que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

    B) Comment se fait-il que la Constitution française ait posé une règle inférieure à la DUDH et moindrement à la CEDH ?

    La Constitution parle de croyance et non de religion, une notion plus extensive.

    * Arguments de fond : La DUDH fait apparaitre une conception extensive, maximale, de la liberté de conscience en défendant aussi la liberté de religion. Mais la laïcité n’est pas évoquée dans ce texte. Au plan international, de nombreux Etats non seulement ne veulent pas entendre parler de laïcité mais de plus veulent interdire le blasphème dans la société civile.

    Cette conception extensive laisse libre toutes les formes d’expression organisée de la croyance religieuse (2) tant dans la société civile que dans la société politique, à savoir l’Etat et ses appareils administratifs. Dans les Etats laïques "la bataille des libertés" est circonscrite à la société civile qui permet le blasphème mais interdit le racisme.

    * Argument de droit : La DUDH, dans son article 29 alinéa 2. Ce dernier autorise les Etats à voter, dans un cadre démocratique, des restrictions aux droits donnés par la DUDH "exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique."

    S’agissant de la CEDH, Jean Boussinesq dans Union Rationaliste précise que "cette convention, qui a force de loi en France, n’ajoute rien à ce que disaient les lois françaises, mais elle est explicite".

    Il précise encore que les débats au Parlement et la jurisprudence ultérieure montrent que par " cultes " il ne faut pas entendre seulement les cérémonies cultuelles, mais que ce terme est pratiquement équivalent de ceux de " religion ", de " confession ". Cet auteur reconnait donc que le terme culte est trop étroit. Le terme religion outre le coté religare - être relié à un divin, surnaturel - comporte aussi et surtout un volet organisationnel et matériel et même une activité.

    A partir de cette disposition, la France a institué un régime original qui a pour thème : laïcité et voie moyenne entre liberté de croyance et liberté de religion.

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    II - La conception française tend vers l’équilibration des droits et libertés entre croyance et expression de la croyance.

    Equilibration car cette conception protège d’une trop forte emprise du religieux par "en-haut" ou par "en-bas" mais donne néanmoins des droits réels d’expression aux religions.

    A ) La Constitution française défend, outre la liberté de croyance, la laïcité.

    La constitution défend la liberté de croyance, pas plus. Elle défend aussi la laicité. En conséquence, la liberté de religion ne s’applique pas dans la fonction publique même avec des signes discrets. Ici la neutralité totale est de rigueur du bas de la hiérarchie à son sommet.

    La République française applique ici une orientation qui a ses racines depuis 1880 mais surtout depuis la loi du 9 décembre 1905. La liberté de religion se déploie par contre dans la société civile. L’emprise du religieux par "en-bas" reste possible, ce qui est source de conflits, les religions étant naturellement prosélytes.

    B) Les lois du 9 décembre 1905 et du 15 mars 2004 forment un compromis qui va plus loin que la Constitution de 1958.

    * Article 1 loi de 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public". Le libre exercice des cultes est donc reconnu mais n’est pas absolu. La liberté de conscience - croyance ou non croyance - est elle assurée absolument, y compris dans l’appareil d’Etat.

    * La protection de la « croyance » mais non de « religion » a aussi permis à la France de légiférer, par la loi du 15 mars 2004, interdisant les signes religieux ostensibles à l’école. L’école a pour particularité d’être fréquenté par des jeunes qui doivent être protégés de la "bataille des convictions" qui animent la société civile. Cette disposition permet de diminuer l’usage du blasphème face à l’affichage ostensible.

    Aspect philosophique : Cette loi montre implicitement une philosophie de l’équilibration, de la "tolérance réciproque", dans la mesure ou les signes religieux discrets sont autorisés à l’école mais pas les signes ostensibles. On a la un modèle de tolérance réciproque.

    Aspect juridique : C’est une loi de complément de la Constitution de 1958 et de sa seule liberté de croyance . Elle s’inscrit à la suite de la conception de la laïcité de 1905 telle que formalisée en son article 1 précité qui pose un droit de culte non absolu.

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    La liberté de croyance (partie de la liberté de conscience) possède son prolongement sous forme de signes extérieurs autorisés (ceux discrets). La liberté de croyance possède donc bien un droit d’expression. Il y a donc bien reconnaissance d’une certaine liberté de religion mais une liberté mesurée, non excessive, pacificatrice et pacifiée. Cela évite l’emprise du religieux à l’école. Ailleurs la bataille règne. Le blasphème est alors le complément de la laïcité. Le blasphème remplace la loi d’équilibration telle que posée pour l’école.

