• Seuils : Les trois grandes formes de République .

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1666

     

    * Les variations sur les grands principes.

    Les principes républicains de liberté, égalité, fraternité (1) ne sont pas hors de la lutte sociale sous des formes diverses . Ils ont fait l’objet d’ajouts comme celui de laïcité mais aussi d’autres plus contestables et d’interprétation qui tendent à donner une certaine couleur à la République.

    Le liberté, égalité, fraternité peut virer au "travail, famille, patrie" et la République devenir coloniale dehors et exploiteuse en interne.

    Si pour certain la vraie république porteuse d’émancipation est sociale et même socialiste il faut se souvenir que pour d’autres - SFR par exemple(2) - elle ne saurait qu’être libérale et capitaliste. Dans un conflit de SFR contre le syndicat SUD, SFR tirait argument de référence à l’autogestion socialiste dans les statuts du syndicat pour signifier qu’il n’était pas républicain. Pour les capitalistes la République défend d’abord le droit de propriété et liberté d’entreprendre alors que ces droits certes constitutionnalisés sous la V ème République n’ont jamais fait partie des "valeurs républicaines ».

    Il ne s’agit pas ici de mesurer l’écart entre les Républiques réellement existantes et la ou les Républiques théorisée(s) notamment par rapport à la question coloniale ou à celle du racisme. Il s’agit de procéder à des distinctions en rapport à la démocratisation, aux droits sociaux et à la perspective socialiste. Ce texte complète celui-ci : "Les cercles de l’émancipation par la démocratisation"

    Les droites passées à la République dans la France de la fin du XIX ème siècle vont tendre à promouvoir une liberté des puissants qui va dissoudre la dite République dans un libéralisme destructeur. C’est la critique faite depuis longtemps déjà par Madeleine Rébérioux et d’autres.

    * Distinctions sur la République.

    Mais les distinctions à former sur la République tendent ici à se dégager (un peu) de l’histoire française et portent plus la marque d’une perspective marxiste et altermondialiste plus généralisable qui prend en considération tout à la fois les processus d’intervention des peuples-classe - en plus (extension) ou en moins (rétrécissement) - et donc les grands niveaux qualitatifs de démocratisation et socialisation d’une société donnée.

    Il n’y aurait alors pas qu’une République qui serait "la République du centre". C’est ce que défendaient les solidaristes de la III ème République française derrière Bourgeois, Bouglé, etc pour s’opposer sur leur droite aux monarchistes et aux libéraux et sur leur gauche aux marxistes divers et aux communistes. Si la République présente certaines caractéristiques qui l’oppose au royalisme qui pose des sujets contre les citoyens et aux dictatures théistes qui place la volonté divine à la racine des modes de gouvernance, il faut bien remarquer que dans son spectre élargi elle peut prendre plusieurs formes.

    Ici il s’agira donc d’offrir une modélisation générale sous forme de triptyque : libérale, sociale, socialiste. C’est qu’il y a plusieurs façon d’accommoder les grands principes républicains : liberté, égalité, fraternité, laïcité (1 ).

    Il y a aussi la distinction "République jacobine" qui lutte contre la féodalisation territoriale et les inégalités mais par un centralisme excessif et la "République décentralisée" qui peut accompagner un développement inégal et combiné du capitalisme fort préjudiciable à la République .

    Il y a aussi sous couvert de République une tentative d’ homogénéisation culturelle au profit de la culture dominante et au détriment des cultures dominées dites régionales. Mais respecter une certaine diversité culturelle des différentes régions ne signifie pour autant effacement du cadre national dans d’autres aspects importants, ceux qui via les services publics permettent d’éviter la fragmentation et les inégalités entre régions.

    * Les trois grandes formes de République.

    La République libérale s’emploie à restreindre la vie démocratique - entendu comme mode de décision, d’interpellation et d’intervention du peuple - ainsi que les droits égaux au profit de la gouvernance et de la marchandisation. La République libérale s’accompagne d’un rabougrissement démocratique et d’une montée des inégalités du fait de la libéralisation du marché et de ses principaux acteurs, les firmes multinationales. La République libérale peut aisément dégénérer en République nationaliste ou ethnique si la référence républicaine au "démos" (citoyen) s’efface devant l’ethnos, un ethnos catho-laique par exemple. Le nationalisme se tourne vers l’extérieur contre l’étranger stigmatisé et vers l’intérieur contre les minorités nationales . Elle peut connaitre aussi une pente "césariste démocratique" ou "bonapartiste".