    Christian Delarue

    1) “Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion... Les tous premiers mots de l’article 18 DUDH indique une progressivité mais avec un saut qualitatif. La liberté de pensée et de conscience porte sur la liberté de conviction en général alors que la liberté de religion indique une liaison au divin.

    Avec le troisième terme il y a un double saut qualitatif.

    D’une part il s’agit d’une conscience particulière, à savoir une croyance divine, surnaturelle, transcendante puisque le mot “religion” vient de religare, verbe latin qui signifie relier et d’autre part une croyance particulière organisée. L’aspect matériel - l’activité religieuse organisée - est très important .

    Il distingue la religion de la simple dimension spirituelle qui relie l’individu à une transcendance . Un matérialiste n’est pas nécessairement dépourvu de toute conscience spirituelle ne serait-ce qu’à travers l’expérience amoureuse pour autant il ne s’agit pas de religion. Il n’est pas accroché à un Dieu mais à du sens. Et il ne participe pas à une machine de promotion d’un surnaturel.

    Car c’est le point important : pas de véritable religion sans appareil avec ses cadres, ses croyants de base, un budget, des bâtiments, une doctrine partagée qui décline sa "différence dogmatique"

    2) La religion au sens de manifestation organisée de la croyance signifie :

    * Le droit de pratiquer un culte et de tenir des réunions se rapportant à une religion ou à une conviction et d’établir et d’entretenir des lieux à ces fins ; * Le droit de fonder et d’entretenir des institutions charitables ou humanitaires appropriées ; * Le droit de confectionner, d’acquérir et d’utiliser, les objets et le matériel requis par les rites ou les usages d’une religion ou d’une conviction ; * Le droit d’écrire, d’imprimer et de diffuser des publications sur ces sujets ; * Le droit d’enseigner une religion ou une conviction dans les lieux convenant à cette fin ; * Le droit de solliciter et de recevoir des contributions volontaires, financières et autres, de particuliers et d’institutions ; * Le droit de former, de nommer, d’élire ou de désigner par succession les dirigeants appropriés, conformément aux besoins et aux normes de toute religion ou conviction ; * Le droit d’observer les jours de repos et de célébrer les fêtes et cérémonies conformément aux préceptes de sa religion ou de sa conviction ; * Le droit d’établir et de maintenir des communications avec des individus et des communautés en matière de religion ou de conviction aux niveaux national et international.


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  • Critique de l’émancipation selon N Sarkozy

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    Ce petit billet critique de l’émancipation selon N Sarkozy est dédié à la mémoire de Daniel Bensaïd .

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    Figurez-vous que N Sarkozy, chef de l’Etat français, a évoqué l’émancipation dans un de ses discours (1). Bon c’est rare. Très rare.

    Si vous avez loupé ce moment, il vous faut juste écouter ou lire ou relire son discours en participation au "grand débat" sur l’identité nationale lancé par Eric Besson . Occupé à fournir des réponses sur d’autres aspects de son discours le thème de l’émancipation est passé inaperçu . Émancipation de qui par rapport à quoi ? Quelle domination ? Écoutons d’abord N Sarkozy. "La France est un pays d’émancipation où chacun aspire à s’élever selon ses talents, ses mérites, son travail". Le début de phrase porte sur l’aspect collectif de l’émancipation et la fin de phrase sur l’aspect individuel. De ce point de vue on peut dire que N Sarkozy prend en charge les deux volets de l’émancipation. Une prise en charge particulière !

    I - Critique de l’aspect COLLECTIF de l’émancipation selon N Sarkozy

    Il dit : La France est un pays d’émancipation. Veut-il dire que la France est périodiquement adepte de grands mouvements de contestation, de résistance, de révolutions sociales ? Il le sait mais c’est précisément ce qu’il veut nier. Cet effacement se fait en deux temps, dans l’aspect collectif - ici - et dans l’aspect individuel (en II).