    La République sociale étend et approfondie la démocratisation tout en maintenant une large place au marché. Elle généralise cependant le principe d’égalité des droits comme l’indique Pierre Ruscassie dans "Démocratie contre nationalisme" et ce faisant elle augmente le champ des services publics avec un contenu plus important de satisfaction des besoins sociaux, ce qui fait que les missions publiques d’intérêt général ne semblent plus être une politique de détournement des missions politico-administratives au profit des entreprises capitalistes et du marché . La République sociale fait aussi jouer à la fiscalité un rôle redistributif du haut vers le bas qui marque un changement conséquent avec la République libérale. Elle défend la Sécurité sociale. Bernard TEPER (UFAL) en fait même un repère fondamental de sa caractérisation mais cet auteur se revendique d’une définition proche de Jean Jaurès aisément mobilisable en France pour un projet de gauche mais qui n’est pas exactement celle ici évoquée.

    Dans cette perspective, la République socialiste n’est que la suite de la République sociale dans la mesure ou elle monte d’un cran qualitatif la socialisation et la démocratisation de la République sociale. Mais en fait elle opère une rupture franche en cassant la domination du capital et en assurant ainsi le dépassement effectif du capitalisme. Elle réalise le saut du système d’alternance institutionnelle au sommet à celui de l’alternative globale au sein de l’Etat et de la société civile clivée par les rapports sociaux. Une telle rupture ne se remarque pas qu’en interne. Aller vers le socialisme c’est aussi rompre avec la domination impérialiste et néocoloniale en externe.

    *

    Le socialisme ne se définit pas seulement par la collectivisation des moyens de production. On dirait aujourd’hui avec Yves Salesse appropriation sociale. Elle une dimension "démocratie poussée jusqu’au bout". Non seulement l’écart entre les citoyens et les élus sont réduits mais les rapports démocratiques entre dirigeants et dirigés sont radicalement transformés. Les rapports marchands fondés économiquement sur la solvabilité et juridiquement sur le contrat sont réduits par la logique de service public qui met en place par la loi la péréquation tarifaire

    Christian DELARUE avril/mai 2011

    1) Le "carré républicain" : Liberté, Egalité, Adelphité, Laïcité. http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article911

    2) La République et le syndicalisme - Mouvements http://www.mouvements.info/La-republique-et-le-syndicalisme.html

    Eléments sur le socialisme C Delarue

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1104

    Néo-solidarisme ou néo-socialisme

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article707


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  • ATTAC : La question de la seconde chambre.

    Les débats dans ATTAC et notamment au sein de la commission "démocratie" ont débouché sur plusieurs propositions.  Mais aucune n'est définitivement tranchée ni par le CA ni par une AG. Pour être plus précis, le vote de la résolution "démocratie" (1) lors de l'AG de 2010 ne signifie pas adoption de la Chambre citoyenne du simple fait de sa mention entre parenthèse. En effet le texte indique in fine ceci : (référendum d’initiative populaire, tirage au sort, conférence de citoyens…). Il s'agit simplement d'un début de liste de "formes alternatives de démocratie", le propos n'étant pas exhaustif. Le vote des membres d'ATTAC a plutôt porté sur la dynamique générale du texte et non sur ces points mis entre parenthèses.

    Sur la question du bicamérisme, on distingue ceux qui mettent en cause l'existence même d'une seconde chambre et qui propose purement et simplement la suppression du Sénat (2) de ceux qui acceptent son existence mais en modifiant ses caractéristiques . Ici on trouve d'une part ceux qui proposent une Chambre des citoyens (3) et ceux qui propose une seconde chambre "sociale" ou "populaire"

     La chambre sociale représente le monde du travail. Dans cette chambre le droit de vote est lié à un statut à l'image des conseils ouvriers de jadis. Les différentes professions salariées et indépendantes y serait représentées en fonction de leur poids dans la société. Mais là plusieurs variantes sont concevables. Et rien n'y tranché car la discussion n'a pas eu lieu.

    Pour mémoire, on note aussi la proposition d'une chambre des nationalités dans les Etats plurinationaux. Ce n'est pas le cas en France. Il s'agit juste de noter ici le souci de vouloir améliorer la représentation populaire sous ses différents aspects.

    Tout cela n'évite pas encore la dépossession par les élus transformés en classe dirigeante permanente au-dessus du peuple. C'est pourquoi la question des mandats se pose de plus en plus. C'était jadis une question mineure. On distingue le cumul des mandats "horizontaux" de postes différents (être sur 4 ou 5 types de mandats en même temps) du cumul des mandats "verticaux" sur un même poste ( avoir fait "carrière" sur un mandat national : 5 X 5 ans par exemple).

    Cette question se redouble de celle des rémunérations des élus qui du fait des montants élevés (supérieurs à 5000 euros brut par mois) en viennent à défendre plus les intérêts des riches que des couches prolétaires et moyennes. Pour mémoire F Hollande signalait en 2007 que le mur de la richesse était à 5000 euros brut soit 4000 euros net par mois.

    Christian Delarue


    1) AG ATTAC 2010 : Résolution : Le combat pour la démocratie en France.
    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1401

    2) Monocamérisme : les débats de 1946, la questions des libertés et perspectives

    http://www.blogg.org/blog-44839-date-2008-07-08-billet-monocamerisme___les_debats_de_1946__la_questions_des_libertes_et_perspectives_-834228.html

    3) La Chambre des citoyens : faire du tirage au sort un élément d'une démocratie active
    Jean-Claude Beauduret, Marc Brunet, Robert Joumard
    http://www.france.attac.org/spip.php?article11951

    4)Casser le dispositif de formation des "grands élus" en classe dirigeante autonomisée.
    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article692


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  • "Classes populaires" ? : Recherche prolétaires et peuple-classe désespérément.

    Texte du 23 décembre 2009 repris le 27 mars 2010.

    *

    L’expression très employée de "classe populaire" (au singulier ou au pluriel) a plusieurs gros défauts : D’abord elle cache les prolétaires, notion polysémique. Ensuite, elle fait souvent référence à un spectre étroit des "couches populaires", terme plus juste quoique assez flou qui signifie "ceux d’en-bas". Enfin, la notion de "classe populaire" se refuse à admettre en général les couches moyennes. Les dites "classes populaires" - ceux d’en-bas plus les couches intermédiaires - seraient alors un équivalent du peuple-classe. Les couches supérieures, assimilées à la bourgeoisie complètent la stratification sociale de la nation.

    Si l’expression "classes populaires" ou mieux "couches populaires" sont donc pas les seules à être imprécises. Ainsi, la notion de "couches moyennes" mélange les travailleurs aisés et les autres aux conditions de vie plus modestes. Il y a donc un enjeu à définir les prolétaires de façon renouvelée et à compléter cette définition par celle de peuple-classe.

    Bien souvent, ce discours flou n’est pas neutre politiquement. Il s’agit de favoriser un ou des compromis de classe qui préservent la bourgeoisie et qui taxe les couches moyennes y compris basse-moyenne pour donner soit-disant aux plus bas. Il y a là un aspect " prendre à Pierre pour donner à Paul" que l’on perçoit à droite et au sein de la gauche néosolidariste .

    Beaucoup trop de défauts donc : un recadrage s’impose pour coller plus au réel.

    I - Classe(s) populaire(s) : le bas-peuple, l’ouvrièrisme et l’exclusion des couches moyennes.

    * Ce que l’on nomme improprement "les classes populaires" n’est pas tout le peuple.

    Cela se rapporte aux couches inférieures du peuple, les ouvriers et les employés du privé et du public. Remarquons qu’il s’agit que d’une partie des prolétaires entendu ici au sens de couche sociale épuisant totalement son salaire dans le mois ou du moins ne disposant que de peu d’économie à épargner. Cet "oubli" est très significatif.

    Comblons ce silence. Les prolétaires tels que précédemment définis perçoivent leur revenu "par mois" et même pour être encore plus précis en terme de "fin de mois" et non en revenu annuel comme les riches. Notons que la perspective néomarxiste combine cette définition stratificationniste des prolétaires avec la définition "classiste" et marxiste orthodoxe du prolétariat comme celui qui vend sa force de travail pour vivre. Il y a une face "production" et une face "accès aux marchés" à prendre en considération . Une forte majorité du prolétariat-classe est aussi un prolétariat-couche sociale "fin de mois". On peut et on doit mobiliser les deux acceptions pour comprendre la subjectivité agissante et agir pour la solidarité dans l’action.

    * La formule "classe populaire" est la suite aménagée de feu la classe ouvrière de l’industrie du PCF des années 60 .