    Dans la conception de N Sarkozy l’émancipation collective est déjà là. Et même pour une grande par elle relève même du passé. La tâche est donc accomplie. Il n’y a plus de lutte collective de libération a engager. Sans trop faire dans la surinterprétation , on peut penser que N Sarkozy s’inscrit dans le courant de pensée qui voit dans la Révolution française de 1789 une révolution achevée. Sans doute l’histoire de France depuis lors a montré des reculs et des avancées en matière de droits démocratiques, de droits humains mais le cadre est posé pour lui comme pour les libéraux. Les français doivent faire avec puisque la France est sortie de l’ombre et de la domination des ordres rigides qui caractérisait le Moyen Age en 1789.

    Petit doute quand même. Voilà qui semble contredire certains de ses propos de campagne de 2007 sur l’identité nationale française ; une identité qui remonterait à la nuit des temps et que les identitaires reprennent aujourd’hui. Rapprochement : Le néolibéralisme a une spécificité qui le distingue du libéralisme classique qui fait que l’émancipation peut être plus celle des marchés que des droits humains. Fin aout 2007, devant une assemblée de patrons du MEDEF, N Sarkozy faisait l’apologie de l’entrepreneur. Voilà une catégorie sociale, une " section de peuple " qui doit avoir les " coudées franches " pour la conquête des marchés. L’émancipation des marchés se décline en émancipation des entrepreneurs et des entreprises. Point d’émancipation pour les travailleurs. De la subordination et mieux, une acceptation consciente des contraintes comme signe de liberté puisque philosophiquement il faut accepter ce que l’on ne peut changer.

    Le mérite de cette position, avec son infléchissement, si elle est correctement explicitée, montre à quel point pour la droite, la révolution de 1789 est achevée. La question sociale apparue au XIX siècle ne saurait déboucher sur une autre révolution qui prendrait la suite de celle de 1789. La Commune de Paris de 1871 n’est donc pas un pas de plus vers l’émancipation collective mais une erreur du peuple en colère. Pour la Gauche, à quelques exceptions, la Révolution française est une promesse, un commencement, un appel à la citoyenneté, à la construction d’institutions sociales. L’émancipation collective est loin d’être terminée. L’histoire donne pour partie raison à la gauche. Dans cette perspective, la gauche a soutenu Caillaux et son impôt sur le revenu alors que la droite l’a combattu et faisait plus tard la promotion d’un impôt injuste : la TVA. La gauche d’après guerre instituait la Sécurité sociale, de nombreux services publics avec un statut du fonctionnaire et de nombreux droits sociaux dont le SMIC. Le mouvement ouvrier est largement à l’origine de l’élargissement du sujet démocratique . Or aujourd’hui Kessler ( ) appelle les politiques à détruire ces conquêtes ouvrières. Hélas il n’y a pas que la droite à avoir répondu positivement à Kessler et ce bien avant que Kessler ait explicitement posé la revendication du MEDEF.

    La dimension collective de l’émancipation est bloquée et en régression sous l’effet de deux grands ordres de pratique. Il y a d’une part le néolibéralisme qui ne se contente pas de détruire des conquêtes sociales et démocratiques pour revenir en arrière mais qui entend étendre la sphère des institutions du capital donc le nombre des entreprises privées travaillant pour le profit via le marché mais aussi instituer - c’est sa spécificité par rapport au libéralisme classique - des normes de type marchande là ou le marché ne saurait s’implanter. Il y a d’autre part la dégénérescence bureaucratique du communisme du XX ème siècle.

    II - Critique de la dimension INDIVIDUELLE de l’émancipation

    La fin de sa phrase porte sur l’aspect individuel : "Chacun aspire à s’élever selon ses talents, ses mérites, son travail".

    Si l’émancipation doit se poursuivre c’est dans une perspective individuelle et même individualiste fondée sur le mérite. Point de privilège de naissance comme sous l’Ancien Régime mais une reconnaissance assurée au mérite. Et le mérite passe par le travail . Mais ce travail s’inscrit au sein d’une école très sélective s’agissant de l’acquisition des qualifications et au sein du salariat et de son rapport social pour ce qui est du travail proprement dit. Ce n’est plus la simple reconnaissance de ce qui avance en chacun de nous y compris les moins avancés . N Sarkozy défend ce cadre-là avec sa double dimension concurrentialiste et travailliste-productiviste. Son modèle d’individu est celui de l’entrepreneur conquérant inséré dans la guerre économique. Cette guerre économique est un fatum. Aucune émancipation collective n’est concevable à son égard. On ne peut qu’y participer avec éthique. L’éthique de la guerre et l’éthique du capitalisme ne saurait évidemment empêcher de poursuivre ces deux guerres.