    Elle est juste un peu gonflée par l’ajout des employés. Les techniciens du privé et les cadres A "de base" de la fonction publique en sont ordinairement exclus à tort. Le corollaire en terme de lutte est le solo de la classe ouvrière alors que de nombreuses grèves et manifestations sont aussi le fait de cadre A dans l’enseignement et dans la santé. Les cadres A "de base" subissent l’exploitation salariale en termes d’intensification du travail et de salaires modestes quoique plus élevés que les B et C. Un agrégé de l’enseignement en fin de carrière perçoit 3200 euros par mois en 2010 après avoir fait carrière avec beaucoup moins. Autrement dit les plus qualifiés de la fonction publique, à l’exception des cadres supérieurs des administrations (les A+), ne montent pas au-dessus de 3000 euros par mois si ce n’est grâce aux primes ou en fin de carrière. Il en va différemment dans le privé.

    * La formule "classe populaire" ou "couches populaires" opère souvent (pas toujours) une exclusion les couches moyennes, salariées ou indépendantes. Or ces couches moyennes sont une fraction du peuple, du peuple-classe. On ne saurait les évacuer. Quitte à préciser leurs avantages et inconvénients de position en société. Il faut donc les repérer.

    La couche moyenne aisée perçoit entre 3000 et 5000 euros par mois. Elle dispose en général d’un patrimoine de valeurs boursières et d’un patrimoine immobilier de confort certain de type résidence principale plus une voire deux résidence(s) secondaire(s) qui n’a absolument rien de commun avec le patrimoine de la bourgeoisie. Les revenus des 12 catégories de dirigeants débutent à 7000 euros par mois mais les chiffres montent très vite et en valeur annuelle. Ces grands dirigeants ne regardent pas les fins de mois tout comme les travailleurs aisés précités. Les chiffres portant sur les revenus indiquent un "trou" entre 5000 euros par mois et 7000 euros par mois. On y trouve les professions indépendantes : notaires, dentistes, avocats, patrons de PME, etc... La grande bourgeoisie ( plusieurs fois le SMIC) au sommet de la bourgeoisie dispose d’un train de vie très supérieur à celui des couches moyennes : grands bateaux, avions, grandes résidences, etc... (dont l’usage est fort couteux en énergie).

    *

    II - Élargir la sphère de ceux d’en-bas en deux cercles : les prolétaires et le peuple-classe.

    A - Le première cercle est formé des prolétaires

    Ils disposent de moins de 3000 euros par mois lorsqu’il y a famille monoparentale et enfants . La limite supérieure peut être fixée en-dessous pour d’autres situations : mieux vaut avoir 2 x 2600 euros qu’une fois 3000 euros.

    Les prolétaires connaissent des conditions de vie supérieures au sous-prolétariat, soit ceux qui vivent avec moins que le SMIC (1300 euros par mois). Ce n’est plus la fin de mois qui est l’horizon des sous-prolétaires mais c’est le quotidien qui fait souci constant. Serge Paugam parle de "travailleur pauvres".

    Pour cet ensemble hétérogène à moins de 3000 euros par mois, nommé prolétaires, il importe de proposer un bouclier social et fiscal.

    B - Le second cercle est formé par le peuple-classe.

    Prolétaires + couches sociales aisées (travailleurs ou non) = peuple-classe.

    Nation - bourgeoisie = peuple-classe

    *Le peuple-classe se définit par la population en résidence sur un territoire national (ou le cas échéant multinational) moins sa classe dominante, sa bourgeoisie*. C’est un cercle supérieur à celui des prolétaires.

    En France cela donne environ 95 % de la population résidentielle. Les chiffres varient dans la mesure ou certains auteurs intègrent par extension à la classe dominante la couche d’appui de la bourgeoisie . Il s’agit de certains cadres supérieurs dans la haute administration, dans les grandes entreprises, ainsi que des journalistes appointés par le capital . Cette conception élargie de la bourgeoisie parait trop extensive. Elle relativise la différence entre ce qui caractérise la classe dominante en terme d’étendue des propriétés mobilières et immobilières, résidentielles et d’entreprise, en terme aussi de réseau, de liens de famille et sa couche d’appui. La couche d’appui du capital malgré les fortes rémunérations et les avantages en nature (appartement et voiture de fonction) demeure des salariés subordonnés ou des travailleurs indépendants.

    Mais même si l’on adoptait cette conception extensive de la bourgeoisie il n’en demeure pas moins que le peuple-classe serait très très majoritaire : plus de 90 % de la population résidentielle. Le peuple-classe c’est donc l’ensemble des dirigés, tous les subordonnés au-delà du seul salariat, celui qui subit la puissance des politiques libérales menée par la classe politique dirigeante en faveur de la bourgeoisie, classe dominante. Voilà ce qu’il faut voir.

    Et dire ceci n’empêche nullement de voire qu’au sein du peuple-classe ce sont les sous-prolétaires et les prolétaires qui subissent le plus en terme de revenus et de précarité ou de chômage. Voire ainsi la société permet d’avancer la notion de "bouclier social des moins de 3000 euros par mois" et donc d’avoir une politique de classe pour les partis de gauche qui ne veulent pas en rester à une vision misérabiliste et compassionnelle du social.

    Christian DELARUE

    NB Les syndicats sont plus sur la conception du prolétariat-classe incluant les cadres y compris parfois les hauts cadres qui sont couche d’appui du capital, ce qui fait débat. Ces hauts cadres pratiquent le pantouflage entre public et privé. Certains sont d’ailleurs devenus des membres de la bourgeoisie.

     


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  • Le peuple-classe, ses ennemis et ses contradictions internes

    Ce texte est la suite du texte "Pour une approche du peuple-classe" posté le 2 octobre 2008 sur ce blog et sur :

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article408

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article71956

    Entre la Nation, notion englobante, le plus souvent faite chose de la bourgeoisie, et la classe ouvrière au sens étroit du terme, calé sur la cétégorie "ouvrier", classe morte de solo ouvrièriste dans ses luttes, on peut reprérer deux entités sociologiques mobilisables situées à deux niveaux différents : le Travail et le peuple. Le peuple-classe est une catégorie politique située entre le prolétariat (au sens large - working class) et la Nation. Qu'il s'agisse du Travail ou du peuple-classe, une tâche syndiacale est toujours à mener pour réaliser l'unité, unité des prolétaires - ceux et celles qui vendent leur force de travail pour vivre - et unité du peuple face aux dominants. L'autre combat à mener porte sur l'internationalisme (mot ambigu) au sens d'une part de "prolétaires de tous les pays unissez-vous !" et "peuples de tous les pays unisez-vous", ce que Samir Amin nomme "l'internationalisme des peuples" (1).

    I - Les ennemis du peuple-classe (en vue de son émancipation)

     Le capital national et international ou mondial. Le capital est un rapport social qui oppose les travailleurs (le Travail) et les propriétaires des moyens de production et d'échange (le Capital). Il s'agit ici du capital oppsé au travail. Il peut s'agir, en termes de champ d'activité, du capital financier ou du capital productif industriel ou du capital commercial (sociétés spécialisée dans l'échange marchand, la circulation marchande des biens et services. Sous le terme de capital on entend non seulement le conseil d'administration des grandes sociétés transnationales ou des firmes multinationales mais aussi le patronat des entreprises nationales.

     Les représentants du capital : Ils sont actif dans le champ politique ou au sein de la société civile . Les élus de droite et même les élus de gauche peuvent servir les intérêts du patronat. Même quand les élus ne sont pas de façon durable au service du capital ils sont en situation d'extériorité par rapport au peuple. Il y a un rapport social de soumission entre les élus et le peuples dont la citoyenneté sert de rideau de fumée. Dans la société civile face aux syndicats de salariés ou aux élus qui font les lois, le patronat dispose pour mener sa lutte de classe de façon offensive, d'outils efficaces. En France ce sera le MEDEF. En Europe et dans le monde les capital dispose de lobbies puissants . Enfin, le capital peut compter aussi sur de nombreux organes de presse comme gros appareils idéologiques d'influence.

     L'Etat au service de l'intérêt général du capitalisme. C'est surtout l'Etat capitaliste qui constitue l'outil le plus performant pour assurer les intérêts supérieur du capital au-delà de tel ou tel intérêt particulier capitaliste. Notemment en temps de crise, c'est l'Etat et ses appareils qui assure la restructuration du capital en éliminant les "canards boiteux" au profit du capital fort au détriment des salariés et des créanciers. L'Etat doit stratégiquement se présenter comme neutre et arbitre entre les classes et entre les différents secteurs du capital. Sa principale tactique pour régner est d'user de la division, des multiples sectorisations possibles de sa politique pour empêcher l'unité du prolétariat et plus largement du peuple contre le capital . Pour satisfaire sa mission il procède soit par consentement (carotte) soit par répression (bâton). Pour user du consentement il peut donner partiellement satisfaction (grain à moudre au temps ou l'Etat social est relativement possible) ou il joue de l'idéologie et du sécuritaire. Il peut aussi s'appuyer sur le nationalisme tantôt le national (Ministère Hortefeux), tantôt le petit (le communautarisme religieux peut remplacer le "social" du service public) ou le moyen (ONG défendant le caritatif et s'inscrivant dans l'accompagnement social du capitalisme)

    II - Les contradictions internes du peuple-classe (les difficultés de constitution d'un peuple pour soi).