    Or le concurrentialisme et le travaillisme-productiviste ne sont pas de l’ordre de la nature mais un construit social tout comme le marché. Et ce construit social est très générateur de dominations donc de recherches d’émancipations collectives et individuelles. N Sarkozy n’y peut rien. Juste réprimer un temps . Pas plus. C’est de l’ordre du réel appréhendé sous l’angle de la contradiction dynamique. Une résistance nait toujours de l’oppression. Et de cette résistance surgit des capacités et de nouvelles puissances d’émancipation et d’alternative(s). Emanciper c’est donner de la puissance pas de la violence.

    N Sarkozy et la droite font semblant d’ignorer la domination au travail issue de l’exploitation du travail salarié tout comme d’ailleurs les autres formes de domination dont le sexisme et le racisme. Il saute aux yeux que rien n’interdit à priori à une société donnée de continuer à développer les capacités diverses dans le cadre scolaire et de promouvoir ensuite que nul (adulte) n’est exempt de participer à la production de l’existence sociale ce qui suppose un partage du travail entre travailleurs et chômeurs par une RTT non compensée en intensification du travail. Un écrasement des revenus est aussi possible en relevant ceux d’en-bas et baissant ceux d’en-haut.

    Depuis l’avènement du néolibéralisme se construit un individu compétent et entrepreneur tourné exclusivement vers la recherche maximale du profit . Il participe de plus en plus à l’oppression d’autrui et à la domination dans le travail salarié subordonné. Cela crée des résistances et une aspiration collective au changement social. C’est de cette aspiration que surgit la perspective d’un socialisme pluriel.

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    Résumé pour les adeptes de la lecture transversale :

    * au plan collectif de l’émancipation, N Sarkozy dit la lutte du tiers-état est finie et la lutte de classe aussi avec une exception notoire il faut "aider" la classe des entrepreneurs opprimés par les rigidités diverses.

    * au plan individuel, il fait l’apologie de la lutte des places.

    Christian Delarue ex-LCR

    Sarkozy apporte sa contribution au débat controversé sur l’identité nationale

    http://www.france24.com/fr/20091113-president-nicolas-sarkozy-contribue-noble-debat-identite-nationale-chapelle-vercors


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  • Clochers et minarets : Autorisation en équilibration contre emprise.

    Le vote suisse est dangereux pour la dérive haineuse globale qu’il entraine . A question mal posée risque de mauvaise réponse. Mais il est encore possible de reconnaitre le fait architectural religieux tout en affirmant vouloir circonscrire sa trop forte emprise dans l’espace public qu’il s’agisse de minarets, clochers ou autre.

    Le premier texte portant sur l’emprise du religieux et du marchand a été complété par un autre qui emporte des précisions d’ordre culturel et idéologique.

    I - Autoriser mais limiter l’emprise du religieux sur l’espace public


    Le débat sur les minarets donne lieu à des positions radicales opposées alors qu’un compromis est réalisable à partir de principes clairs et cohérents. Les principes ne sont que des indicateurs mais ils doivent être diffusés.

    L’espace public devrait être neutre. Cet idéal n’est pas évidemment pas respecté. On peut même dire que c’est utopique. Il subi l’emprise de la marchandisation et celle du religieux. A défaut d’être totalement neutre on devrait limiter cette double emprise. Car qui dit emprise dit dépassement d’une limite. Un peu de religieux çà va trop c’est trop ! On peut en dire autant de la marchandisation : un peu de pub çà va trop c’est trop. On peut à cet égard invoqué la notion d’équilibration qui vient de Proudhon sous le sens "équilibration des contraires" et qui a été exhumée ou réhabilité par le sociologue altermondialiste Philippe Corcuff.

    A) Du côté de l’emprise MARCHANDE

    Les tableaux d’affichage associatif (souvent moches certes) disparaissent au profit des grands panneaux publicitaires (très propres évidemment). Cette dynamique va dans le sens de l’emprise de la marchandisation du monde. Une autre dynamique plus respectueuse de la vie locale (mêmes avec ses quelques débordements) viserait à favoriser l’expression associative de quartier avec plus de panneaux et à limiter la prolifération des grands affiches commerciales. Il en va de même pour l’emprise historique du religieux qui est mon propos principal.