    Le peuple-classe est une quasi-classe. Il est hétérogène. Deux grandes configuations de clivage internes sont repérables. Contradictions qui lorsqu'elles sont fortes relativisent la notion même de peuple-classe. Car le peuple-classe connait des clivages internes qui peuvent être durs.

    - Le rapport d'encadrement et de commandement .

    Le petit patronat produisant pour un marché local - que je place au sein du peuple-classe - comme l'encadrement salariés supérieur sont dans un rapport social secondaire d'exploitation beaucoup plus perceptible par les travailleurs salariés.

    Dans les petites entreprises de peu de personnes produisant pour un marché local le patron peut se montrer dur en terme d'exploitation des salariés. Mais, en fonction du l'objet du conflit les patrons de ces petites entreprises peuvent à la fois être du côté de l'exploitation et du côté de l'émancipation. Plus le conflit est extérieur à l'entreprise et plus le petit patron apparaitra comme faisant parti du peuple-classe. Il en va de même pour les artisans (au sens historique du terme différent du droit commrcial) qui ne sont pas des capitalistes mais des indépendants.

    Au titre des contradictions secondaires il faut aussi faire place à l'encadrement supérieur dans kes grandes unités de production de biens ou de services, tant dans le public que dans le privé. Ils sont en le marteau et l'enclume, tantôt partie soumise du peuple donc soumis comme le reste du salariat aux dictats de la finance et des politiques néolibérales, tantôt en position de classe d'appui de la bourgeoisie contre les travailleurs salariés privés ou public.

    Pour se dégager de l'emprise de soumission du salariat au capital il y a d'abord la reconnaissance des conflits de classe dans l'entreprise et la société civile qui devrait déboucher sur le développement d'un réel code du travail protecteur accompagné d'un service public de contrôle suffisamment développé (je renvoie aux arguments du camarade Filoche sur ce sujet) . Il y aussi la reconnaissance du fait syndical mais aussi du syndicalisme interprofessionnel. Pour réellement sortir le salariat de la soumission du capital il faut abolir le capital comme rapport social et envisager clairement le passage au socialisme (2), un néo-socialisme (3) pas celui du stakhanovisme soviétique. La démocratisation dans l'entreprise n'est pas une utopie pour qui envisage d'aller vers le socialisme. Il en va de même de la démocratisation hors du politique strictement entendue par élargissement de l'intervention citoyenne dans les grands choix de production à des niveaux territoriaux conséquents.

     La soumission au patriarcat et la soumission au marché.

    D' autres rapports sociaux internes clivent le peuple ; le genre autrement dit les rapports hommes-femmes et le rapport du consommateur-salarié à l'acquisition de biens et services sur un marché.

    Le patriarcat est une organisation de la société fondée sur la famille conçue comme naturellement hiérarchisée à partir de la prééminence du père. Cette configuration s'est modifiée au cours des siècles. Par endroit elle s'est atténuée, dans d'autres elle s'est renforcée. Mais elle perdure sous le capitalisme qui lui met l'entreprise productive au centre de ses dispositifs de soumission. Dans ce cadre les femmes sont plus en position de soumission et d'exploitation que les hommes quasiment partout dans le monde. Point à développer.

    Une autre distinction traverse le salariat et le peuple c'est celle qui porte non sur les rapports sociaux de production mais sur la capacité d'accès au marché des biens et services, donc le pouvoir d'achat dans la sphère de la circulation marchande. Elle distingue celui ou celle qui épuise intégralement son salaire (ou son revenu) mensuel chaque mois de celui qui est chaque mois en capacité de dégager un excédent pour l'épargne. Le montant est variable suivant la composition de la famille. Certains auteurs nomment "prolétaires" les seuls salariés qui non seulement vendent leur force de travail pour vivre mais épuisent leur salaire à la reproduction de la force de travail et à l'entretien de la famille. Les prolétaires - au sens étroit du terme- sont très handicapés pour l'achat d'un logement, même de qualité médiocre, alors qu'il s'agit bien essentiel à la vie car ce bien très couteux au regard de la capacité d'épargne nécessaire.

    La aussi la lutte commence par revendiquer une inversion de la dynamique masse salariale-profits avec une règle impérative qui fixe non seulement un revenu minimal indexé mais aussi un revenu maximal. Vive l'extinction du rentier hyper-riche qui ne sait plus que faire de ses richesses financières sinon accumuler des résidences de luxe aux quatre coins de la planète. La lutte se poursuit par la restriction de la sphère du marché et l'accroissement de celle des services publics et de l'appropriation publiques. Mais la-encore les changements décisifs ne pourront se réaliser que sous le socialisme en lien avec un alter-développement..

    Christian DELARUE

    Membre du CA d'ATTAC France

    Notes

    1) L'internationalisme des peuples par Samir AMIN

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php ?article447

    2) En finir avec ce capitalisme, ouvrir des perspectives vers le socialisme - C Delarue

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php ?article434

    3) Vers un néosocialisme vert : Etendre le marché ou le circonscrire ? - C Delarue

    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article354


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  • Pour une approche du peuple-classe

    Brève trame pour approfondissement et débat.

    http://www.amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article408

    Contributions à envoyer à Christian DELARUE, membre du CA d'ATTAC et du MRAP, à l'adresse suivante : chrisdelarue-snmrap@wanadoo.fr Les contributions les plus pertinentes seront publiées sur amitie-entre-les-peuples.org

    *

    Le peuple ne figure pas dans le dictionnaire altermondialiste Le Petit Alter. La définition que l'on trouve dans les interventions - quand on en trouve - est variable. Celle des juristes de droit international ne correspond pas à toutes les situations ou le terme est employé. Bref il existe un manque aussi bien dans ATTAC qu'au MRAP (alors que le terme peuple figure dans son intitulé). Mais ce n'est pas la seule raison de ce lancement de réflexion sur ce thème. Il s'agit de tester et développer la pertinence d'une nouvelle définition, ou du moins pour être moins prétentieux, d'une nouvelle approche.

    Cette approche du peuple en tant que quasi classe sociale ou comme classe sociale plurielle me vient à la fois de réflexions militantes issues du MRAP et des lectures diverses, certaines remettant en cause la notion de classe sociale - Patrick TORT, Gérard DUMENIL - d'autres admettant un flou dans la délimitation des classes au profit de la lutte et du rapport de conflictualité. C'est là une lecture que j'ai fait du Marx intempestif de Daniel Bensaïd qui me parait pertinente, notamment pour saisir le rôle particulier des fonctionnaires, non seulement comme classe pour soi mais aussi, sans messianisme outrancier, comme classe en lutte globalement pour la défense d'une société politique d'intérêt général et de satisfaction des besoins sociaux non pervertis par la main invisible du marché, des marchés. on marchande.

    Pour cerner la notion de peuple classe sociale il faut d'abord porter une appréciation critique de la notion de citoyenneté qui fonctionne comme obstacle épistémologique à la notion de peuple-classe.

    I – DERRIERE L 'AMBIGUÏTE DE LA CITOYENNETE

    Pour comprendre la portée cachée du peuple classe il faut d'abord admettre l'ambigüité de la citoyenneté. La citoyenneté institue le lien juridique entre le peuple à la nation, entre le peuple et les élus. Ce pont masque aussi un fossé, une distance et même un rapport social conflictuel. La citoyenneté fait aussi écran à la séparation de la société civile et de l'Etat, du peuple et de l'Etat.

     La citoyenneté entre participation et dépossession

    Contre une vision unilatérale je pose la citoyenneté comme ayant deux faces comme janus . La face lumineuse est celle qui fait passer une communauté humaine au statut de peuple politique via le droit de vote. Ce faisant c'est l'égalité de chaque citoyen au travers de la règle un homme = une voix, une femme = une voix qui est promu . C'est là une conquête historique à ne pas sous-estimé . Pour autant il ne s'agit pas de la survaloriser, de la fétichiser.