    B) Du côté de l’emprise RELIGIEUSE


    Autoriser des locaux de prière pour les différentes religions ne fait pas problème pour l’immense majorité des gens mais sous certaines conditions. Les religions disposent toutes de locaux sauf l’islam. Ce que l’on nomme l’islam des caves qui devient l’islam à ciel ouvert - euphémisme d’islam dans la rue - n’est pas une solution. L’exercice du culte doit être privé. Ce qui suppose des locaux. Les religions ont de l’argent pour en construire.

    Reste à examiner les conditions.

    Il convient de rassurer la population sur ce point . Si aucune garantie n’est prise sur les conditions d’installation alors on trouve des réactions de protection qui ne font pas dans la nuance Un compromis, un équilibre des tolérances est nécessaire . Il y a besoin que les élites politiques affichent leur sens du compromis dont elles sont par ailleurs coutumières à l’ordinaire . Ce compromis devrait limiter l’emprise forte du religieux dans l’espace public . Autoriser certes mais en donnant des limites. Ce qui pose problème ce n’est pas l’existence de minarets discrets c’est l’existence de grands minarets et de minarets faisant appels bruyants à la prière. C'est pareille pour les grands clochers et les envolées répétés de cloches. Les cloches des églises sonnent d'ailleurs beaucoup moins que jadis . De la même manière que l’appel du muezzin est à brider si l'idée apparait. Mais il semble que ces appels soient rares pour l'instant.

    Que comprendre ?

    C’est le caractère ostentatoire et même impérialiste de certaines constructions qui gêne, qui importune. Une castration des phallus religieux est demandée qui n’est pas de l’islamophobie.

    Qu’est ce qu’un grand minaret demandera-t-on ? La réponse vient de la commune de Genevilliers - lue dans Ouest France de ce 1/12/09 - c’est un minaret plus haut que la mairie. Autrement dit on prend un bâtiment symbolique de la République et on dit pas plus haut ! Moins de grandiose et plus d’humilité pour les religions ne saurait faire de mal à la tolérance mutuelle.

    Si l’on veut bien regarder les choses ainsi, alors on évite l’affrontement et de traiter de racistes et de fascistes des gens qui ne le sont pas.

    II - Laïcité-équilibration contre emprise.


    On connaissait deux formes de laïcité : la laïcité-séparation et la laïcité-neutralité voici la laïcité-équilibration. La laïcité équilibration promeut la tolérance réciproque, l’ajustement des intérêts. Ce qui possible pour la laïcité ne l’est pas nécessairement dans tous les domaines. La laïcité a pour but de créer un espace commun ou il est possible de vivre ensemble en reconnaissant des différences qui sont acceptables non excessives. Telle société va dire que les signes religieux discrets sont acceptables à l’école mais pas les signes ostensibles ou ostentatoires. Ce faisant on peut dire qu’elle tranche un conflit de société en acceptant un peu mais en refusant l’excessif, l’abusif. C’est chaque société en fonction de son histoire qui ajuste ce compromis social.

    Ce n’est pas parce que l’autre camp procède à des amalgames que nous devons faire de même. Le gros du vote anti-minarets est sans doute xénéophobe mais pas tous loin de là. Il faut chercher à comprendre avant de caractériser à l’emporte-pièce. La vision globalisante, pratiquant la confusion et le campisme constant n’aide pas à gagner ceux qui pensent hors des deux schémas.

    Procédons à quelques distinctions qui aident à comprendre et structurer la complexité des visions du monde dans le champ culturel et dans le champ théo-idéologique. Ces distinctions relèvent plus des expériences militantes que d’une analyse savante ou scientifique.

    A) Aspects CULTURELS : trois conceptions du monde en présence.


    * Certains aiment les villages avec clocher et estiment que c’est là le bon terroir et la ruralité qui forme l’identité de la France (Agoravox le 1/12/09) en différence avec les villages musulmans des pays arabes. Nous sommes différents restons-le ! Ce respect des différences débouche sur un " chacun chez soi " complété marginalement par une acceptation de l’autre sous condition d’assimilation.

    * D’autres aiment la pluralité par réaction à ce chauvinisme et veulent un mixte de bâtiments religieux comme paysage de tolérance.