    Ainsi les résidents extracommunautaires qui n'ont pas de droit de vote et de citoyenneté font bien parti du peuple alors que des dirigeants politiques ou de grandes firmes multinationales disposant de la citoyenneté n'appartiennent pas au peuple. C'est là une première approche du peuple-classe qui opère une distinction entre peuple et nation . Par ailleurs, dans la démocratie libérale, la citoyenneté n'est activée qu'un laps de temps, celui du vote et par extension le temps de la campagne électorale (du moins lorsque les dites campagnes mobilisent l'attention populaire !) Autant dire alors que la citoyenneté a aussi une face sombre, celle qui permet le passage ambigu du peuple concret à la nation abstraite, englobante et mystificatrice ; passage qui masque les conflits de classes sociales ; passage qui masque le rapport social entre les élus, les élites politiques qui représente le peuple devenu nation et qui par ce biais monopolise l'activité politique. En ce sens, la citoyenneté telle qu'elle est organisée par la démocratie libérale assure plus la dépossession du peuple et des citoyens que leur participation au destin commun. La face lumineuse est célébrée, la face sombre continue de faire l'objet de recherche critique et scientifique . En fait la citoyenneté dans ses modalités engage une conception de la démocratie.

     De la nécessité de rapporter la citoyenneté au type de démocratie réellement organisée

    Le terme démocratie est galvaudé, pétri d'idéologie ( ). Pour être bref, l'erreur la plus courante consiste à confondre le processus démocratique (la démocratisation d'une société et de ces institutions) et la configuration démocratique existante (démocratie libérale) ou revendiquée à gauche (démocratie socialiste, démocratie prolétarienne, alterdémocratie) ou à droite (post-démocratie, gouvernance) . Cela vise à masquer des différences radicales et donc des changements importants à enclencher pour changer de configuration démocratique. Car la démocratie libérale est fondamentalement d'essence très restreinte.

    La démocratie libérale s'accommode d'un usage restreint de l'activité citoyenne limité à la votation après s'être longtemps accommodé d'un vote masculin, d'un vote censitaire, d'un vote dess nationaux. Dans une version moins restreinte que l'on nomme démocratie participative conçue comme complémentaire à la démocratie représentative les citoyens sont autorisés à participer à des processus souvent très localisés (le quartier) de débats et de décisions. La démocratie libérale reconnaît les conflits de classe à sa manière en permettant la grève et les manifestation. Cet ensemble le plus avancé ne forme qu'une démocratie rabougrie eu égard au champ d'intervention comme au temps consacré. Rien à voir avec l'alterdémocratie ou l'autre démocratie ( ).

    II - LE PEUPLE-CLASSE ENTRE OBJET ET SUJET POLITIQUE

    Le peuple classe n'est plus ici envisagé comme objet des politiques diverses de la classe politiques mais comme sujet de son auto-émancipation politique et sociale car conçu comme inséré dans un rapport social de domination sous couvert de démocratie représentative.

     Le peuple classe entre notion très englobante et individualisation.

    Le peuple classe se distingue du peuple-nation des Etats nation. Dans certains Etats comme l'Espagne on considère qu'il y a plusieurs peuples . La notion de peuple recouvre alors une autre dimension qui ne fait pas l'objet de mon propos. Pour le dire sommairement on a des peuples-nations qui se heurte à la domination d'un Etat central . La dimension de classe disparaît ici relativement au profit de sa dynamique historico-culturelle.

    La sociologie contemporaine a poursuivie au plan de la théorie le travail de réhabilitation de l'individu. Même les courants marxistes ont abondé dans ce sens mais sans cependant faire l'apologie de l'individu isolé , en quelque sorte "hors sol", comme totalement dégagé des rapports sociaux qui structurent le temps et l'espace de la société civile. C'est heureux car dans le même mouvement la dictature de la finance a elle poursuivie son travail d'individualisation fragilisante face aux crises qu'elle suscite.

     Le peuple classe est tel car il subit et s'affronte à ...

    C'est par facilité de langage que l'on parle de dictature de la finance, car la formule omet de dire qu'une classe sociale est bien soudée pour la défense de ses privilèges. On parlera l'oligarchie financière ou de bourgeoisie selon le spectre plus ou moins large de cette classe sociale active en matière de développement des politiques néolibérales. On sait que ses membres agissent au sommet des grandes sociétés transnationales (STN) mais aussi dans les entreprises de moindres envergures néanmoins inscrites sur les marchés boursiers et des grandes institutions mondiales (OMC, FMI, BM) ou continentales (UE), dans les lobbies patronaux, de destruction des collectifs

    Christian Delarue

    "Les peuples se décomposent en meutes, les classes en masses." écrit Daniel Bensaïd dans Eloge de la politique profane

    L'idéologie démocratique Jean-Jacques LAKRIVAL

     http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php ?article114



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