    * D’autres encore n’approuvent ni l’un ni l’autre : le premier pour sa préférence catholique séparatiste fondée sur la subculture chrétienne qui perdure, le second car ils se font plus religieux que les religieux en autorisant un envahissement du religieux pluriel . Ici il peut y avoir deux positions l’une laïque radicale plus d’église, synagogue et mosquées (bulldozer à la Pol-Pot) , l’autre plus modérée qui les acceptent mais limitant à l’avenir le caractère ostensible et grandiose tant pour les grands minarets que les grands clochers.

    B ) Aspects IDEOLOGIQUES : une double dégénérescence qu’il faut critiquer :


    * Versus déplacement des acteurs visés : Celle islamistophobe (critique de l’islamiste et de l’islam radical ) qui dégénère vers la musulmanophobie (peur de tous les musulmans assimilés aux islamistes radicaux) . Exemple de lecture : En 1998, le premier ministre Turc actuel, M Erdogan, disait : "Les mosquées sont nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants nos soldats." A partir de là on imagine que les dirigeants des mosquées sont tous des islamistes radicaux. On ne sait que peu de chose sur le sujet d’ailleurs. Mais la raison impose de penser que la présence-absence de minaret n’est pas très déterminante sur leur activité qu’ils peuvent mener sur les autres lieux de prières, rues ou caves.

    * Versus " du texte aux croyants " : Celle islamophobe (entendu ici au sens strict comme simple critique de l’islam pouvant aller jusqu’au blasphème) qui dégénère vers l’islamophobie raciste, la musulmanophobie (de Robert Redeker au clip de Wider) . Ce discours contient en général une part de critique acceptable du texte religieux et de ses pratiques mais aussi une critique in fine des croyants. Autrement dit il opère tôt ou tard un passage de la critique d’une croyance à une stigmatisation des croyants. Le passage peut être plus ou moins net dans "l’incitation" ce qui fait qu’il n’y a pas toujours procès juridique.

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    Christian Delarue

    Qui exprime ici une conception complémentaire voire différente de celle du MRAP dont il est membre (BE &CA)


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  • MANAGEMENT

    Malgré les souffrances dans le prive le "sale boulot" arrive dans le public!

    Initialement c'est une note sur le rapport Difenbacher pour la CE du SNADGI-CGT 35. Je l'ai aménagé et complété ici ou là.

    Le contexte 2009 concernant le travail est constitué de suicides, de souffrances sur fond de précarité, de chômage, d'intensification du travail, de salaires à la baisse. Ce contexte salarial n'est pas que français, puisque des auteurs comme Michel Husson ont montré que l'écart salaire-profit n'avait cessé de s'agrandir depuis 20 ans au détriment des salaires ( ). Quand au  chômage et à la précarité, nul besoin de longs développements car nombreuses sont les familles qui ont un jeune mais aussi un adulte dans cette situation. C'est dans ce contexte, et à la suite de l'orientation de N Sarkozy en 2007 sur le "travailler plus pour gagner plus" que Michel Diffenbacher, député, rend son rapport en mai 2009 sur "L'interessement dans la fonction publique", dans les trois fonctions publiques en fait.

    Les entreprises privées connaissent un système de prime depuis 1959. Ce système s'est perfectionné et a été généralisé, notamment dans les entreprises publiques lorsque les socialistes se mirent à faire l'apologie de l'entreprise au début des années 8O. Avec les primes apparurent les cadences infernales non seulement dans les usines mais aussi dans les bureaux. L'infomatisation a accrue cette intensification. Mais il ne suffisait pas aux entreprises d'accroitre les cadences pour augmenter les profits, il fallait aussi pour satisfaire la clientèle maintenir un travail de qualité. La norme fut donc celle du travail intensif de qualité. Aux managers de trouver le moyen de parvenir à ce niveau d'exigence. La réponse fut un système plus élaboré de primes, avec pour pilier une très forte prime pour celles et ceux qui parviennent à obtenir quantité et qualité.

    Voilà ce que M Difenbacher préconise pour les trois FP. On sait pourtant aujourd'hui plus qu'avant l'état de tension généré par ce système très inégalitaire puisque seuls les plus performants reçoivent un gain conséquent. Les sentiments de déclassement des uns sont plus courants et plus vifs d'autant que les effets du surclassement des autres peuvent être insupportables. L'auteur le sait et préconise une phase de transition avec moins d'écart en montant de prime. La somme qu'il propose est de 300 euros dans un premier temps. Ce qui est attendu est que les "rapides" vont se mettre à soigner la qualité et que les "qualitatifs" trop lents vont se mettre à accélérer le pas. Ceux qui n'arriveront pas seront pénalisés car il ne s'agit plus de payer le travail mais la performance. Son rapport précise que ce changement majeur heurte la culture de la FP mais que les mentalités évoluent et que le moment est venu . Effectivement les cadres des trois FP deviennent de plus en plus les laquais du capital.  Il deviennent de plus en plus des "exploiteurs" froids et cyniques, les yeux rivés sur les tableaux de statistique... et sur leurs primes. Par contre les personnels de base - C, B, A - sont plus résistants et critiques ainsi que la plupart des syndicats. Pas tous car le passage par la signature des "partenaires sociaux" est préconisé avant le passage au Parlement.

    M Difenbacher précise aussi que son projet de réforme ne serait pas contraire au statut de la fonction publique. Pourtant le statut de la FP est fondé sur la qualification - diplôme national -concours catégoriel - formation au poste - et non sur la compétence . La compétence est le fruit de la formation théorique et pratique d'adaptation au poste d'affectation. Ce statut de la FP permettrait donc pareille situation d'arbitraire et d'inégalité ! Pour riposter, M Difenbacher ose citer M Thorez et l'idée de proportionnalité de la rémunération à l'effort. Sans vouloir défendre Thorez il faut souligner l'habileté et même la manipulation . Car l'auteur oublie évidement le cadre statutaire fait du respect des qualifications qui empêche que le plus gradé gagne moins que le moins gradé et le principe qui veut que tout fonctionnaire doit bien vivre de son travail, y compris les moins "performants" . Or il y existe aujourd'hui en France des fonctionnaires pauvres. Longtemps la Grande-Bretagne en a eu la spécificité. C'est fini. En outre, désormais il faut attendre la fin de carrière pour disposer d'un salaire au-dessus du salaire médian. Et le salaire médian est peu élevé. N'oublions pas qu'aujourd'hui l'immense majorité des fonctionnaires sont des prolétaires (1).

    Il faut refuser

    - Le harcèlement comme méthode managériale de suivi - même poli en la forme - quotidien des objectifs et résultats tant quantitatifs que qualitatifs.

    - la dynamique de déclassement-surclassement produite par le système des primes à la performance.

    - la baisse généralisée des salaires

    Il faut défendre:

    - la rémunération du travail ordinaire hors tout référence à la performance

    - le système de la qualification

    - une nouvelle RTT hebdomadaire en France et en Europe

    L'inversion de la dynamique historique de réduction hebdomadaire du temps de travail liée à l'intensification du travail et à la réaction sarkozystz produit le surtravail des uns et le chômage des autres. Pour les travailleurs l'intensification produit en outre, hors travail, un penchant fort pour le divertissement le plus plat, par ailleurs totalement contraire à l'investissement citoyen. Le soir, après le travail, les envies de ressortir pour des activités citoyennes sont anéanties et les capacités de lecture sont réduites et même les émissions de télévision ne suivent pas la pente de la qualité. La demande rejoint l'offre sur une base de médiocrité. C'est ainsi que se prépare les régimes fascistes. L'expression paraîtra forte mais un auteur a pu montrer que la propagande abrutissante avait grandement participé à la montée du nazisme.

    XX

    1) Prolétaires signifie qu'ils épuisent chaque mois leur salaire pour vivre ou faire vivre leur famille. La frontière supérieure du prolétariat dans les pays développés évolue de 2700 euros à 3200 euros selon les conditions de vie. Au-dessus, entre 3000 et 5000 euros par mois, il y a la couche aisée des travailleurs (salariés ou indépendants) ou du petit patronat.  Au-dessus des 7000 euros commence la rémunération des dirigeants. Ce n'est plus alors le mois qui est l'unité de "poids" mais l'année. Certains atteignent des niveaux exorbitants qui font d'eux une espèce humaine à la fois très cupide mais aussi très parasitaire. Les parasites d'en-bas font pitié pas ceux d'en-haut. Vers eux ce tourne notre colère revendicative.

    Débat sur l'Humanité entre G Tron UMP, J-M Canon UGFF-CGT et Anicet Le Pors Ancien Ministre de la FP.
    http://sgpen.cgtnord.free.fr/Binder1.pdf


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  • Lutter partout contre la violence et le sexisme mais pas avec des matraques .


    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article934

    *Les enseignants ont peur. Les jeunes-filles aussi.

    Vous pouvez lire ce papier de Marie-Estelle Pech sur le Figaro du 27 nov 2009. L’article évoque après la projection du film "La journée de la jupe" les réflexions des enseignants sur les violences et le sexisme des jeunes dans les classes de villes de banlieue parisienne. « Je suis rentrée plusieurs fois en larmes chez moi, dépassée » (http://www.lefigaro.fr/)


    Violence à ce point . Pas partout sans doute.

    * C’est pourquoi l’information doit circuler. Mais QUELLE INFORMATION ? Car il ne s’agit pas de recommencer les mêmes scènes télévisuelles que du temps des campagnes de 1997 ou de 2002 et d’insuffler plus encore la peur au profit du sécuritarisme policier. Il ne s’agit encore moins de promouvoir une vision unilatéralement ethnique ou communautariste de la violence. Mais pas d’angélisme non plus il y a désormais un racisme anti-blanc qui répond à un racisme anti-noir ; un racisme anti-français qui répond à un racisme anti-immigré des ex-colonies.

    Face à cette situation *la rhétorique de l’IDENTITE NATIONALE parait piteuse*. Un sondage récent montre une indifférence des français sur ce plan . Pire la fétichisation des symboles de la nation produirait des réactions de type blasphématoires ("Pisser" sur le drapeau ou siffler la Marseillaise). Ces réactions ne sont pas du racisme anti-français. Il en va autrement des bombages de bâtiments officiels ou d’insultes anti-françaises de personnes françaises ou supposées telles.

    Il n’y a pas que les enseignants a tirer la sonnette d’alarme ; LES FILLES AUSSI. « Les filles portent des pantalons ou s’habillent comme des sacs, car elles n’ont pas la possibilité de dévoiler leur féminité par peur d’être mal considérées. » Les jeunes filles, dans certains lycées et certains quartiers, subissent un sexisme virulent soit celui des machos blancs qui prennent pour modèle les éructations du chanteur Orelsan ou soit celui des jeunes musulmans influencés par l’islamisme radical qui menacent les jeunes filles non voilées. Mais pas d’amalgame tous les jeunes musulmans ne sont pas imbibés de respectabilité d’apparence et des pro-voile imposés. Et tous les jeunes blancs ne sont pas fan d’Orelsan.

    Cette clarification permet de combattre le PHANTASME DE L’ISLAMISME RADICAL PARTOUT comme danger public numéro 1. Il y a bien des islamistes radicaux qui cherchent à créer des groupes radicaux . Il faut évidemment les combattre et stopper leur faculté de nuisance. On ne saurait à l’instar de l’extrême-droite s’en prendre constamment à toute une communauté religieuse pour ce faire.

    Pour être juste, il faut bien dire qu’aujourd’hui LA POLICE elle-même fait peur. Sous le sarkozysme, elle intervient sans ménagement contre la population, elle brutalise et emprisonne des innocents. Le dernier cas date de la venue de F. Fillon, L. Châtel et V. Pécresse au lycée Roosevelt de Reims : Tous dans le panier sans distinction et gardes-à-vue de 24 heures suivie de comparutions immédiates pour cause de menaces de prison. Les innocents largement majoritaires sont dans le tas ! (2) La peur de la police devient désormais plus réel que la peur des islamistes. Mauvais temps pour les libertés et la démocratie !

    VIVENT LES ENSEIGNANTS ! Les enseignants ont une lourde tâche pédagogique. Il mériterait d’être mieux soutenu par les politiques. Au regard des mouvements revendicatifs du premier semestre il y a tout lieu de penser que ce n’est pas le cas. Décidément le sarkozysme n’est pas bon pour le peuple-classe français !

    Christian Delarue

    1) Orelsan, une liberté qui opprime les femmes.


    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article706

    2) LO : Fillon à Reims : l’éducation à coup de matraque

    http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2156&id=18

    MEDIAPART Mr François Fillon à Reims : La police encore sur les nerfs
    26 Novembre 2009 Par michbret
    Cela ressemble à l’histoire de Poitiers mais avec des variantes.

    http://www.mediapart.fr/club/blog/michbret/261109/mr-francois-fillon-reims-la-police-encore-sur-les-nerfs


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